Enfoirés ! En soutien à Sophia Aram Et la liberté d'expression malmenée par des... journalistes
Et la liberté d'expression malmenée par des... journalistes
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Je sors de ma bulle, non pas de confort, mais de sujets favoris, pour un message de soutien à Mme Sophia Aram et surtout en défense de la liberté d'expression. Il est proprement sidérant et intolérable que celle-ci ait pu être malmenée par la Société des Journalistes du Parisien. Plus généralement, elle a été piétinée, par tous ceux qui ont relayé la « polémique » comme un événement banal, voire un fait divers, sans recul et, finalement, sans égard pour leur profession et sans amour-propre.
Le 15 juin 2025, Mme Sophia Aram a commis – j'emploie ce verbe à dessein – dans le Parisien une chronique fort bien sentie. « Aramesque », c'est un mélange de sérieux et d'humour, « Rima Hassan, Greta Thunberg et la flottille pour Gaza : "People Boat" ».
L'article est derrière un péage, mais on peut le lire à partir du lien ci-dessous.
En chapô dans le Parisien, un résumé pertinent et percutant :
« Dans sa chronique, l’humoriste Sophia Aram revient sur la traversée pseudo-humanitaire du voilier "Madleen" et sur la haine d’Israël de son équipage que dissimule à peine cette mise en scène. »
La mise en route :
« En plus du niveau de souffrance auquel les Gazaouis sont confrontés, il aura fallu ajouter cette semaine le cynisme de Greta Thunberg et Rima Hassan faisant semblant de leur apporter un sachet de farine, deux Doliprane et trois serviettes hygiéniques… tout en qualifiant d’"humanitaire" une pantalonnade qui aurait pu s’appeler "des waza pour Gaza" ou "un quatre-quarts pour le quart-monde", pour rappeler la formule hilarante de Valérie Lemercier.
Pendant que Miss Krisprolls rejoue "Titanic" à la proue du yacht, Lady Gaza prévient : "Je n’ai pas peur de la mort et encore moins d’Israël. S’ils veulent me tuer, qu’ils le fassent, je partirai en ayant fait ma part." [...] »
(Source)
Cet article a fortement déplu à la Société des Journalistes du Parisien.
Bien sûr, il n'était pas possible de contester – ouvertement – le sens général du propos de Mme Sophia Aram.
Car c'était bien ça, le propos réel de la Société des Journalistes du Parisien : contester la publication d'une description d'une folle équipée foldingue digne des Pieds Nickelés, d'autant plus percutante qu'elle suscitait l'intérêt et l'adhésion des lecteurs par l'humour.
Bien sûr, il aurait été malvenu de critiquer les piques envers une Rima Hassan qui a déployé des trésors d'outrance tout au long de cette expédition... ou croisière.
Car c'était bien ça aussi, le propos réel de la Société des Journalistes du Parisien : une société à l'évidence noyautée et dominée par un parti (pris) animé par un comportement de meute.
Alors, la Société des Journalistes prend prétexte de deux jeux de mots touchant selon elle – oh, non pas Greta Thunberg en particulier – mais les Suédois en général.
(Source)
Leur prose mérite une plus large diffusion.
Notons que sur X, la SDJ a pris la précaution de limiter les réponses...
Voici donc la pauvreté intellectuelle, l'indigence éthique et le monument de mauvaise foi que des journalistes d'une société de journalistes sont capables de produire. À l'encontre d'une personne, certes présentée comme humoriste et chroniqueuse sous sa photo ainsi que dans le chapô de sa chronique mais, peut-être, qui sait... membre de cette même société de journalistes.
« Communiqué de la SDJ
Le bureau de la SDJ a découvert avec consternation, dimanche 15 juin, la dernière chronique de Sophia Aram, intitulée "People Boat", à propos de la "flottille de la liberté pour Gaza".
Sur le fond, l'autrice est évidemment en droit d'exprimer publiquement son désaccord et son indignation quant à cette opération.
Mais, sur la forme, outre qu'elle aborde la tragédie de Gaza avec une légèreté qui interroge, elle franchit, selon nous, au moins une ligne rouge, ce dont nous tenons à nous désolidariser formellement. Dans son texte, Greta Thunberg est qualifiée de "Miss Krisprolls" et l'opération rebaptisée "Des Wasa pour Gaza".
Même dans un trait d'humour, il n'est jamais très inspiré de ramener une personne à son origine pour la discréditer. Les Suédois ne font pas exception. Imaginons un instant qu'un auteur rémunéré par Le Parisien vienne à surnommer un Mexicain dont il ne partage pas les vues « Mister Tacos", un Marocain "Mister Couscous" ou une Espagnole "Miss Paella"... Le caractère raciste des quolibets ne ferait plus aucun doute. Les blagues dérangeantes ont certainement leur place dans les émissions et les publications satiriques. Nos lecteurs, dont nous répétons aujourd'hui qu'ils ont été insuffisamment informés dans nos colonnes du drame qui se joue à Gaza, sont en droit d'attendre autre chose d'un journal d'information de qualité. Lequel écrit en titre, au lendemain de la chronique de Sophia Aram, que "le Proche-Orient demande de la nuance"... Quelle ironie !
Nous osions espérer que le tollé provoqué en 2020 par l'édito des "baguettes", amalgamant la pandémie de Covid-19 et la restauration asiatique, nous prémunisse contre ce type d'incidents qui génèrent un sentiment de honte chez nombre de nos collègues. Manifestement, il n'en est rien.
Aujourd'hui comme hier, le racisme, qui est un délit, n'est pas tolérable dans Le Parisien. Nous exhortons la direction de la rédaction à la plus grande vigilance sur ce point.
Alors que notre journal fait face à un plan d'économies qui réclame des efforts à l'ensemble des services, nous demandons également la suppression de ces chroniques dominicales, lieux trop souvent de règlements de comptes qui n'intéressent pas nos lecteurs et de partis-pris idéologiques doublés d'obsessions personnelles qui ne reflètent pas la diversité de leurs opinions. »
Voilà, voilà...
La meute... (Source)
Notons au passage ce morceau d'anthologie : « Nos lecteurs, dont nous répétons aujourd'hui qu'ils ont été insuffisamment informés [...] Quelle ironie ! » En foot et en Suisse, on appelle ça – une affirmation du reste grotesque – un « autogoal ».
Mme Sophia Aram ne répugne pas aux jeux de mots et aux sobriquets, certains fort léchés, d'autres moins. Surtout s'ils sont de nature à provoquer un concert de hurlements du côté de LFI et consorts. Mais, soudainement, pour ces tartuffes, « Miss Krisprolls » et « [d]es Wasa pour Gaza » sont des quolibets à « caractère raciste ».
On peut être atterré. Quelle fourberie de bas étage !
(Source)
Mais il y a pire, et le mieux est encore de le présenter sous la forme d'un télescopage de deux déclarations :
« Sur le fond, l'autrice est évidemment en droit d'exprimer publiquement son désaccord et son indignation quant à cette opération. […] nous demandons également la suppression de ces chroniques dominicales […]. »
Voilà, voilà !
Ces gens dont l'un des biens les plus précieux est la liberté d'expression demandent que l'on supprime... la liberté d'expression.
C'est, certes, uniquement et pour l'instant, dans le Parisien. Mais cela ne constitue en rien une circonstance atténuante.
Ces gens sont donc disposés à toucher à un principe fondamental de notre société, de notre démocratie, de notre vivre-ensemble parce que, fondamentalement, pour eux – mais pas pour moi et sans doute de très nombreux Français – elle « ne pense pas bien ».
(Source)
La saga a été largement rapportée par les médias. Avec une caractéristique commune : je cherche encore – au-delà des « usual suspects » qui elles et eux aussi « ne pensent pas bien » – les prises de position en faveur de la liberté d'expression.
Voilà, voilà !
La « confraternité » empêche de défendre les grands principes. Ils ont sombré au Parisien ? Sombrons avec eux...
