La série Presse Payola : introduction - La stratégie consistant à financer des journalistes pour fabriquer des informations au service d'intérêts particuliers
David Zaruk, The Firebreak*
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Il y a 25 ans, les campagnes alarmistes étaient multiples et de courte durée. Les médias accordaient peu d'attention aux campagnes éphémères annonçant la fin du monde, et nous passions donc rapidement d'une menace à l'autre, comme le trou dans la couche d'ozone, le bug de l'an 2000, les dioxines, la maladie de la vache folle, l'acrylamide, le sang contaminé français, les grenouilles transgenres... À cette époque, le réchauffement climatique émergeait comme le prochain grand sujet destiné à effrayer les gens (remplaçant habilement la peur de la prochaine période glaciaire). À l'époque, j'avais donné à cette campagne militante un maximum de cinq ans avant qu'elle ne s'essouffle (pour être bientôt oubliée, comme certains courriels de l'Université d'East Anglia).
C'était il y a 25 ans.
Qu'est-ce qui a permis au changement climatique de rester au centre de l'attention des médias pendant plus de deux décennies ? Comment cette question a-t-elle pu définir le discours, encadrer chaque événement météorologique et laisser toute une génération désillusionnée et anticapitaliste ? Les chercheurs en climatologie sont les premiers à admettre que les campagnes sur le réchauffement exagèrent excessivement les données scientifiques et s'inquiètent du verrouillage du débat.
The Firebreak a montré comment des médias ont reçu des apports de capitaux importants et réguliers de la part de groupes d'intérêts spéciaux sur le climat afin de traiter chaque sujet comme une question climatique. Les militants se présentent comme des journalistes d'investigation indépendants et n'ont aucune difficulté à obtenir des financements et des sources de publication pour leur travail grâce au soutien de fondations bien coordonnées (qui travaillent souvent ensemble par le biais de sponsors fiscaux**). On peut appeler cela de la « presse payola »*** (une presse alimentée par des pots-de-vin) et, comme les militants ont constaté son efficacité, ce phénomène s'étend au-delà de la question climatique. C'est le sujet d'une nouvelle série de The Firebreak. |
Au cours des deux dernières décennies, l'activité des fondations a considérablement changé. Une quantité importante de nouveaux fonds et d'organisations philanthropiques ont fait leur apparition dans le monde des fondations à la suite de quatre cycles de création massive de richesses. Parmi eux, on trouve les nouveaux milliardaires issus des révolutions dot-com, Web 2.0, crypto et IA, qui sont censés redistribuer leur argent facile.
Cette accumulation massive de richesses a donné naissance à une nouvelle génération de « conseillers philanthropiques », des opportunistes qui ont développé de nouvelles tactiques pour organiser des campagnes à caractère politique, ainsi qu'à une nouvelle classe de consultants chargés de gérer les milliards de dollars de la gestion passive des fondations. Et alors que le processus philanthropique devenait du philo-narcissisme, avec des groupes comme Effective Altruism transformant la philanthropie en une secte pour recruter de jeunes entrepreneurs, une certaine classe de zélotes privilégiés se prévalant de leur haute moralité s'est vu conférer le pouvoir de changer (et de contrôler) le monde.
La question climatique a été soutenue par le financement des fondations – en grande partie – et pas seulement pour permettre aux ONG, aux avocats spécialisés dans la responsabilité civile et aux influenceurs militants d'attaquer sans relâche l'industrie et tous les politiciens pragmatiques. Les fondations ont également injecté des fonds destinés au climat soit directement dans de grands groupes médiatiques traditionnels comme The Guardian ou The AP, soit en créant de nouvelles organisations qui payaient littéralement des journalistes pour qu'ils publient des articles sur le climat. The Firebreak s'est penché sur des cas où des millions provenant de fondations ont été injectés dans des groupes nouvellement créés comme Covering Climate Now afin de rémunérer des journalistes qui maintenaient le changement climatique au centre de l'actualité.
Les fondations qui financent Covering Climate Now
Si un groupe de fanatiques passionnés et bien financés peut contrôler le discours grâce à une offensive médiatique, un vide dans le dialogue se crée. Au niveau universitaire, les personnes qui osent remettre en question leurs affirmations ne sont, au mieux, pas publiées et sont généralement ostracisées par certains organismes « consensuels », privées d'opportunités de carrière et de financement pour leurs recherches. Même des revues telles que Nature et Science sont aspirées dans ce tourbillon de partialité. Sans voix dissidentes, les arguments complexes deviennent des faits simplifiés et la recherche scientifique est étouffée. Et si des experts de premier plan sont contestés ou méprisés, les tribunaux interviennent pour étouffer davantage le dialogue.
