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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Indépendance de l'ANSES : journalisme d'insinuation et stratégie d'influence du Monde

16 Juillet 2025 Publié dans #critique de l'information, #Activisme, #ANSES

Indépendance de l'ANSES : journalisme d'insinuation et stratégie d'influence du Monde

 

 

(Source)

 

 

Tout fait ventre, en quelque sorte. Le gouvernement a publié un décret le 10 juillet 2025. Le groupe du Parti Socialiste de l'Assemblée Nationale crie à la trahison. L'AFP diffuse un article (repris par exemple par Sud-Ouest) détaillé qui reprend l'explication gouvernementale sur la rationalité du texte en lui accordant une bonne visibilité. Le Monde la noie dans son article et en profite pour instiller dans l'opinion publique le doute sur les intentions – forcément malveillantes – du gouvernement à l'égard de l'ANSES.

 

 

Un décret pour faire traiter en priorité les dossiers prioritaires

 

Le 10 juillet 2025 a été publié au Journal Officiel le « décret n° 2025-629 du 8 juillet 2025 portant diverses dispositions relatives à l'autorisation des produits phytopharmaceutiques ».

 

Il est inséré dans le code rural et de la pêche maritime un nouvel article R. 253-5-1 dont les deuxième et troisième alinéa ont la teneur suivante :

 

« Le ministre chargé de l'agriculture peut établir, par un arrêté pris après avis de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, la liste des usages ayant pour objet de lutter contre des organismes nuisibles ou des végétaux indésirables affectant de manière significative le potentiel de production agricole et alimentaire et contre lesquels les moyens de lutte sont inexistants, insuffisants ou susceptibles de disparaître à brève échéance, dans la limite de quinze pour cent des usages répertoriés dans le catalogue national des usages phytopharmaceutiques.

 

Le directeur général de l'Agence tient compte, dans le calendrier d'examen des demandes d'autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et des adjuvants vendus seuls ou en mélange ainsi que des demandes de modification, de renouvellement ou de retrait d'une telle autorisation, de l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du présent article. »

 

Il n'y a pas de quoi fouetter un chat !

 

On demande à l'ANSES – par décret, la chose ne semblant a priori pas aller de soi pour l'agence ainsi cornaquée – de traiter en priorité les demandes se rapportant aux problèmes les plus urgents que rencontre l'agriculture.

 

 

Le Parti Socialiste proteste et trépigne

 

Le coup est parti le jour même du Parti Socialiste par un communiqué (sans date, pourquoi faudrait-il en mettre une ?) et aussi de Générations Futures.

 

Remarquable diligence de l'activisme ou coup préparé en amont grâce à des fuites ou, plus prosaïquement, un projet qui n'avait rien de secret... à vous de choisir. Une intervention divine n'est pas à exclure pour les amateurs de complots et de taupes dans les administrations !

 

Il y aurait eu, selon le parti qui fut de gouvernement et aspire à gouverner, « forfaiture écologique et sanitaire de la macronie » :

 

« Ce jeudi a été publié au journal officiel un décret ouvrant la voie à la remise en cause l’indépendance de l’ANSES, en trahison des engagements pris par le Gouvernement lors des débats sur la loi Duplomb.

 

Concrètement, le directeur-général l’ANSES devra tenir compte d'un calendrier d’examen des demandes d'autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques établi par le ministère de l’agriculture et donc retarder le retrait de produits dont les dangers pour la santé humaine et environnementale sont avérés. Il s’agit d’une mise sous tutelle de l’ANSES après plusieurs mois de tentatives de déstabilisation.

 

Ce décret fragilise l’indépendance de cette organisation et à travers elle l’indépendance de la science. […]. »

 

Que c'est capillotracté ! La péroraison l'est encore plus :

 

« Ce décret est une nouvelle forfaiture écologique et sanitaire de la macronie. La montée de l’extrême-droite devrait nous inviter à consolider nos institutions pour protéger les biens communs plutôt qu'épouser leurs obsessions anti-écologiques et anti-science»

 

Mais il est vrai que les dispositions de la proposition de loi Duplomb sur une mise en adéquation du programme de travail de l'ANSES avec les réalités économiques avaient constitué un casus belli, futile mais casus belli quand même. L'objectif est donc poursuivi, l'INRAE remplaçant un comité Théodule pour conseiller le ministère de l'Agriculture.

