La série Presse Payola 2 : derrière le tumulte des « polluants éternels », de l'argent noir d'une alliance entre activistes environnementaux, avocats prédateurs, etc.
David Zaruk, The Firebreak*
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(Source)
Les médias grand public sont inondés d'articles sur les « polluants éternels » qui envahissent nos corps et l'environnement. L'objectif est d'effrayer et d'indigner le public et, à l'instar de nombreuses campagnes militantes récentes, cet assaut actuel est financé par de grosses sommes d'argent.
Le terme « polluants éternels », inventé en 2018 par un professeur de Harvard, fait référence à une famille de substances connues sous le nom de PFAS, qui signifie « substances per- et polyfluoroalkylées ». Pourquoi ce problème est-il devenu si important en moins de dix ans ?
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- Il s'agit de substances chimiques (et pire, de produits de synthèse) ! (faites jouer ici une musique dramatique) ;
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Elles existent depuis les années 1940 ! (bande sonore de soldats nazis marchant au pas) ;
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Ce sont des substances persistantes !
Cela signifie que les composés chimiques ne se décomposent pas (ou très lentement) dans l'environnement. Ceci est bien sûr bénéfique pour les applications où la biodégradation d'une substance rendrait les applications inutiles. L'intérêt de l'utilisation d'un produit chimique persistant est précisément qu'il ne se dégrade pas. La liaison carbone-fluor (à partir de laquelle des milliers de produits chimiques ont été développés) a apporté d'énormes avantages à l'humanité, qu'il s'agisse de retardateurs de flamme, d'isolants ou de produits résistants à l'eau ou aux taches.
Les substances PFAS les plus courantes (et les plus étudiées récemment) sont le PFOA (acide perfluorooctanoïque) et le PFOS (acide perfluorooctanesulfonique), et c'est en raison de l'attention portée à leur persistance chez l'homme et dans l'environnement que l'on s'est attaché à susciter des craintes pour toute une catégorie d'applications à base de fluor. Imaginez : des milliers de substances chimiques PFAS empoisonnent en permanence l'homme et l'environnement... C'est une base pour une campagne de peur parfaite.
Les substances chimiques fluorées existent depuis les années 1940. Qu'est-ce qui a changé pour qu'elles deviennent le nouvel ennemi public par rapport à tous les autres produits chimiques ? Pourquoi le public et les décideurs politiques réactifs ont-ils si peur d'une catégorie de substances courantes et hautement bénéfiques ?
Plusieurs choses se sont produites.
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Les ONG ont bénéficié d'une forte augmentation de leur financement par l'intermédiaire de fondations et de groupes d'intérêts. En 30 ans de suivi et de participation à la gestion des questions de politique chimique, je n'ai jamais vu de campagnes d'ONG aussi puissantes et influentes (et cela a autant à voir avec la professionnalisation des organisations philanthropiques qu'avec les faiblesses de la stratégie de l'industrie).
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Les chercheurs ont reçu davantage de subventions pour des études visant à établir un lien entre les substances chimiques PFAS et un large éventail de risques pour la santé. Lorsque des scientifiques militants obtiennent des fonds pour trouver un lien corrélatif, ils conçoivent leurs études de manière à justifier leurs objectifs de recherche (aussi modestes soient-ils) et trouvent ensuite une revue pay to play (publiant contre rémunération) pour publier leurs résultats.
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Les technologies analytiques sont devenues moins chères et plus précises. Il y a dix ans, la détection des expositions à l'échelle nanométrique faisait souvent l'objet de discussions parce que les gestionnaires de risques ne disposaient pas des technologies nécessaires pour les mesurer. Aujourd'hui, nous pouvons détecter les expositions chimiques dans l'environnement au niveau de l'ombre. Si vous recherchez un produit chimique dans l'environnement ou dans l'urine humaine et que vous calibrez correctement votre chromotographe ou votre spectromètre, vous trouverez des traces.
Les produits chimiques persistants tels que ceux de la famille des PFAS se retrouveront sans nul doute à l'état de traces dans l'environnement. Cela ne signifie pas pour autent que des niveaux d'exposition aussi incroyablement faibles présentent des risques, mais l'argument des militants est qu'il s'agit de produits chimiques de synthèse, présents dans l'environnement et chez l'homme. Comme ils ne sont pas naturels, nous ne sommes pas certains de leur innocuité – et ils ne sont pas censés être là !
Plus de tests => plus de peur => plus d'indignation publique.
Les décideurs politiques ont été contraints de réagir, car la multiplication des tests portant sur de faibles niveaux de produits chimiques persistants a créé une pression pour agir contre leurs producteurs, les obligeant à nettoyer les résidus dans l'environnement. La précaution est une réponse politique facile à une question complexe, alors même que des produits chimiques aussi bénéfiques sont nécessaires.
Bien entendu, les ONG ont multiplié les termes effrayants tels que « polluants éternels », « poison du siècle » et « pire crise de pollution de l'histoire de l'humanité ». Aucun des niveaux d'exposition n'a été considéré comme un risque alarmant ou largement accepté comme dangereux par la communauté scientifique, mais cela n'a jamais arrêté une bonne campagne militante (surtout si elle est alimentée par l'approche basée sur le danger).
Le rapport du Corporate Europe Observatory qui a lancé cette dernière campagne sur les PFAS a fait signer une lettre et une pétition à 94 ONG (signées principalement par les membres des ONG). Il s'agit là d'une démarche classique à Bruxelles, qui fait rarement bouger les choses. Ce qu'il fallait à ces militants anti-chimie et anti-industrie, c'était que les médias intègrent cette campagne de peur à notre flux d'informations quotidien.
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Mais quelque chose a changé. Les ONG et les médias ont bénéficié d'un énorme afflux de fonds pour cette campagne « polluants éternels ». Plus que l'alarmisme des ONG, nous devons voir comment les médias ont été entraînés, diffusant la peur et la désinformation sur les risques potentiels présentés comme des faits. C'est sur ce point que l'analyse de Firebreak portera son attention.
Il s'agit de la deuxième partie de la série « Press Payola »**, qui examine comment des groupes d'intérêts particuliers financent des campagnes médiatiques à grande échelle par l'intermédiaire de fondations, soit en faisant appel à des tiers non transparents, soit en mettant en place des sponsors fiscaux qui servent de chambres de compensation pour les pots-de-vin versés aux journalistes.
L'itération la plus récente de la campagne « polluants éternels » (forever chemicals), connue sous le nom de « forever lobby », est le fruit de l'imagination de Mme Stéphane Horel. Mme Horel a passé des décennies à faire campagne contre l'industrie, convaincue que les substances chimiques perturbatrices du système endocrinien (EDC – endocrine disruptor chemicals) constituaient une menace généralisée. Comme cette idéologie reposait sur une rhétorique émotionnelle mais peu sur des faits scientifiques, la campagne a été banalisée et le public s'est désintéressé des discours alarmistes de Mme Horel, de ses documentaires sur le lobbying [de l'industrie] et de sa littérature de campagne déguisée en journalisme.
Cette activiste, qui se fait passer pour une journaliste, a eu un passé trouble avec la réalité. Elle a travaillé sur un rapport attaquant l'EFSA dans le cadre d'un contrat de consultance avec l'ONG de transparence Corporate Europe Observatory (CEO), mais lorsque le rapport a été publié, CEO a prétendu que Mme Horel était une journaliste indépendante. Mais alors que cette militante acharnée contre les perturbateurs endocriniens a déplacé son obsession vers les PFAS, les vieilles habitudes consistant à cacher les sources de financement de son activisme se sont poursuivies.
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Stéphane Horel. Crédit : Pulitzer Center
Elle affirme souvent dans sa biographie qu'elle est journaliste au Monde, mais en 2024, elle n'a publié que quatre articles dans le Monde, trois en février, et tous sur sa campagne anti-PFAS. La réalité est qu'elle est payée en tant qu'activiste tout en recherchant la crédibilité par le biais de quelques amis au Monde qui amplifient ses campagnes.
Mme Horel s'est peut-être rendu compte que ses campagnes, son activisme et ses films sur le système endocrinien, qui durent depuis des décennies, ont échoué parce que les médias n'étaient pas en phase. Tirant les leçons de la façon dont les médias s'étaient engagés à promouvoir l'agenda du changement climatique, elle a abordé sa campagne anti-PFAS en créant la campagne Forever Lobbying avec suffisamment de fonds provenant de fondations pour maintenir un grand nombre de journalistes des médias grand public sur le coup, bien financés et désireux de publier.
Mme Horel a lancé la campagne Foreveer Lobbying en 2024 à partir du projet Forever Pollution qui a pris fin l'année précédente. Qu'est-ce ?
