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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Le pape François et les OGM

8 Mai 2025 Publié dans #OGM

Le pape François et les OGM

 

 

(Source)

 

 

Le pape François a-t-il « béni » le Riz Doré ? Et qu'a-t-il dit des OGM dans l'encyclique Laudato si' ?

 

 

« Bien qu'elle reconnaisse leur potentiel, les partisans des OGM affirment que l'Église catholique peut faire davantage pour accélérer l'acceptation des produits génétiquement modifiés », c'est ce qu'écrivait M. Marc Zienkiewicz dans Seed World, dans « Pope Helps to Pave the Way for GMOs »en 2015.

 

L'article était illustré :

 

 

Le co-créateur du riz doré, Ingo Potrykus, a rencontré le pape Jean-Paul II en 2004, un échange qui a débouché sur deux réunions de l'Académie Pontificale consacrées à la biotechnologie.

 

 

Il y eut une autre rencontre, dix ans plus tard, avec le pape François.

 

 

(Source)

 

 

Le pape avait-il béni le Riz Doré ? Voici ce qu'avait écrit die Presse dans « Papst-Segen zum „Golden Rice“: „Now it is blessed!“ »

 

« Le 7 novembre, il s'est passé quelque chose de miraculeux au Vatican : le pape François a laissé un visiteur lui mettre un petit sac de riz dans les mains et l'a regardé avec bienveillance. Auparavant, le visiteur lui avait demandé sa bénédiction, en anglais et non pas pour lui-même, mais pour le riz. François n'a pas donné de bénédiction officielle, mais lorsqu'il a rendu le riz, il a dit : "Now it is blessed!" C'est ainsi que se souvient le visiteur auprès de la "Presse" ; il s'appelle Ingo Potrykus et était technicien en génétique végétale à l'EPF de Zurich jusqu'à sa retraite. [...] »

 

 

« En fait, le riz doré est génétiquement modifié. C'est la principale raison pour laquelle les écologistes estiment qu'il est nocif. Je me souviens avoir lu que le pape, en visite en Afrique du Sud, avait été interrogé sur les OGM et qu'il avait répondu quelque chose comme : "Si les OGM fournissent plus de nourriture aux gens, c'est que c'est bien" ». (Source)

 

 

La pape François a aussi abordé la question des OGM dans son encyclique Laudato si' sur la sauvegarde de la maison commune (du 24 mai 2015). Voici le texte pertinent dans son intégralité :

 

« L’innovation biologique à partir de la recherche

 

130. Dans la vision philosophique et théologique de la création que j’ai cherché à proposer, il reste clair que la personne humaine, avec la particularité de sa raison et de sa science, n’est pas un facteur extérieur qui doit être totalement exclu. Cependant, même si l’être humain peut intervenir sur le monde végétal et animal et en faire usage quand c’est nécessaire pour sa vie, le Catéchisme enseigne que les expérimentations sur les animaux sont légitimes seulement "si elles restent dans des limites raisonnables et contribuent à soigner ou sauver des vies humaines".[106] Il rappelle avec fermeté que le pouvoir de l’homme a des limites et qu’"il est contraire à la dignité humaine de faire souffrir inutilement les animaux et de gaspiller leurs vies".[107] Toute utilisation ou expérimentation "exige un respect religieux de l’intégrité de la création".[108]

 

131. Je veux recueillir ici la position équilibrée de saint Jean-Paul II, mettant en évidence les bienfaits des progrès scientifiques et technologiques, qui "manifestent la noblesse de la vocation de l’homme à participer de manière responsable à l’action créatrice de Dieu dans le monde". Mais en même temps il rappelait qu’"aucune intervention dans un domaine de l’écosystème ne peut se dispenser de prendre en considération ses conséquences dans d’autres domaines".[109] Il soulignait que l’Église valorise l’apport de "l’étude et des applications de la biologie moléculaire, complétée par d’autres disciplines, comme la génétique et son application technologique dans l’agriculture et dans l’industrie"[110], même s’il affirme aussi que cela ne doit pas donner lieu à une "manipulation génétique menée sans discernement"[111] qui ignore les effets négatifs de ces interventions. Il n’est pas possible de freiner la créativité humaine. Si on ne peut interdire à un artiste de déployer sa capacité créatrice, on ne peut pas non plus inhiber ceux qui ont des dons spéciaux pour le développement scientifique et technologique, dont les capacités ont été données par Dieu pour le service des autres. En même temps, on ne peut pas cesser de préciser toujours davantage les objectifs, les effets, le contexte et les limites éthiques de cette activité humaine qui est une forme de pouvoir comportant de hauts risques.