 

Il y aura du reste un autre comité Théodule, si la loi passe l'épreuve du Conseil Constitutionnel, le « comité des solutions d’appui à la protection des cultures »...

 

 

Un compte rendu équilibré et pertinent de l'AFP

 

Prenons-le de Sud-Ouest, « Pesticides : tollé à l’Assemblée contre un décret accusé de menacer l’indépendance de l’Anses ». Publié le 10 juillet, tard dans la soirée.

 

Il n'y a pas qu'un compte rendu des récriminations du groupe du Parti Socialiste à l'Assemblée Nationale et de Générations Futures, mais aussi une explication :

 

« Sollicité, le ministère de l’Agriculture a indiqué que "jusqu’à présent, l’Anses traitait les demandes d’AMM par ordre d’arrivée et que l’établissement d’une liste d’usages prioritaires visait, sans porter préjudice aux enjeux sanitaires ou environnementaux, à proposer un calendrier de traitement des dossiers en tenant compte de la saisonnalité des menaces pesant sur les cultures". "L’Anses est complètement indépendante dans ses évaluations et dans son calendrier", a-t-on souligné au ministère. [...] ».

 

Le paragraphe se poursuit par la réaction, très prudente, de l'ANSES.

 

Notons que le propos du ministère est un peu contradictoire pour le calendrier...

 

 

C'est un complot !

 

Le Monde a mis son article en ligne le lendemain, 11 juillet 2029, vers 19 heures. Il a donc bénéficié de la dépêche de l'AFP. Et il a pu solliciter des réactions.

 

Il titre : « Pesticides : un décret publié jeudi accusé de remettre en cause l’indépendance de l’Anses »

 

Ben oui, quoi ? Quelqu'un accuse... c'est donc une information.

 

Et ça va dans le sens de la ligne éditoriale – activiste – du Monde de M. Stéphane Foucart, qui a cosigné l'article avec M. Matthieu Goar.

 

Qu'il n'y ait pas de quoi ériger des barricades ressort pourtant du chapô :

 

« Le texte prévoit que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail considère les priorités du ministère de l’agriculture lorsqu’elle établira son calendrier d’examen des autorisations de mise sur le marché. »

 

Enfin, ce ne sont pas vraiment les priorités du ministère de l'Agriculture car il y aura un avis préalable de l'INRAE – l'institut dont le « A » du sigle est partagé par l'agriculture et l'alimentation.

 

Mais voilà...

 

« […] la publication d’un décret a réveillé les angoisses des défenseurs de l’environnement inquiets d’un affaiblissement de l’indépendance de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). "On avait évité le pire au Parlement, les attaques reviennent par la fenêtre", résume une source gouvernementale. »

 

Ah, une « source gouvernementale »... qui met en cause le travail gouvernemental...

 

Ah, les « angoisses »... On peut supposer que ces « défenseurs de l’environnement » ont sauté comme des cabris à la perspective de faire du tapage... avec le concours complaisant du Monde.

 

Il y a une autre source gouvernementale (ce serait étonnant que ce soit la même) :

 

« "Les parlementaires qui râlent aujourd'hui ont la mémoire un peu courte car tout le monde était au courant", explique une source gouvernementale. [...] »

 

Il y a tout de même des propos attribués au ministère de l'Agriculture et noyés dans le texte :

 

« […] Ce décret permet de "proposer un calendrier de traitement des dossiers en tenant compte de la saisonnalité des menaces pesant sur les cultures, l'Anses est complètement indépendante dans ses évaluations et dans son calendrier", promet le ministère de l'agriculture, qui répète que l'agence ne sera pas "obligée" de suivre les priorités ministérielles. [...] »

 

« ...promet... », « ...répète... »... le choix des mots...

 

Si le ministère « promet », c'est donc que cela ne ressort pas clairement du texte du décret... de l'art de susciter le doute...

