Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Misère, nous allons tous mourir : il pleut de l'acétamipride au Japon !

12 Juin 2025 Publié dans #Le Monde, #critique de l'information, #Activisme, #Néonicotinoïdes

Misère, nous allons tous mourir : il pleut de l'acétamipride au Japon !

 

Encore un article manipulateur du Monde de M. Stéphane Foucart

 

 

(Source)

 

 

Quel bonheur pour le Monde de M. Stéphane Foucart ! « Il pleut, littéralement, des néonicotinoïdes », certes au Japon, mais cela vient vraiment à point à l'heure où l'objectif du journalisme militant est de faire capoter la proposition de loi Duplomb-Ménonville. Décryptage.

 

 

Une étude scientifique assez quelconque

 

On a dû se réjouir au Monde, rubrique Planète, quand est arrivée la nouvelle de la publication de « Neonicotinoid detection in rainwater in Japan » (détection de néonicotinoïdes dans l'eau de pluie au Japon) de Zanne Sandriati Putri, Toshiko Sato, Yared Beyene Yohannes, Yoshinori Ikenaka et Masumi Yamamuro dans Environmental Monitoring and Contaminants Research.

 

C'est de la recherche assez basique mais robuste. On a analysé des échantillons d'eau de pluie provenant de Tsukuba et Kashiwa, au Japon, prélevés en avril, juin et septembre 2023, ainsi qu'en janvier, avril, juin, août et septembre 2024. Selon le résumé,

 

« Les résultats ont révélé que 91 % des échantillons contenaient des néonicotinoïdes, la concentration totale la plus élevée, soit 1,72 ng/L, ayant été détectée en août 2024. L'acétamipride occupait la première place avec une fréquence de détection de 82 % et une concentration moyenne de 0,36 ng/L, suivi du thiaclopride (73 %, 0,28 ng/L) et du dinotéfurane (45 %, 0,52 ng/L). »

 

Les auteurs ajoutent :

 

« Cette étude est le premier rapport sur la présence de néonicotinoïdes dans les précipitations, suggérant que les néonicotinoïdes, en tant que substances peu volatiles, peuvent tout de même être dispersés dans l'environnement via les précipitations. »

 

Cela relève de la fanfaronnade : ce n'est pas la première fois que l'on trouve des traces de produits phytosanitaires dans les eaux de pluie (voir par exemple ici pour la région de Sao Paulo, ici pour la Suisse ou ici pour les États-Unis d'Amérique (un article de... 1987)). Trouver des néonicotinoïdes ne devrait donc pas être une surprise, ni trouver des néonicotinoïdes dans les sols dans des endroits à priori incongrus.

 

 

 

 

On peut toutefois s'interroger, notamment dans le contexte du complot contre les insecticides systémiques : pourquoi les auteurs ont-ils limité leur étude aux néonicotinoïdes alors que la technique d'analyse combinant chromatographie et spectrométrie permet d'appréhender un éventail bien plus large ?

 

 

 

 

Oserait-on suggérer – en plus du point précédent – que cela aurait mis en perspective les très faibles niveaux retrouvés pour les néonicotinoïdes, et ce, dans un pays qui figure parmi les plus gros utilisateurs de produits phytosanitaires ? Par exemple, en Suisse, selon l'article du New Scientist précité, on a trouvé près de 4.000 nanogrammes de 2,4-dinitrophénol par litre... soit en gros 12.000 fois plus.

 

 

Des concentrations infinitésimales

 

Intéressons-nous à l'acétamipride, puisqu'il fait l'objet d'un militantisme médiatico-politique : une concentration moyenne de 0,36 nanogramme/litre d'eau de pluie.

 

Ces 0,36 ng/L représentent en gros un tiers d'un milliardième de gramme. C'est, en gros, 1 milligramme dans une piscine olympique de 3.000 mètres cubes. Ou, s'il tombe 10 mm de pluie, 36 nanogrammes d'acétamipride sur un hectare.