 

132. C’est dans ce cadre que devrait se situer toute réflexion autour de l’intervention humaine sur les végétaux et les animaux qui implique aujourd’hui des mutations génétiques générées par la biotechnologie, dans le but d’exploiter les possibilités présentes dans la réalité matérielle. Le respect de la foi envers la raison demande de prêter attention à ce que la science biologique elle-même, développée de manière indépendante par rapport aux intérêts économiques, peut enseigner sur les structures biologiques ainsi que sur leurs possibilités et leurs mutations. Quoiqu’il en soit, l’intervention légitime est celle qui agit sur la nature "pour l’aider à s’épanouir dans sa ligne, celle de la création, celle voulue par Dieu".[112]

 

133. Il est difficile d’émettre un jugement général sur les développements de transgéniques (OMG), végétaux ou animaux, à des fins médicales ou agro-pastorales, puisqu’ils peuvent être très divers entre eux et nécessiter des considérations différentes. D’autre part, les risques ne sont pas toujours dus à la technique en soi, mais à son application inadaptée ou excessive. En réalité, les mutations génétiques ont été, et sont très souvent, produites par la nature elle-même. Même celles provoquées par l’intervention humaine ne sont pas un phénomène moderne. La domestication des animaux, le croisement des espèces et autres pratiques anciennes et universellement acceptées peuvent entrer dans ces considérations. Il faut rappeler que le début des développements scientifiques de céréales transgéniques a été l’observation d’une bactérie qui produit naturellement et spontanément une modification du génome d’un végétal. Mais dans la nature, ces processus ont un rythme lent qui n’est pas comparable à la rapidité qu’imposent les progrès technologiques actuels, même quand ces avancées font suite à un développement scientifique de plusieurs siècles.

 

134. Même en l’absence de preuves irréfutables du préjudice que pourraient causer les céréales transgéniques aux êtres humains, et même si, dans certaines régions, leur utilisation est à l’origine d’une croissance économique qui a aidé à résoudre des problèmes, il y a des difficultés importantes qui ne doivent pas être relativisées. En de nombreux endroits, suite à l’introduction de ces cultures, on constate une concentration des terres productives entre les mains d’un petit nombre, due à "la disparition progressive des petits producteurs, qui, en conséquence de la perte de terres exploitables, se sont vus obligés de se retirer de la production directe".[113] Les plus fragiles deviennent des travailleurs précaires, et beaucoup d’employés ruraux finissent par migrer dans de misérables implantations urbaines. L’extension de la surface de ces cultures détruit le réseau complexe des écosystèmes, diminue la diversité productive, et compromet le présent ainsi que l’avenir des économies régionales. Dans plusieurs pays, on perçoit une tendance au développement des oligopoles dans la production de grains et d’autres produits nécessaires à leur culture, et la dépendance s’aggrave encore avec la production de grains stériles qui finirait par obliger les paysans à en acheter aux entreprises productrices.

 

135. Sans doute, une attention constante, qui porte à considérer tous les aspects éthiques concernés, est nécessaire. Pour cela, il faut garantir une discussion scientifique et sociale qui soit responsable et large, capable de prendre en compte toute l’information disponible et d’appeler les choses par leur nom. Parfois, on ne met pas à disposition toute l’information, qui est sélectionnée selon les intérêts particuliers, qu’ils soient politiques, économiques ou idéologiques. De ce fait, il devient difficile d’avoir un jugement équilibré et prudent sur les diverses questions, en prenant en compte tous les paramètres pertinents. Il est nécessaire d’avoir des espaces de discussion où tous ceux qui, de quelque manière, pourraient être directement ou indirectement concernés (agriculteurs, consommateurs, autorités, scientifiques, producteurs de semences, populations voisines des champs traités, et autres) puissent exposer leurs problématiques ou accéder à l’information complète et fiable pour prendre des décisions en faveur du bien commun présent et futur. Il s’agit d’une question d’environnement complexe dont le traitement exige un regard intégral sous tous ses aspects, et cela requiert au moins un plus grand effort pour financer les diverses lignes de recherche, autonomes et interdisciplinaires, en mesure d’apporter une lumière nouvelle.