Les fourches sortent rapidement et les chasses aux sorcières ne tardent pas à suivre lorsque les sociopathes disposent de fonds suffisants, de partisans et de médias passifs qui ne posent que les questions pour lesquelles ils sont payés. C'est encore plus facile lorsque les militants se qualifient eux-mêmes de journalistes, renforçant ainsi le cycle des préjugés et des biais.
Personne ne pose de questions fondamentales telles que :
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Qui finance ce groupe ?
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Quels sont ses intérêts ?
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Dans quelle mesure ses arguments sont-ils raisonnables ?
Ces questions ne sont posées que lorsque quelqu'un remet en cause le consensus, et la pression narrative étouffe souvent ce type de réflexion ouverte. Dans un tel environnement, personne ne remet même en question l'éthique des pots-de-vin versés à la presse. Les médias grand public devraient-ils recevoir des paiements pour écrire des articles sur certains sujets ?
Mais combien de temps les fondations continueront-elles à être associées à une philanthropie généreuse ? Combien de temps leur opacité et leurs organisations parallèles corrompues seront-elles tolérées ? Tant qu'elles continueront à payer les médias, nous pouvons supposer que la réponse sera : « Encore longtemps ! »
Beaucoup d'eau coulera sous les ponts avant que quelqu'un ne pense que les médias ont été naïfs et simplement trompés par certains opportunistes manipulateurs. Les médias tirent profit du jeu, acceptant de l'argent et rendant des faveurs. Les pots-de-vin à la presse sont si courants que personne ne les remet en question (tant que la plupart des fondations conservent une image flatteuse).
Le modèle économique des médias traditionnels a changé au cours de ces deux dernières décennies, qui ont vu l'expansion de la richesse des fondations. Alors que les services en ligne grignotaient leurs sources de revenus traditionnelles (abonnés, petites annonces et publicité), ils avaient besoin de nouveaux modèles de financement pour continuer à informer. Les fondations et le parrainage de campagnes constituent désormais une part importante de la stratégie de survie financière de nombreux organes de presse.
À l'instar des scientifiques, les journalistes indépendants rédigent désormais autant de demandes de subventions que d'articles. Cela dépasse largement le salaire d'un journaliste et les fonds secrets des fondations médiatiques sont suffisamment abondants pour leur fournir un flux de trésorerie suffisant pour faire avancer leur dogme idéologique. Prenons l'exemple d'une chercheuse militante comme Carey Gillam (qui a été rémunérée par des ONG au cours de la dernière décennie, mais s'autoproclame journaliste). Grâce au système de financement des médias par les fondations, elle peut être rémunérée au moins cinq fois pour le même article.
Pour son article sur l'attaque de Bonus Eventus, par exemple :
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Elle a d'abord été rémunérée par Lighthouse Reports (qui a reçu 800.000 dollars de la Oak Foundation pour passer au moins un an à enquêter et à promouvoir cette histoire).
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L'article et la fuite des documents que ses associés avocats spécialisés en responsabilité civile ont « laissés sur le pas de sa porte » ont été publiés sur le site web de l'Environmental Working Group (où elle est employée en tant que militante).
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Ce même article a été reproduit dans The Guardian dans le cadre d'un programme où des fondations paient The Guardian pour des articles consacrés à certaines questions. Il faut cliquer sur un lien discret et trompeur intitulé « Soutenu par theguardian.org » pour découvrir qui paie Carey pour reproduire son matériel de campagne pour l'Environmental Working Group (voir l'image ci-dessous).
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Comme la plupart des fondations qui financent des groupes tels que The Guardian utilisent des fonds anonymes affectés par des donateurs, il est fort probable que les cabinets d'avocats spécialisés en responsabilité civile qui bénéficieront largement de l'activisme de Carey (et qui l'ont déjà fait par le passé avec ses Monsanto Papers lorsqu'elle était militante rémunérée par US Right to Know) injectent presque certainement des capitaux de démarrage dans ce projet.
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À cela s'ajoutent les droits d'auteur sur les livres ainsi que les honoraires de consultation et de conférence...
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Cela ne tient toutefois pas compte des honoraires que les cabinets d'avocats spécialisés en responsabilité civile qui bénéficient du travail de Carey lui versent pour ses recherches, ses consultations ou ses conseils. Mais cela ne pourrait être rendu public que si Carey était appelée à témoigner dans le cadre d'un procès et si une personne sans intégrité enfreignait les codes de conduite journalistiques (comme Carey le fait souvent) et divulguait ses témoignages faits lors de dépositions sous scellés.