 

Selon la fiche canadienne SagE,

 

« L’acétamipride présente une toxicité modérée pour les oiseaux avec une DL50 aiguë par voie orale de 84 mg/kg p.c. chez le canard colvert »

 

et

 

« Le pesticide est modérément toxique pour les abeilles domestiques. La DL50 aiguë par contact chez les abeilles est de 8,09 µg m.a./abeille. »

 

Puisque l'acétamipride est un néonicotinoïde et taxé de « tueur d'abeilles », voici ce que cela signifie : pour atteindre la DL50 pour l'abeille, il faudrait extraire l'acétamipride de... quelque 24.000 litres d'eau. Pour le canard, on dépasse la dizaine de millions de litres.

 

 

On ne se refuse rien au Monde

 

Le Monde a jugé pertinent de publier un article sur ce qui constitue à tout bien considérer un non-événement ; il l'a fait tant dans son édition électronique (3 juin 2025) que dans son édition papier (5 juin). Dans la première, c'est : « De l’acétamipride détecté pour la première fois dans l’eau de pluie au Japon », avec en chapô :

 

« L’usage de ce pesticide néonicotinoïde est autorisé dans le pays, notamment en traitement dans la culture du riz et des monocultures de pins. »

 

Alors que l'article scientifique se rapporte aux sept néonicotinoïdes les plus courants, le titre du Monde se concentre donc sur l'acétamipride – pour les raisons militantes que l'on connaît (la tentative d'influencer le sort de la proposition de loi Duplomb-Ménonville) et qui du reste transparaissent du début de l'article de presse.

 

Il est aussi question de « monocultures de pins » dans le chapô. Dans le résumé de l'article scientifique, c'est « forêts de pins »...

 

 

La technique « téflon » ou le choix du « bon » contributeur

 

C'est la technique qui permet à l'auteur de l'article de présenter un argument par procuration.

 

Dès le premier paragraphe, il est fait appel à un « témoin » de moralité – de mauvaises mœurs pour l'ensemble des pesticides :

 

« […] "Les nuages sont devenus un vecteur de contamination de l’environnement global", résume le chimiste et toxicologue Jean-Marc Bonmatin (CNRS), qui travaille depuis trente ans sur cette famille de pesticides. »

 

Cela reste relativement anodin. Et cela se poursuit après un paragraphe rapportant ce que les chercheurs ont trouvé :

 

« "On voit que les discours selon lesquels ces produits restent dans les parcelles sur lesquelles ils ont été utilisés n'ont aucun fondement, précise M. Bonmatin. On savait que les eaux de ruissellement distribuaient ces substances parfois loin autour des champs […]. »

 

La fabrique du dénigrement est à l'œuvre ! Où sont ces fameux discours ? Sophisme de l'homme de paille !

 

C'est d'autant plus grotesque que l'allégation est implicitement infirmée par la phrase suivante. À moins d'insinuer qu'il y a de tels discours négateurs au mépris d'un fait établi et indiscutable. Ce qui est bien sûr à la portée des détracteurs, ici, des produits phytosanitaires et de l'industrie agrochimique.

 

 

Mais c'est grave, dit le docteur !

 

Il arrive que M. Stéphane Foucart doive se mouiller, enfin un peu :

 

« La somme des néonicotinoïdes mesurés se situe en moyenne entre 1 et 2 nanogrammes par litre. »

 

Non ! Il ne peut y avoir qu'une seule moyenne, et c'est 0,90 nanogramme/litre, pour une plage de résultats allant de « non détectable » à 1,72 ng/L (voir le tableau ci-dessus).

 

Et M. – Dr – Jean-Marc Bonmatin embraye :

 

« "En se fondant sur la toxicité aiguë de la plupart de ces substances, cela signifie qu'il suffit de ce que contiennent deux ou trois litres d'eau de pluie pour tuer une abeille, résume M. Bonmatin. Mais la situation est en réalité bien plus préoccupante, non seulement parce qu'il pleut des milliers de mètres cubes, mais aussi parce que ces substances produisent sur les insectes des effets chroniques à des doses très inférieures." »

 

Cet argument est particulièrement spécieux à plus d'un titre.