 

136. D’autre part, il est préoccupant que certains mouvements écologistes qui défendent l’intégrité de l’environnement et exigent avec raison certaines limites à la recherche scientifique, n’appliquent pas parfois ces mêmes principes à la vie humaine. En général, on justifie le dépassement de toutes les limites quand on fait des expérimentations sur les embryons humains vivants. On oublie que la valeur inaliénable de l’être humain va bien au-delà de son degré de développement. Du reste, quand la technique ignore les grands principes éthiques, elle finit par considérer comme légitime n’importe quelle pratique. Comme nous l’avons vu dans ce chapitre, la technique séparée de l’éthique sera difficilement capable d’autolimiter son propre pouvoir.

 

______________

 

[109] Message pour la Journée Mondiale de la Paix 1990, n. 6 : AAS 82 (1990), 150.

 

[110] Discours à l’Académie Pontificale des Sciences (3 octobre 1981), n. 3 : Insegnamenti 4/2 (1981), 333.

 

[111] Message pour la Journée Mondiale de la Paix 1990, n. 7 : AAS 82 (1990), 151.

 

[112] Jean-Paul II, Discours à la 35ème Assemblée Générale de l’Association Médicale Mondiale (29 octobre 1983), n. 6 : AAS 76 (1984), 394.

 

[113] Conférence épiscopale d’Argentine : Commission de Pastorale sociale, Una tierra para todos (juin 2005), 19. »

 

Le texte est nuancé, avec des éléments qui prêtent à discussion. C'est le cas en particulier du lien entre OGM et « concentration des terres productives entre les mains d’un petit nombre ». Outre que ce lien est au mieux ténu, il ne se trouve pas dans le texte cité !

 

Mais c'était pain bénit pour l'activisme qui, au besoin, ne s'embarrasse pas d'honnêteté. En témoigne par exemple ce post de GMWatch :

 

 

« Le pape François fustige les OGM et les pesticides. » Les propos sur les pesticides sont aussi nuancés. Ils s'inscrivent dans une description des pollutions, puis dans l'assertion que, souvent, la recherche d'une solution à un problème revient à en créer un autre. Et l'article mis en lien n'est pas pertinent. (Source)

 

 

Le pape a produit d'autres propos, pas toujours heureux. Ainsi, sa lettre-message du 14 octobre 2016 au directeur général de la FAO, José Graziano da Silva, à l'occasion de la Journée Mondiale de l'Alimentation apparaît comme un brûlot anticapitaliste. Le thème était le changement climatique. Mais...

 

« […] Dans le secteur où travaille la FAO, il y a de plus en plus de gens qui se croient tout-puissants, ou capables d'ignorer les cycles des saisons et de modifier abusivement les différentes espèces animales et végétales, ce qui entraîne la perte de la variété qui, si elle existe dans la nature, a et doit avoir son rôle. Produire des qualités qui peuvent donner d'excellents résultats en laboratoire peut être avantageux pour certains, mais avoir des effets ruineux pour d'autres. Et le principe de prudence ne suffit pas, car il se limite très souvent à ne pas laisser faire, alors qu'il faut agir de manière équilibrée et honnête. La sélection génétique d'une qualité de plante peut donner des résultats impressionnants en termes de rendement, mais a-t-on pensé aux terrains qui perdent leur capacité de production, aux agriculteurs qui n'ont plus de pâturages pour leur bétail, aux ressources en eau qui deviennent inutilisables ? Et surtout, nous demandons-nous si et dans quelle mesure nous contribuons à modifier le climat ? »

 

Depuis le Concile de Vatican I, 1870, le pape est infaillible... mais seulement en matière de dogme.

 

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D
Le point 134 est quand même assez problématique, le lien entre les OGM et la création des oligopoles est tiré par les cheveux. Que les "petits" paysans n'aient pas accès aux dernières innovations, ce n'est pas nouveau mais cela n'a rien à voir avec les OGM, c'est plutôt lié à une attitude différente vis à vis des nouveautés (c'est peut être pour ces raisons qu'ils demeurent "petits", refusant toute innovation).<br /> Et le Pape François, de répéter la fable des semences stériles...<br /> <br /> En tout cas, les propos finalement assez nuancés n'ont pas été entendus par les mouvements progressistes catholiques tels que le CCFD, et même le Secours Catholique (je les ai connus plus prudents) avec la promotion de l'"écologie intégrale", un concept assez fourretout, surtout décroissant.
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F
Pouvait on attendre autre chose d’un pape écolo?
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