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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Glyphosate, cancers et étude pilotée par l'Institut Ramazzini : de la réalité à la désinformation... et retour (deuxième partie)

21 Juin 2025 Publié dans #Article scientifique, #Glyphosate (Roundup), #critique de l'information

Glyphosate, cancers et étude pilotée par l'Institut Ramazzini : de la réalité à la désinformation... et retour (deuxième partie)

 

 

Deux jours après la publication d'un article d'une équipe internationale pilotée par l'Institut Ramazzini, la messe médiatique était dite : le glyphosate est cancérigène, et c'est prouvé.

Nous avons vu dans la première partie que, au mieux, ce n'est pas convaincant. Mais il y a aussi les « chiffons rouges ». Et l'instrumentalisation de l'étude.

 

 

Les chiffons rouges

 

Selon qu'on croit, ou qu'on ne croit pas...

 

Cet article scientifique est entaché d'une série de problèmes incidents qui touchent à sa crédibilité.

 

Si on pense que les auteurs ont trouvé quelque chose de valide, il convient de considérer très sérieusement ces problèmes – et évaluer les résultats à l'aune de leur militantisme.

 

Si, au contraire, on pense que c'est « RAS », que c'est de la « science militante », alors le consensus des autorités d'évaluation et d'homologation sur l'innocuité du glyphosate – employé selon les bonnes pratiques – sera conforté. C'est selon la thèse : « Si même des chercheurs militants n'ont rien trouvé de sérieux... »

 

 

Un Institut Ramazzini qui traîne de nombreuses casseroles

 

Nous avons consacré de nombreux articles sur ce blog à l'Institut Ramazzini et ses productions. Dans « Glyphosate : la dernière carabistouille de l'Institut Ramazzini, de Générations Futures, etc. – première partie : des études rassurantes », de mai 2018, nous avions ainsi écrit :

 

« Cette entité est connue pour ses extravagantes allégations sur la dangerosité, et notamment la cancérogénicité, d'éléments de la vie moderne. Il y a les substances comme le sucralose, évidemment les pesticides, les champs électromagnétiques du telefonino et des antennes relais... »

 

Il y était aussi question d'études sur le glyphosate qui se sont dégonflées à l'analyse sommaire.

 

 

L'Institut Ramazzini est/a été membre du collectif italien Stop Glifosato...

 

 

Huit ans après, on est au même point...

 

Mais l'Institut Ramazzini poursuit inlassablement le glyphosate de ses assiduités...

 

Rappelons aussi que Mme Fiorella Belpoggi, alors directrice du Centre de Recherches sur le Cancer Cesare Maltoni et co-auteur de l'article examiné ici, s'était embringuée dans une manipulation téléguidée de Moscou, Factor GMO (la page web est toujours active, mais Mme Fiorella Belpoggi a fait effacer ses traces).

 

 

 

 

Des partenaires qui ont un « casier »

 

Cet article semble être principalement une affaire italienne. Mais on y trouve aussi des noms qui nous sont familiers sur ce blog.

 

Citons M. Philip Landrigan, Program for Global Public Health and the Common Good, Boston College, et Centre Scientifique de Monaco. Parmi ses « exploits », il a co-signé le 11 novembre 2015, en l'espace d'un quart d'heure après en avoir reçu le projet, une lettre initiée par Christopher Portier et adressée à M. Vytenis Andriukaitis, alors Commissaire à la Santé à Bruxelles, pour contester les évaluations du glyphosate par le BfR allemand et l'EFSA.

 

Soyons clairs : c'est une preuve de parti pris. Mais il y en a bien d'autres.

 

Il y a aussi Michael N. Antoniou, Melissa J. Perry et Robin Mesnage... On a évoqué cette équipe sur ce blog, avec leurs collègues italiens Fiorella Belpoggi et Daniele Mandrioli – et Charles Benbrook, le prototype du « chercheur à gages » – dans « Limiter les effets des pesticides sur la santé en réformant les procédures d'homologation ? Ben voyons ! ». C'était à propos de « Commentary: Novel strategies and new tools to curtail the health effects of pesticides » (commentaire : de nouvelles stratégies et de nouveaux outils pour limiter les effets des pesticides sur la santé). On a bien compris : ce n'est pas limiter les effets, mais limiter les pesticides, en les interdisant.