 

Est-ce du journalisme de bon aloi que de passer de l'acétamipride à « la plupart de ces substances » ? On peut penser que nombre de lecteurs se seront laissé abuser.

 

On passe aussi, subrepticement, à une quantité de substance active contenue dans un certain volume d'eau, deux ou trois litres et même « des milliers de mètres cubes ».

 

Mais nous pouvons nous accorder sur un fait incontournable : trempez une abeille dans deux ou trois litres d'eau ou des milliers de mètres cubes – ou même moins – contenant ou non des néonicotinoïdes... le résultat est garanti.

 

Mais revenons à l'argument en tant que tel.

 

L'imidaclopride est considéré comme le néonicotinoïde le plus dangereux pour les abeilles. Selon la base de données SAgE canadienne, la DL50 par voie orale est de 0,0038 µg/abeille (ou 3,8 ng/abeille) et par contact de 0,043 µg/abeille (43 ng/abeille). On peut donc atteindre la DL50 par voie orale avec de l'imidaclopride... à condition de faire boire plus de deux litres d'eau de pluie à l'abeille.

 

Toutefois, par voie orale, l'imidaclopride est...plus de 2.000 fois plus active que l'acétamipride (voir aussi ci-dessus). La question du journalisme de bon aloi doit se poser dans cette perspective.

 

 

C'est encore plus grave, dit-il !

 

L'article se poursuit, mais maintenant spécifiquement sur l'imidaclopride, sur l'abeille et aussi la drosophile :

 

« "Sur ces insectes, nos travaux ont montré que des effets délétères sur les populations peuvent survenir à des concentrations de substance environ un million de fois inférieures à celles induisant la mort immédiate des individus", précise le chercheur français. »

 

On peut être pris de vertige ! Cela correspond à :

 

0,000.000.000.000.003.800 gramme

 

0, (gramme, virgule) 000 (milligramme) 000 (microgramme) 000 (nanogramme) 000 (picogramme) 003 (femtogramme) 800 (attogramme).

 

Nous n'avons pas trouvé de référence bibliographique...

 

 

Est-elle tombée de la dernière pluie ?

 

Notre article se poursuit avec des résultats qui ont été obtenus en Suisse en 2019.

 

On y a trouvé des traces de néonicotinoïdes, notamment, dans 93 % de sols en agriculture biologique (N = 27) et plus de 80 % de sols en zones d'intérêt écologique. Des sols où aucun traitement par des néonicotinoïdes n'a été appliqué.

 

L'un des auteurs de l'étude, Ségolène Humann-Guilleminot, est appelée à la rescousse par le Monde :

 

« Je n'avais jamais pensé à la pluie comme voie de contamination, mais ces travaux indiquent que c'est clairement plausible. »

 

Ah bon...

 

 

Bref...

 

 

(Source)

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
G
Bonjour à vous,<br /> <br /> Je vous lis depuis un certain temps et je me rends de plus en plus compte du travail de Sisyphe auquel vous vous attelez. Le principe d'asymétrie des baratins de Brandolini est parfaitement illustré à travers vos billets. <br /> <br /> Je suis sidéré que des gens comme M. FOUCART, chaque semaine, distille ces mensonges dans un journal grand public sans que cela n'émeuve personne.<br /> <br /> Dans tous les cas merci pour ce travail, il est précieux pour se faire une opinion plurielle et pouvoir débattre avec un entourage de plus en plus intoxiqué par ces fadaises.<br /> <br /> Cordialement.
Répondre
M
Les journaux que vous évoquez sont financés par nos impots dans les cadre de l'aide à la presse et prétendent débusquer les fake news.<br /> <br /> Cela m'évoque deux pensées :<br /> - plus c'est gros, plus ça passe.<br /> - calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose.