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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Les microplastiques dans notre chaîne alimentaire

22 Août 2025 Publié dans #Santé publique

Les microplastiques dans notre chaîne alimentaire

 

Leah Elson, AGDAILY*

 

 

Image : Maksim Safaniuk, Shutterstock

 

 

Tout commence de manière anodine : une fibre synthétique provenant d'une veste polaire, une petite bille provenant d'un savon exfoliant ou un fragment d'une bouteille d'eau en décomposition. Ces particules de plastique microscopiques (communément appelées « microplastiques » ou « nanoplastiques ») sont transportées par le vent ou évacuées par les égouts, puis acheminées vers nos stations d'épuration. Mais leur voyage ne s'arrête pas là.

 

Selon une étude publiée en mai 2025 dans Environmental Sciences Europe, le devenir ultime des microplastiques est bien plus complexe et inquiétant que nous le pensions auparavant. Les preuves s'accumulent rapidement pour montrer que ces particules ne disparaissent pas simplement... elles s'infiltrent dans les sols agricoles par le biais des eaux usées traitées et des boues d'épuration, se glissant sournoisement dans le système alimentaire.

 

L'équipe de recherche a suivi le mouvement des microplastiques depuis les stations d'épuration municipales jusqu'aux champs agricoles irrigués avec de l'eau recyclée ou fertilisés avec des biosolides (un terme poli pour désigner les boues d'épuration traitées). Ce qu'elle a découvert n'était pas seulement une preuve de contamination, mais la confirmation d'une infiltration systémique.

 

 

 

 

Actuellement, les stations d'épuration des eaux usées ne sont pas équipées pour filtrer complètement les microplastiques. Bien qu'elles puissent capturer une partie de ces particules, le reste peut passer à travers et pénétrer dans les systèmes d'eau utilisés pour l'irrigation des cultures. Parallèlement, d'autres microplastiques capturés se concentrent dans les boues, qui sont souvent réutilisées comme amendement riche en nutriments dans l'agriculture.

 

Le résultat final ? Un dépôt lent et régulier de microplastiques sur les terres agricoles.

 

Une fois sur les champs agricoles, les microplastiques ne restent pas sim

plement à la surface. Ils s'intègrent dans la matrice du sol, s'incrustant dans la rhizosphère, la zone critique où les racines des plantes, les microbes et les nutriments du sol interagissent. Cette proximité avec les racines des plantes soulève de sérieuses préoccupations : des recherches préliminaires suggèrent que certains microplastiques peuvent être absorbés par les tissus végétaux, remontant potentiellement la chaîne alimentaire.

 

L'étude a quantifié les taux de charge plastique dans différents types de sols et selon différentes pratiques agricoles. Dans les systèmes intensifs, en particulier ceux qui dépendent fortement des amendements biosolides et de l'irrigation avec de l'eau recyclée, l'accumulation de microplastiques a atteint des niveaux comparables à ceux observés dans les sols urbains en bordure de route. C'est une référence qui donne à réfléchir.

 

L'impact écologique à long terme des microplastiques dans le sol est encore en cours d'évaluation, mais les premières conclusions indiquent des effets multiples et problématiques. Les particules peuvent modifier la porosité du sol, réduire la rétention d'eau, nuire aux vers et perturber les communautés microbiennes essentielles au cycle des nutriments. Dans certains cas, le développement des racines peut également être ralenti, ce qui réduit le rendement des cultures.

 

Bien qu'ils ne soient pas extrêmement toxiques au sens traditionnel du terme, les microplastiques agissent comme des agitateurs biologiques persistants, des facteurs de stress cumulatifs et persistants qui modifient lentement les règles du jeu souterrain. Et même si les conclusions actuelles sur les effets sur la santé humaine restent peu concluantes, l'idée que des plastiques se retrouvent dans nos légumes-racines suffit à donner envie à tout le monde de mâcher un peu plus lentement.

 

 

 

 

Pour le meilleur ou pour le pire, il ne s'agit pas d'un problème au niveau des exploitations agricoles, mais d'un problème d'infrastructure. Les normes de traitement des eaux usées n'imposent actuellement pas l'élimination complète des microplastiques. De plus, les réglementations relatives à l'utilisation des biosolides ignorent largement la teneur en plastique, se concentrant plutôt sur les agents pathogènes et les métaux lourds.

 

Pour résoudre le problème, il faut traiter les microplastiques non seulement comme une pollution, mais aussi comme un contaminant systémique circulant dans les boucles urbaines et agricoles interconnectées. Des technologies de filtration avancées, des changements de politique publique et des normes plus strictes sur l'utilisation des biosolides sont à l'étude.

 

Nous parlons souvent de durabilité dans l'agriculture sous l'angle de la santé des sols, de l'utilisation de l'eau et des émissions de carbone. Mais la durabilité signifie également savoir ce qui se cache dans nos systèmes sans que nous nous en rendions compte. Les microplastiques, aussi petits soient-ils, ont un impact bien supérieur à leur poids en termes de persistance environnementale et de complexité physiopathologique.

 

Si cette étude nous apprend quelque chose, c'est que la frontière entre les déchets urbains et l'agriculture rurale est plus poreuse que nous le pensions... et beaucoup plus plastique.

 

L'infiltration a commencé. La question est : qu'allons-nous faire à ce sujet ?

 

_________________

 

Leah Elson est une scientifique, auteure et communicatrice scientifique américaine. Elle possède deux pitbulls et soixante-huit plantes d'intérieur.

 

Source : Infiltration nation: Microplastics in our food chain | AGDAILY

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