 

 

Un financement qui pose question

 

 

 

 

Gageons que l'Institut Ramazzini n'a pas été le contributeur financier principal. Il avait lançé une souscription et collecté 337.815 euros au 15 décembre 2023 (à l'époque où le renouvellement de l'homologation du glyphosate était sur la sellette). La somme a bondi à 338.522 euros à ce jour...

 

D'où sont venus les fonds pour une recherche nettement plus coûteuse ?

 

Pour une part de la Heartland Health Research Alliance. Voici ce qu'a écrit notre ami David Zaruk en introduction dans « Stories: The Heartland Study Exposé » :

 

 

« David Zaruk et Kathleen Hefferon ont révélé comment la Heartland Health Research Alliance (HHRA) a été créée par des avocats spécialisés dans la responsabilité civile et des militants de la filière alimentaire biologique afin de financer des scientifiques qui produiraient des recherches favorables à leurs campagnes. Ce reportage en trois parties révèle jusqu'où ces scientifiques militants sont prêts à aller pour dissimuler leurs sources de financement particulières, déformer leur méthodologie de recherche et créer des partenariats artificiels. Il s'agit d'un aperçu du type d'activités malveillantes menées quotidiennement par des opportunistes sans scrupules qui détruisent la confiance du public dans la science et les organismes de réglementation de la santé publique. »

 

La somme est conséquente... Un million de dollars, en gros.

 

 

(Source)

 

 

Si ce n'est pas un « partenariat artificiel », de l'Institute for Preventive Health ? Il convient de produire ici son adresse internet autrement que par un lien : https://toxicfreesolutions.org/. Le biais militant est gravé dans l'URL !

 

« L'IPH soutient les organisations aux États-Unis et dans le monde entier qui s'efforcent de trouver des solutions à la crise mondiale de toxicité chimique qui nuit gravement à la santé de nos enfants. Ces solutions comprennent de nouvelles lois, l'empreinte chimique, des produits chimiques plus sûrs et une réforme des politiques. »

 

Dans son équipe on trouve... Philip J. Landrigan, co-dernier auteur de l'article analysé ici ; Henry Rowlands, fondateur de The Detox Project, qui gère une certification internationale, Glyphosate Residue Free, fondateur du site Sustainable Pulse, etc. ; Kurt Straif, anciennement chef de la section de Monographies du CIRC ; Daniele Mandrioli, directeur du Centre de Recherches Cesare Maltoni de l'Institut Ramazzini et co-dernier auteur de l'article analysé ici.

 

Mais d'où vient l'argent ?

 

 

 

 

Pas de conflits d'intérêts ?

 

« Les auteurs déclarent n'avoir aucun conflit d'intérêts » est-il écrit dans l'article scientifique ?

 

Comme on l'a vu ci-dessus, bien des auteurs « ont un casier ». Il y a notamment les nombreuses interventions dans des processus décisionnels de nature politique destinées à infléchir les décisions, ainsi que l'adhésion explicite de l'Institut Ramazzini en tant que tel au mouvement anti-pesticides Stop Glifosato.

 

Il est tout simplement inacceptable qu'un Philip Landrigan et une Melissa Perry ne déclarent pas de conflit d'intérêts alors qu'ils ont été décisionnaires pour l'apport de quelque un million d'euros provenant de la Heartland Health Research Alliance, une entité ayant des objectifs politiques dictant quasiment les résultats attendus de l'étude.

 

Mais il y a mieux. Cette équipe a tenté de faire échouer la réhomologation du glyphosate par les instance européennes fin 2023 avec l'annonce de résultats de recherche préliminaires – supposément hautement pertinents. Cela a donné lieu à une publication préliminaire sur BioRxiv, « Leukemia in Sprague-Dawley Rats Exposed Long-term from Prenatal Life to Glyphosate and Glyphosate-Based Herbicides » (leucémie chez les rats Sprague-Dawley exposés à long terme, dès la vie prénatale, au glyphosate et à des herbicides à base de glyphosate)...