Ce n'est pas mal pour avoir écrit un seul article sur un sujet inexistant. Carey s'enrichit considérablement, ce qui explique peut-être son exubérance à compromettre son intégrité.
Plusieurs de ces fondations proposent des « fonds affectés par les donateurs », qui permettent à des groupes tels que des cabinets d'avocats spécialisés en responsabilité civile de faire des dons anonymes à la fondation, les montants versés étant réservés à une campagne à laquelle Mme Carey Gillam participe.
Si les fondations peuvent fournir les moyens nécessaires pour que chaque histoire, chaque événement météorologique, chaque produit vendu sur le marché soit rapporté comme un événement climatique, alors notre discours peut facilement être défini par les histoires climatiques que les médias rapportent sans relâche (et qui leur rapportent beaucoup).
Imaginez que vous puissiez reproduire cette stratégie de manipulation médiatique et que vous disposiez de milliards de dollars provenant de fondations pour inciter un grand nombre de journalistes à faire des reportages et des enquêtes sur des produits chimiques industriels comme les PFAS. Ce journalisme à la demande, cette corruption de la presse, pourrait-il façonner votre discours alarmiste en vue d'une campagne de plusieurs décennies visant à éliminer un groupe important de produits chimiques utilisés dans de nombreux processus chimiques essentiels ? La peur du public suscitée par une telle stratégie médiatique entraînerait des milliards de dollars de règlements judiciaires, de mauvaises réglementations et une ignorance scientifique encore plus grande.
Soit dit en passant, nous devons remettre en question la stratégie de corruption de la presse qui consiste à inciter les fondations à créer des organisations pour payer des journalistes afin qu'ils couvrent d'autres sujets (vapotage, plastiques, additifs alimentaires, aquaculture, produits chimiques, pesticides...). Des groupes comme la Oak Foundation prétendent soutenir des fonds d'investigation, mais il s'agit simplement d'une extension des campagnes militantes des ONG qui se font passer pour des « reportages » des médias grand public. Nous devons nous demander si le fait que des groupes d'intérêts, par l'intermédiaire de fondations, rémunèrent un grand nombre de journalistes pour amplifier leur activisme à l'échelle mondiale doit être toléré d'un point de vue éthique.
Il existe un groupe d'activistes expérimentés qui s'autoproclament journalistes indépendants et qui se sont récemment lancés, avec une valise remplie de billets provenant de fondations, dans la couverture médiatique d'une famille de produits chimiques largement utilisés, connus sous le nom de PFAS, afin d'effrayer le public et de diffuser les objectifs de leur campagne militante qui répondront aux ambitions de leurs bailleurs de fonds particuliers. Ils ont un plan d'action, ils ont la passion et ils sont certainement prêts à mentir. Dans la deuxième partie de cette série, The Firebreak examinera qui paie quels journalistes, combien et pourquoi. La troisième partie se penchera sur la manière dont une douzaine de fondations américaines influencent les médias qui couvrent le débat sur l'aquaculture au Chili.
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* David est le rédacteur en chef de The Firebreak. Il est également connu sous le nom de Risk-monger. Professeur à la retraite, analyste des risques pour la santé et l'environnement, communicateur scientifique, promoteur d'une politique fondée sur des données probantes et théoricien philosophique sur les activistes et les médias.
** Un sponsor fiscal est une organisation à but non lucratif de type 501(c)(3) du droit états-unien qui partage son statut d'exonération fiscale avec des particuliers, des entreprises ou des groupes engagés dans des actions caritatives. Cet arrangement permet aux entreprises à but lucratif de recevoir des dons et des subventions défiscalisés sans avoir à créer leur propre entité à but non lucratif.
*** Le terme « payola » désigne la pratique illégale consistant à payer ou à offrir des incitations, souvent sous la forme d'argent ou de cadeaux, à des stations de radio, des DJ ou d'autres médias pour promouvoir ou diffuser des chansons, des produits ou des contenus spécifiques, sans révéler l'existence et le montant de la rémunération au public. Le terme est né dans l'industrie musicale, en particulier au milieu du XXe siècle, lorsque les maisons de disques soudoyaient les DJ pour qu'ils favorisent la diffusion de leurs artistes. Il est dérivé de la combinaison des mots « pay » et « Victrola » (une marque de tourne-disques).
Il n'y a pas de véritable équivalent en français.
Source : The Press Payola Series: Introduction - by David Zaruk