 

Mais il y a la suite :

 

« […] En tout état de cause, le nouveau décret semble avoir été pris dans une certaine précipitation. »

 

Pourtant, la source gouvernementale... Même Générations Futures (sa prose est du 10 juillet, donc antérieure à celle du Monde) :

 

« Ce décret, dont le contenu avait été révélé par le média Contexte dès le mois de janvier, prévoit [...] » (c'est nous qui graissons).

 

Ah oui, preuve de la précipitation alléguée, le Conseil d'administration de l'ANSES n'aurait pas été « consulté, ni même averti de la publication de ce texte » selon un administrateur qui « proteste »... Toujours le choix des mots...

 

En fait, devait-il être consulté ou averti ? Nous ne le saurons pas, mais nous pensons que non.

 

Nous avons ensuite droit à des réactions de protestataires :

 

« Dans un communiqué, les députés du groupe socialiste ont décrit une "mise sous tutelle de L'Anses après plusieurs mois de tentatives de déstabilisation". "La ministre va pouvoir orienter le travail de l'Anses en fonction des pressions économiques. On met l'Anses un peu plus dans un étau », affirme Dominique Potier, député (PS) de Meurthe-et-Moselle et agriculteur. »

 

Ce Parti Socialiste – qui fut parti de gouvernement – me fait pitié. Mais c'est toute la France qui est à plaindre à la lumière de cette gesticulation démagogique.

 

 

(Source)

 

 

Chlordécone et amiante...

 

Mme Franceline Marano, vice-présidente d'Action contre le Cancer, est également citée par le Monde. Accrochez-vous !

 

« Il est à craindre que la volonté politique de reprendre en main l'expertise en mettant l'Anses sous pression n'aboutisse aux situations que l'on a connues à la fin du XXe siècle, avec les scandales sanitaires qu'ont été le chlordécone et l'amiante […] Il faut absolument éviter de revenir à ces situations où les industriels influait sur l'expertise. »

 

C'est complètement délirant à plus d'un titre. Les auteurs de l'article du Monde ne pouvaient pas ne pas l'ignorer. Mais cela ne les a pas rebuté.

 

C'est le journalisme d'insinuation et d'influence...

 

 

Pitié !

 

On peut souscrire sans problème à l'opinion de M. Julien Dive, député (Les Républicains) de l'Aisne et rapporteur de la PPL Duplomb : il est malvenu, ce décret, en plus publié deux jours après l'adoption de la loi et après de vigoureuses – et futiles – polémiques sur l'indépendance de l'ANSES.

 

On peut aussi s'interroger sur la limite de 15 % des priorités inscrite dans le décret. Fruit d'une négociation interministérielle ?

 

Il y a cependant, dans cet article, une petite merveille :

 

« "Ce n'est jamais au politique de s'immiscer dans les autorisations de mises sur le marché et dans le travail des scientifiques car si l'extrême droite ou l'extrême gauche arrivent au pouvoir, ils pourront tout réautoriser ou tout interdire", regrette de son côté Julien Dive rejoint par Dominique Potier [...] »

 

C'était pourtant la situation avant que M. Stéphane Le Foll ne passe le mistigri à l'ANSES. Et c'est la situation dans l'Union Européenne, où les décisions relèvent souvent de jeux politiciens.

 

Mais poursuivons :

 

« […] Alors que la planète est plongée dans un moment trumpiste, le rôle des politiques devrait être de protéger les institutions scientifiques contre la dictature de l'opinion. »

 

Cette forte pensée est apparemment de M. Dominique Potier.

 

C'est : « Faites ce que je dis... » Car les opposants à la loi Duplomb se sont fait largement les soutiens serviles d'une dictature de l'opinion.

 

Et question « dictature de l'opinion », il y a un sérieux problème de fabrique de l'opinion.

 

Il y eut, de M. Stéphane Foucart, « La fabrique du mensonge: Comment les industriels manipulent la science et nous mettent en danger ». Suggérons-lui une suite à son ouvrage : « La fabrique du mensonge: Comment les activistes manipulent l'opinion et nous mettent en danger ».

 

Pour les illustrations et citations, il dispose d'un vaste répertoire...

 

 

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