 

RM [Robin Mesnage] a été consultant sur les questions d'évaluation des risques liés au glyphosate dans le cadre d'un litige aux États-Unis concernant les effets du glyphosate sur la santé. En 2021, MJP [Melissa J. Perry] a fourni des conseils d'expert dans le cadre de procédures judiciaires relatives à la Covid et à la santé au travail, ainsi qu'aux effets des insecticides sur la santé humaine. Les autres auteurs déclarent que la recherche a été menée en l'absence de toute relation commerciale ou financière pouvant être interprétée comme un conflit d'intérêts potentiel.

 

Cet article n'a du reste pas été formellement publié (pourquoi?). Nombre de ses éléments se retrouvent dans l'article examiné ici – c'est facile à constater avec les graphiques.

 

Mais, comme par miracle, les conflits d'intérêts ont disparu...

 

 

Un article revu par les pairs ? Ha ! Ha ! Ha !

 

Il y a une déclaration de M. Daniele Mandrioli dans l'article du Monde ; nous avons cité son propos dans la première partie de cet article en le reprenant d'Euractiv :

 

« Maintenant que l'étude est terminée, évaluée par des pairs et publiée, nous serons en mesure de partager les données sur demande spécifique des régulateurs.»

 

Environmental Health a un lien vers les documents pertinents. Il y a eu deux reviewers:

 

  • Paul T.J. Scheepers, Radboud University Nijmegen ;

     

  • Peter Clausing.

 

Une recherche rapide montre que Paul T.J. Scheepers et Daniele Mandrioli ont été co-auteurs de nombre de publications...

 

Citons en particulier « Differences in the carcinogenic evaluation of glyphosate between the International Agency for Research on Cancer (IARC) and the European Food Safety Authority (EFSA) » (différences dans l'évaluation de la cancérogénicité du glyphosate entre le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) et l'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA)), article initié par Christopher J. Portier, réunissant 94 signatures dont bon nombre associées au militantisme... en défense de l'évaluation du glyphosate par le CIRC et dézinguage de celle du BfR allemand.

 

Quant à Peter Clausing, c'est... Pesticide Action Network (PAN) Germany.

 

On a été entre amis ! Et Peter Clausing a recouru à l'astuce d'envoyer ses commentaires par PDF, de sorte qu'ils ne sont pas disponibles.

 

Bref, cela relève de l'escroquerie.

 

 

Quelques perles médiatiques... et pathétiques

 

L'Institut Ramazzini plastronne

 

C'est classique : on reste (relativement) dans les clous dans l'article scientifique, et on divague allégrement dans la communication. « International Study Reveals Glyphosate Weed Killers Cause Multiple Types of Cancer » (une étude internationale révèle que les herbicides à base de glyphosate provoquent de multiples types de cancer) est donc le titre de son communiqué.

 

« Nous avons observé une apparition précoce et une mortalité précoce pour un certain nombre de cancers malins rares, notamment la leucémie, les tumeurs du foie, des ovaires et du système nerveux. Il est à noter qu'environ la moitié des décès dus à la leucémie observés dans les groupes traités au glyphosate et aux GBH sont survenus avant l'âge d'un an, ce qui est comparable à moins de 35-40 ans chez l'homme. En revanche, aucun cas de leucémie n'a été observé au cours de la première année de vie chez plus de 1.600 témoins historiques Sprague-Dawley dans les études de cancérogénicité menées par l'Institut Ramazzini et le Programme National de Toxicologie (TPN) [des États-Unis d'Amérique]. »

Daniele Mandrioli

 

L'Institut donne aussi la parole à Mme Melissa Perry. Cela valait bien le million d'euros ou quasi qu'elle a contribué à apporter à « la plus grande et la plus complète étude toxicologique jamais réalisée sur un pesticide ». Elle reste plutôt dans les clous, avec toutefois une allusion à l'humain :

 

« Nos conclusions renforcent la classification du glyphosate par le CIRC comme cancérigène probable pour l'homme et concordent avec les études expérimentales sur les animaux ainsi qu'avec les évaluations corrélationnelles et fondées sur le poids de la preuve chez l'homme qui ont rapporté des associations entre l'exposition au glyphosate et certains cancers, en particulier les hémopathies malignes. »

Melissa J. Perry

 

Quant à M. Philip Landrigan, c'est tambours, trompettes et grosse caisse :

 

« Les conclusions de cette étude menée avec soin, et en particulier l'observation selon laquelle l'exposition prénatale des ratons au glyphosate pendant la gestation augmente l'incidence et la mortalité liées à la leucémie précoce, rappellent avec force la grande vulnérabilité des nourrissons humains aux produits chimiques toxiques et constituent une raison majeure d'éliminer le glyphosate de la production des aliments consommés par les femmes enceintes et leurs enfants. »

Philip J. Landrigan

 

Rappelons ici que, selon la dépêche de l'AFP, pertinente sur ce point, « [c]es résultats ne permettent pas de conclure sur la cancérogénicité chez l'humain » et que l'article scientifique s'est bien gardé de faire une quelconque extrapolation à l'humain...