Le projet Forever Lobbying est une enquête interdisciplinaire transfrontalière impliquant 46 journalistes et 29 partenaires médiatiques dans 16 pays, avec un groupe d'experts composé de 18 universitaires et juristes internationaux.
C'est impressionnant et cela montre que les activistes ont appris qu'il ne suffit pas de mener une campagne basée sur la peur et l'indignation. Les médias doivent être intégrés et contrôlés pour amplifier le message. La solution consiste à lancer un vaste projet dès le départ avec un large réseau de journalistes, ce qui rend le succès bien plus efficace qu'une campagne isolée.
Un petit groupe au cœur de la campagne anti-PFAS de Mme Horel effectuait les recherches, mais une grande organisation a été mise en place pour aider les journalistes à amplifier les résultats dans les différentes sources médiatiques. J'ai eu mal aux doigts en parcourant la liste des membres de l'équipe de Forever Lobbying, de tous les coordinateurs, des groupes d'experts, des développeurs web et des trois personnes chargées du « scrollytelling », de la mise en ligne. Plus de 100 personnes sont impliquées dans ce projet avant même qu'un rapport ne soit sorti et que les journalistes ne se mettent au travail.
Mme Stéphane Horel étant connue pour ses productions à petit budget, la question se pose : qui paie tout ce monde ?
La campagne de Forever Lobbying revendique les financements suivants (sans entrer dans les détails) :
Le projet a reçu le soutien financier du Pulitzer Center, de la Broad Reach Foundation, de Journalismfund Europe et de IJ4EU.
Nombre de ces fondations ou fonds prennent et redistribuent de l'argent provenant d'ailleurs, de sorte que la source de financement de la campagne et des médias n'est pas du tout transparente.
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Dans la deuxième partie de la série « Press Payola », Firebreak a noté que le Pulitzer Center semblait prêt à accepter de l'argent de n'importe qui pour le reverser à un projet d'investigation.
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La Broad Reach Foundation est une organisation virtuelle qui est guidée à 100 % par les donateurs, ce qui signifie qu'un groupe d'intérêts peut faire un don à Broad Reach et que la fondation le reversera à la campagne prévue (moins les frais). Il s'agit là d'une pure opacification financière (et Mme Horel le sait).
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Journalismfund Europe se décrit comme une organisation intermédiaire, ce qui signifie qu'elle met en relation les bailleurs de fonds et les bénéficiaires. Une fois de plus, les activistes n'ont pas précisé qui étaient les bailleurs de fonds. [Ma note : Journalismfund Europe a reçu près de 1.700.000 Euros de la Commission Européenne en 2024.]
Curieusement, la campagne médiatique anti-PFAS reconnaît également le soutien de ce que l'on appelle communément un sponsor fiscal.
[Ma note : Un sponsor fiscal est une organisation à but non lucratif de type 501(c)(3) du droit états-unien qui partage son statut d'exonération fiscale avec des particuliers, des entreprises ou des groupes engagés dans des actions caritatives. Cet arrangement permet aux entreprises à but lucratif de recevoir des dons et des subventions défiscalisés sans avoir à créer leur propre entité à but non lucratif.]
« Arena for Journalism in Europe est financée par ses propres revenus et par un groupe diversifié de bailleurs de fonds, ainsi que par un soutien en nature (équipe, site web, etc.). »
Arena reconnaît qu'elle reçoit des fonds affectés de fondations pour les redistribuer à des campagnes telles que Forever Lobbying. Elle a fourni un lien vers 23 fondations, dont chacune aurait pu faire un don aux activistes anti-PFAS, mais Mme Horel a choisi de ne pas faire preuve de transparence. En tout état de cause, nombre de ces fondations utilisent des fonds affectés par les donateurs, de sorte que cette campagne non seulement n'indique pas clairement quelles fondations soutiennent Arena en tant que sponsor fiscal de la campagne anti-PFAS, mais encore dissimule l'argent des intérêts spéciaux qui arrive dans les fondations par des voies obscures.
Ni Arena ni la campagne médiatique anti-PFAS n'ont défini ce que signifie le « soutien en nature » aux membres de l'équipe. The Firebreak a vu que le sponsor fiscal financé par des fondations, Covering Climate Now, considérait le soutien en nature comme un paiement direct en espèces aux journalistes pour qu'ils fassent des reportages sur le climat.
