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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Quel est l'avenir du génie génétique vert ?

9 Mai 2025 Publié dans #Biotechnologies, #OGM, #NGT, #Willi l'Agriculteur, #Ludger Wess

Quel est l'avenir du génie génétique vert ?

 

Ludger Wess, chez Willi l'agriculteur*

 

 

 

 

Un article invité de Ludger Wess, qui se penche sur la question de savoir si de nouveaux développements peuvent être constatés en matière de génie génétique et de nouvelles techniques de sélection (NGT).

 

 

Alors que les agriculteurs et les consommateurs d'autres continents peuvent depuis longtemps utiliser des fruits, des légumes et des céréales produits à l'aide de nouvelles technologies d'amélioration des plantes (appelées nouvelles techniques génomiques – NGT), l'UE se demande encore si ces procédés doivent être autorisés en Europe. Jusqu'à présent, elles étaient considérées comme des techniques de génie génétique à réglementer strictement, bien qu'elles n'introduisent pas de nouveaux gènes dans les plantes.

 

En 2023, la Commission Européenne a donné l'impulsion à une nouvelle réglementation afin de faciliter l'autorisation de ces plantes. Début 2024, le Parlement Européen a suivi avec une approbation de principe, mais de nombreux souhaits de modification. Ensuite, il ne s'est rien passé pendant un certain temps, car le troisième organe, le Conseil de l'UE, a tout simplement laissé le sujet en suspens sous la présidence hongroise du Conseil. Aujourd'hui, la présidence polonaise du Conseil a repris le sujet et présenté une proposition de compromis qui, conformément aux processus de vote habituels au sein de l'UE, constitue une nouvelle base de discussion pour la prise de décision finale qui va maintenant commencer, le fameux trilogue.

 

Une chose est d'ores et déjà claire : une autorisation facilitée verra le jour, car la proposition du Conseil est soutenue par la majorité qualifiée des États membres de l'UE. La Commission, le Parlement et le Conseil sont d'accord sur l'idée centrale de classer les plantes produites avec la nouvelle technologie en deux catégories. Elles devraient être soumises à deux procédures d'autorisation différentes. Les plantes NGT considérées comme équivalentes aux plantes conventionnelles (NGT-1) seraient exemptées des exigences de la législation européenne sur les OGM, tandis que les plantes NGT-2, qui apportent des propriétés plus complexes (ou des résistances à des herbicides), continueraient à être soumises à des exigences plus strictes. Cela signifie qu'à l'avenir, les plantes NGT-1 ne seront probablement plus autorisées à grands frais et qu'il ne sera plus possible pour certains pays de l'UE d'interdire la culture de telles plantes.

 

Des points tels que le brevetage et l'étiquetage restent controversés, le Conseil et la Commission étant d'accord sur le fait que pour les plantes NGT-1, ce sont les semences qui doivent être étiquetées, mais pas les produits issus de ces plantes dans le commerce. Les fournisseurs de plantes NGT doivent également indiquer si leurs plantes sont brevetées ou si une demande de brevet a été déposée.

 

 

Le bon sens s'impose

 

Il est bon de voir que la raison s'impose peu à peu. En effet, une meilleure sélection des plantes, c'est-à-dire une sélection plus précise et plus rapide, est absolument nécessaire face aux défis posés par le changement climatique. De plus, l'agitation autour de la technique est totalement inutile. La grande majorité des mutations produites par l'édition de gènes pourraient également se produire de manière naturelle ou par ce que l'on appelle la mutagenèse. Cette méthode, qui est d'ailleurs également considérée comme du génie génétique d'un point de vue juridique, augmente le taux de mutation naturel par des rayonnements ou des produits chimiques, de sorte que les modifications génétiques se produisent plus rapidement – mais de manière aléatoire.

 

Au cours des 70 dernières années, cette technologie imprécise a permis de créer de nombreuses variétés qui sont également utilisées dans l'agriculture biologique. Bien qu'il s'agisse juridiquement de variétés génétiquement modifiées, les produits qui en sont issus n'ont pas besoin d'être étiquetés et peuvent même porter la mention « sans OGM » – ce qui est totalement absurde – alors même qu'ils constituent des OGM.

 

Il est donc totalement incompréhensible que l'agriculture biologique rejette la mutagenèse modernisée et plus précise (mais ne veuille pas renoncer aux variétés issues de la mutagenèse aléatoire) et que les associations environnementales exigent que les plantes produites par édition de gènes soient étiquetées, tout comme les produits. L'agriculture biologique pourrait les utiliser en silence, tout comme elle utilise en silence les variétés produites avec l'ancien génie génétique. Cela ne peut s'expliquer que par le fait que les associations et les ONG, en s'opposant radicalement à toutes les nouvelles technologies, se sont mises dans un coin dont elles ne peuvent pas sortir facilement sans perdre la face.

 

Leur affirmation selon laquelle la technologie pourrait entraîner des effets secondaires indésirables non identifiés est une tromperie du public. De tels effets secondaires sont plusieurs ordres de grandeur plus rares avec l'édition de gènes qu'avec la production de mutations, qui provoque le chaos dans le génome par irradiation – avec des conséquences parfois graves pour la forme et la santé des plantes. Les consommateurs ont également été touchés : en effet, au cours des 50 dernières années, des variétés issues de la sélection conventionnelle ou de l'amélioration des plantes par mutation, compatibles avec l'agriculture biologique, ont dû être retirées à plusieurs reprises en raison de leur toxicité, et ce après avoir atteint le marché alimentaire. Parmi elles figuraient une nouvelle variété de céleri et plusieurs variétés de pommes de terre. Le risque de tels effets secondaires est nettement plus faible lors de l'utilisation des « ciseaux génétiques », incomparablement plus précis et présentant moins d'effets secondaires.

