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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Décodage de l'ADN de la patate douce : une nouvelle étude révèle une ascendance surprenante

23 Septembre 2025 Publié dans #Génétique, #amélioration des plantes

Décodage de l'ADN de la patate douce : une nouvelle étude révèle une ascendance surprenante

 

Aaron Callahan, Boyce Thompson Institute (BTI)*

 

 

Variété de patate douce " Tanzania".

Crédit : Benard Yada, Institut National de Recherche sur les Ressources Agricoles (NaCRRI), Ouganda

 

 

La patate douce nourrit des millions de personnes dans le monde, en particulier en Afrique subsaharienne, où sa résistance naturelle aux conditions climatiques extrêmes la rend indispensable à la sécurité alimentaire. Mais ce modeste légume-racine a gardé ses secrets génétiques pendant des décennies. Aujourd'hui, les scientifiques ont enfin décodé son génome complexe, révélant une histoire complexe de l'origine et fournissant des outils puissants pour aider à améliorer cette culture vitale.

 

L'ADN de la patate douce est extrêmement complexe. Alors que les humains ont deux jeux de chromosomes, un provenant de chaque parent, les patates douces en ont six. Cette condition, appelée hexaploïdie, a rendu le décryptage de leur code génétique aussi difficile que de tenter de reconstituer six jeux d'encyclopédies différents, mais similaires, qui ont été mélangés.

 

Une équipe dirigée par le professeur Zhangjun Fei de l'Institut Boyce Thompson a réalisé une avancée significative, comme le rapporte Nature Plants. À l'aide d'un séquençage ADN de pointe et d'autres techniques avancées, ils ont créé la première cartographie génétique complète de "Tanzania", une variété de patate douce très appréciée en Afrique pour sa résistance aux maladies et sa teneur élevée en matière sèche.

 

Le principal défi consistait à démêler les 90 chromosomes de la plante et à les organiser en six ensembles originaux, appelés haplotypes. L'équipe a réussi à séparer complètement, ou « phaser », ce puzzle génétique complexe, ce qui n'avait jamais été réalisé auparavant.

 

« Disposer de ce génome complet et phasé nous offre un niveau de clarté sans précédent », explique M. Fei. « Cela nous permet de lire l'histoire génétique de la patate douce avec un niveau de détail incroyable. »

 

La recherche a révélé une complexité surprenante. Le génome de la patate douce est une mosaïque assemblée à partir de multiples ancêtres sauvages, dont certains n'ont pas encore été identifiés. Environ un tiers provient d'Ipomoea aequatoriensis, une espèce sauvage trouvée en Équateur qui semble être un descendant direct d'un ancêtre de la patate douce. Une autre partie importante ressemble à une espèce sauvage d'Amérique centrale appelée Ipomoea batatas 4x, bien que le donneur réel reste encore à découvrir dans la nature.

 

« Contrairement à ce que l'on observe chez le blé, où les contributions ancestrales se trouvent dans des sections distinctes du génome », explique Shan Wu, premier auteur de l'étude, « chez la patate douce, les séquences ancestrales sont entremêlées sur les mêmes chromosomes, créant une architecture génomique unique. »

 

Cet héritage génétique entremêlé signifie que la patate douce peut être provisoirement classée comme un « allopolyploïde segmentaire », c'est-à-dire essentiellement un hybride issu de différentes espèces, mais qui se comporte génétiquement comme s'il provenait d'une seule espèce. Cette fusion et cette recombinaison génomiques confèrent à la patate douce une adaptabilité et une résistance aux maladies remarquables, des caractéristiques essentielles pour les agriculteurs de subsistance du monde entier.

 

« Les six jeux de chromosomes de la patate douce contribuent également à sa résilience accrue », ajoute M. Fei. « Grâce à ses multiples versions de gènes importants, la plante peut conserver des copies de sauvegarde qui l'aident à survivre à la sécheresse, à résister aux parasites et à s'adapter à différents environnements, une caractéristique connue sous le nom de "tampon polyploïde". »

 

Cependant, pour comprendre pleinement le potentiel génétique de la patate douce, il faudra décoder plusieurs variétés provenant de différentes régions, car chacune peut présenter des caractéristiques génétiques uniques qui ont été perdues dans d'autres.

 

Les travaux de M. Fei et de son équipe représentent plus qu'une simple avancée académique. Grâce à une meilleure compréhension de la génétique complexe de la patate douce, les sélectionneurs peuvent désormais identifier plus efficacement les gènes responsables de caractéristiques clés telles que le rendement, la teneur nutritionnelle et la résistance à la sécheresse et aux maladies. Cette précision pourrait accélérer le développement de variétés améliorées.

 

Au-delà de la patate douce, cette recherche démontre comment les outils génomiques modernes peuvent aider à décoder d'autres génomes complexes. De nombreuses cultures importantes, notamment le blé, le cotonnier et le bananier, possèdent plusieurs jeux de chromosomes.

 

À mesure que le climat change et que les pressions exercées par les ravageurs et les maladies s'intensifient, il est essentiel de comprendre ces énigmes génétiques pour sélectionner des cultures résistantes et relever les défis liés à la sécurité alimentaire.

 

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* Source : Decoding Sweetpotato DNA: New Research Reveals Surprising Ancestry - Boyce Thompson Institute

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