La confraternité ? Ou plutôt la veulerie, la peur des représailles d'une meute qui sévit aussi dans le monde médiatique.
On rapporte donc benoîtement, par exemple, que la Société des Journalistes du Parisien demande la fin des chroniques de Mme Sophia Aram ou que celle-ci est accusée de racisme anti-suédois – avec force citations du texte de la société et en en ignorant le ridicule.
Arrêtons-nous un instant : un « racisme anti-suédois » ? De qui se moque-t-on ?
(Source)
La saga s'est bien sûr poursuivie par une réponse cinglante de Mme Sophia Aram. Là encore, les médias indifférents aux vrais enjeux ont cité les bons mots sans aller au-delà.
La voici, cette réponse :
« Mea culpa à l'attention de tous "les offensés chroniques"...
Consciente que le racisme anti-suédois, comme tous les racismes d'ailleurs, ne saurait avoir sa place dans les colonnes du Parisien, je présente mes plus plates excuses à tous les Suédois qui auraient pu se sentir offensés par mes propos.
Aucun Suédois ne devrait jamais avoir à subir la violence d'être associé à un krisprolls. Comme aucun Français ne saurait souffrir d'être à nouveau associé à une baguette, aucun Marocain à un tajine, aucun Espagnol à une paella. Plus jamais ça ! Je dis stop.
Et s'il m'est déjà arrivé de m'énerver en lisant la notice d'un meuble IKEA, je jure qu'en dehors de cette regrettable chronique, je n'ai jamais manqué de respect au peuple suédois pour qui j'ai la plus profonde estime.
J'imagine que ce n'est pas en vous expliquant que j'ai moi-même des krisprolls dans ma panière que j'améliorerais mon cas. Ainsi, pour vous convaincre de ma bonne foi, je vous annonce entamer une démarche personnelle de sensibilisation à la lutte contre la scandinavophobie afin de conscientiser pleinement l'offense que cette forme de racisme systémique fait subir aux Suédois•e•s. N'hésitez pas, si vous entendez parler d'un stage.
Enfin, concernant la "légèreté avec laquelle j'aborde la tragédie de Gaza" je plaide le malentendu. Mon intention dans cette chronique était de dénoncer le cynisme avec lequel une 'flottille' armée de quelques influenceuses et financée par un proche du Hamas, a fait semblant d'apporter un paquet waza (là j’ai le droit ?), des restes de quinoa et une boîte de serviettes hygiéniques au moment où les Gazaouis traversent une effroyable tragédie.
Je suis également d'accord avec le fait que l'on ne parle jamais assez de Gaza, ni de toutes les tragédies dont on parle encore moins d'ailleurs, sans que cela n'émeuve personne. Je pense au Darfour, au Soudan, au Yémen, aux Ouïghours etc.
Amitiés, Sophia
PS : N'hésitez pas à me dire si une demande d'adhésion de ma part à la France insoumise permettrait de calmer la meute. »
À l'heure où j'écris, la direction du Parisien ne s'est pas exprimée. Nous verrons si elle agira.
En attendant, ces journalistes qui réclament la censure, et ceux qui n'ont pas levé leur petit doigt, nous offrent l'image consternante d'une médiasphère en déliquescence.
Et, dans le monde politique, parmi les réactions de « le meute » il y a au moins un député pour opiner que « [l]’information est un bien précieux indispensable au fonctionnement de notre démocratie »... en appui à une demande de censure...
Il faut réagir.
Post scriptum du 24 juin 2025
On lira aussi avec intérêt «Laissera-t-on indéfiniment Jean-Luc Mélenchon piétiner la liberté de la presse ?» de M. Frédéric Haziza.
« Il ne s’agit pas ici de ma personne. Il s’agit d’un principe fondamental : la liberté d’informer. Le droit, pour chaque journaliste, d’interroger les puissants sans être menacé, insulté, ou mis au pilori. Ce droit n’est pas négociable. Il n’est pas optionnel. Il est au cœur de ce que nous sommes. Il est temps de le rappeler. Et de le défendre. »