 

Notons encore que la leucémie avait été agitée fin 2023 comme un épouvantail destiné à faire capoter la réhomologation du glyphosate au niveau européen. Dans un entretien accordé à Orvieto News en novembre 2024, un an après, Fiorella Belpoggi a dit que « [...] les décideurs européens ont répondu que les cas de leucémie que nous avons observés étaient fortuits », ajoutant : « De manière générale, les avis sur lesquels l'UE s'est fondée pour accorder la nouvelle autorisation établissent que le glyphosate n'est pas nocif pour l'homme. »

 

La constance de Philip Landrigan est donc remarquable – quoique sans surprise – tout comme celle de l'équipe de recherche.

 

Voici le graphique correspondant de l'étude, peut-être appelé à être régulièrement reproduit. À mettre en perspective : 15 cas de leucémies sur 918 animaux auxquels on a administré du glyphosate ou un produit formulé. Pour 9 cas sur 306 rats, c'était à la dose extravagante de 50 mg/kg p.c., depuis la gestation jusqu'à leur mort. Seuls 3 cas – également sur 306 rats – ont été observés pour la dose de 0,5 mg/kg p.c., dont nous répéterons ici qu'elle n'est nullement représentative de l'exposition humaine.

 

 

 

 

Le Monde en folie !

 

Nous ne ferons pas une revue de presse détaillée, ni un florilège des outrances des « ONG ». Le communiqué de presse de l'Institut Ramazzini ne semble pas avoir suscité beaucoup d'intérêt dans les médias italiens et ailleurs.

 

Grâce au Monde de M. Stéphane Foucart et à l'AFP, il y a une exception française, sans que l'on ait vu cependant un raz-de-marée.

 

Un article de bonne facture se doit de contenir quelques citations.

 

Il y eut donc, dans le Monde, Kurt Straif avec des propos conformes à l'angle que les auteurs ont donné à leur article scientifique et insistant sur l'appui au classement du CIRC... intervenu quand il était chef de la Section des Monographies dudit CIRC. M. Stéphane Foucart le relève, à juste titre, ainsi que le fait que Kurt Straif est aussi membre du conseil d'administration de l'Institut Ramazzini.

 

Le Monde a aussi contacté l'EFSA, qui lui a indiqué qu'elle a demandé – en vain – les données brutes, ce qui a été assorti d'une réponse de Daniele Mandrioli (voir ci-dessus).

 

Et si c'est un article militant, évidemment...

 

« La toxicologue Laurence Huc, directrice de recherche à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), qui n'a pas participé à ces travaux, salue "une étude bien ficelée, à la puissance statistique impressionnante, et qui met en évidence plusieurs caractéristiques de la toxicité du glyphosate" [...]. "Cette étude, ajoute Mme Huc, pourrait devenir l'étude de référence pour l'établissement de nouvelles valeurs toxicologiques" [...] »

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J
Laurence Huc, c'est celle qui pense que la biodynamie fonctionne ?
Répondre
J
Déso, j'ai confondu avec Élodie Vercken, une autre scientifique en rebellion:<br /> La chercheuse Élodie Vercken est l’une des autrices du livre « Sortir des labos pour défendre le vivant ». Prôner la neutralité, c’est dépolitiser la science et l’« instrumentaliser pour défendre le statu quo », dit-elle.<br /> "Si la biodynamie, par exemple, prétend qu’enterrer des cornes de vache a un effet vertueux pour l’agriculture, une démarche de bonne foi consisterait à accepter de tester de manière rigoureuse cette pratique, avec des tests objectifs, en aveugle, pour mesurer l’efficacité réelle de cette pratique."<br /> <br /> Vous trouverez facilement la source
Bonjour,<br /> <br /> Avez-vous des sources ?