 

L'affirmation selon laquelle les semences obtenues par édition de gènes pourraient être plus chères et ne pourraient pas être reproduites, et seraient donc désavantageuses pour les agriculteurs, est également trompeuse. Premièrement, la législation sur la protection des obtentions végétales est toujours en vigueur en Europe, avec le privilège de l'agriculteur, qui permet aux petits agriculteurs de conserver les récoltes pour les semer l'année suivante. Deuxièmement, les producteurs de semences n'auront que peu d'intérêt à breveter les variétés NGT-1 issues de l'édition génétique [ma note : les variétés végétales, en tant que telles, ne sont pas brevetables en Europe]. Les procédures de brevet coûteuses ne sont généralement rentables que pour les caractéristiques complexes et les avantages très évidents, par exemple pour les plantes dont la culture nécessite moins d'insecticides, d'herbicides ou d'engrais. Troisièmement, les récoltes conservées pour un semis l'année suivante donnent souvent des rendements inférieurs, de sorte qu'à l'exception des agriculteurs Demeter, pratiquement tous les agriculteurs rachètent leurs semences chaque année. Quatrièmement, les agriculteurs apprécient les semences de qualité et achètent généralement (y compris les agriculteurs biologiques) des semences hybrides, qui sont chères mais très productives, bien qu'elles ne soient pas du tout adaptées à un ensemencement à partir de la récolte. Cinquièmement, les agriculteurs savent calculer et savent que des rendements plus élevés compensent largement le prix plus élevé des semences. Et sixièmement, chaque agriculteur est toujours libre d'acheter des semences biologiques reproductibles.

 

Enfin, il y a l'argument fallacieux de la « contamination ». Pour autant qu'il y ait contamination, ce « risque de contamination » concerne toute nouvelle variété : même une résistance à un virus issue d'une plante sauvage et introduite de manière conventionnelle dans une espèce cultivée peut théoriquement se retrouver par fécondation croisée dans une autre plante de cette espèce, de sorte que l'agriculteur bio peut se retrouver soudain avec la propriété d'une nouvelle variété de son voisin conventionnel dans le génome de sa récolte. Les biologistes savent que chaque type de chou peut être croisé avec d'autres types de choux ou avec des choux sauvages, les carottes cultivées avec les carottes sauvages, et qu'un flux de gènes de certaines céréales vers des graminées sauvages ne peut pas non plus être exclu. Pourtant, les choux sauvages et les carottes sauvages existent toujours et les choux de Bruxelles se distinguent toujours clairement des choux-fleurs. Si l'on prenait l'argument au sérieux et que l'on voyait dans le croisement un véritable danger, la culture du colza, des choux, des carottes, des courges, des courgettes et de nombreuses autres espèces ayant des parents sauvages devrait être interdite en Allemagne.

 

En effet, certaines associations écologiques, comme Økologisk Landsforening au Danemark, mais aussi des représentants de l'agriculture biologique comme Urs Niggli, directeur pendant 30 ans de l'Institut de Recherche de l'Agriculture Biologique (FiBL) en Suisse, voient dans l'édition génétique des chances pour l'agriculture biologique. Car celle-ci souffre déjà aujourd'hui du fait que ses rendements sont en moyenne 20 à 50 pour cent inférieurs à ceux de l'agriculture conventionnelle. De plus, en renonçant à cette nouvelle technologie, elle passe à côté de solutions potentielles aux problèmes de production actuels, comme la dépendance aux fongicides à base de cuivre pour lutter contre des maladies. Le problème devrait s'aggraver puisque l'autorisation des préparations à base de cuivre en tant que produits phytosanitaires expire fin 2025 et que le cuivre doit être remplacé en raison de sa toxicité.

 

Autre problème de l'agriculture biologique : les deux tiers des semences utilisées par les exploitations biologiques proviennent déjà de l'agriculture conventionnelle. La part de marché des semences biologiques, pour la production desquelles on renonce également aux variétés hybrides à haut rendement, ne cesse de diminuer – précisément parce qu'elles présentent plus d'inconvénients que d'avantages et ne peuvent pas s'adapter aussi rapidement aux changements climatiques et autres que les semences conventionnelles.

 

Et si, à l'avenir, les agriculteurs conventionnels peuvent utiliser des variétés qui n'ont pratiquement plus besoin d'insecticides ou d'engrais sans subir de pertes de récolte, il sera de plus en plus difficile pour l'agriculture biologique d'expliquer aux consommateurs les différences qui justifient le prix plus élevé de ses produits. Il ne faut cependant pas s'attendre à ce que les associations d'agriculture biologique changent d'avis du jour au lendemain. Mais une fois que les variétés NGT seront là, l'ambiance pourrait rapidement changer. C'est une bonne chose que les choses commencent à bouger et que les premiers représentants de l'agriculture biologique commencent à changer d'avis – y compris en politique d'ailleurs, et même chez les Verts.

 

Les articles invités représentent l'opinion de l'auteur.

 

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* Source : Wie geht es mit der Grünen Gentechnik weiter? - Bauer Willi

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