Il ne s'agit pas d'une presse libre. Conformément au modèle d'entreprise de la Payola Press, les articles de la campagne anti-PFAS sont achetés et payés par des groupes d'intérêts spéciaux qui se cachent dans l'ombre derrière des fondations.
La principale ambition du lobby anti-PFAS est de nuire à l'industrie chimique en interdisant tous les produits chimiques à base de fluor, d'imposer des coûts de nettoyage irréalistes, de tenir l'industrie pour responsable des dommages causés à l'homme et à l'environnement et de promouvoir des alternatives aux applications des PFAS. Dans tous les cas, il existe un vaste écosystème de groupes d'intérêts opportunistes, allant des avocats spécialisés dans la responsabilité civile aux entreprises de services environnementaux, en passant par les producteurs de produits ne contenant pas de PFAS, qui tireraient d'énormes bénéfices si cette campagne militante parvenait à éliminer progressivement les milliers d'applications de produits chimiques à base de fluor.
Il y a beaucoup d'argent en jeu ici, ce qui pourrait justifier le versement de centaines de milliers de dollars à des fondations et à des sponsors fiscaux pour payer les journalistes qui participent à cette campagne Forever Lobbying. À l'instar des sponsors fiscaux mis en place pour payer les journalistes afin que le changement climatique reste d'actualité, cette campagne médiatique sur les PFAS, qui subvient aux besoins de « 46 journalistes de 29 partenaires médias dans 16 pays » (sans parler des 18 avocats et universitaires ou des centaines de rédacteurs, coordinateurs et « scrollytellers »), peut être qualifiée d'autre situation de « Press Payola ». Pour rappel, la série Press Payola s'intéresse à la manière dont les fondations redistribuent des fonds provenant de groupes d'intérêts via des sponsors fiscaux tiers pour payer les journalistes afin qu'ils publient des articles sur leurs investigations.
Combien la campagne Forever Lobbying verse-t-elle à ses journalistes pour qu'ils rendent compte des recherches que les activistes ont préparées pour eux ? Bien que l'ONG pro-transparence Corporate Europe Observatory soit au cœur de cette campagne, il n'y a aucune transparence sur les sommes reçues par les activistes de la part des fondations et des sponsors fiscaux. D'ailleurs, il n'y a aucune information sur les groupes qui financent des sponsors tels que le Pulitzer Center ou sur les sources des sombres fonds affectés par les donateurs et acheminés par les fondations qui soutiennent le sponsor fiscal de Forever Lobbying, Arena.
Même le Corporate Europe Observatory n'a pas indiqué les coûts de production de son rapport sur les PFAS qui a lancé la campagne en janvier 2025. Je suppose que pour ces ONG activistes, la transparence n'est destinée qu'à l'industrie, aux imbéciles et aux idiots que nous n'aimons pas.
La prochaine fois que vous lirez un article sur les PFAS, vous devrez vous poser trois questions :
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Le risque est-il significatif ou fait-il simplement partie d'une autre campagne de peur des produits chimiques ?
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Le journaliste a-t-il été payé par une fondation ou un sponsor fiscal non transparent pour amplifier le rapport ?
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Quels sont les groupes d'intérêts susceptibles de bénéficier des solutions proposées par la campagne et le « reportage » ?
J'aimerais que les rédacteurs en chef des journaux posent ces questions, mais il est probable qu'ils soient eux aussi en train de gagner de l'argent.
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* David est le rédacteur en chef de The Firebreak. Il est également connu sous le nom de Risk-monger. Professeur à la retraite, analyste des risques pour la santé et l'environnement, communicateur scientifique, promoteur d'une politique fondée sur des données probantes et théoricien philosophique sur les activistes et les médias.
** Le terme « payola » désigne la pratique illégale consistant à payer ou à offrir des incitations, souvent sous la forme d'argent ou de cadeaux, à des stations de radio, des DJ ou d'autres médias pour promouvoir ou diffuser des chansons, des produits ou des contenus spécifiques, sans révéler l'existence et le montant de la rémunération au public. Le terme est né dans l'industrie musicale, en particulier au milieu du XXe siècle, lorsque les maisons de disques soudoyaient les DJ pour qu'ils favorisent la diffusion de leurs artistes. Il est dérivé de la combinaison des mots « pay » et « Victrola » (une marque de tourne-disques).
Il n'y a pas de véritable équivalent en français.