L'association Biodynamie Recherche et ses potes de l'INRAE, du CNRS...
L'association Biodynamie Recherche a présenté son rapport d'activité 2024. La Miviludes, Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires, n'a pas besoin de se référer à une tribune publiée dans le Point. Les preuves sont là.
L'association se présente ainsi :
« L’association Biodynamie Recherche souhaite à la fois promouvoir et développer les recherches sur l’agriculture biodynamique et les recherches en agriculture biodynamique. Les recherches sur la biodynamie se basent sur la pluralité des disciplines scientifiques reconnues (approches matérialistes des sciences de la nature et des sciences humaines et sociales…). Les recherches en agriculture biodynamique élargissent la méthode scientifique à des approches sensibles et qualitatives, basées sur une vision du monde qui dépasse le matérialisme. Plus largement, l’association souhaite favoriser l’émergence de savoirs et de pratiques innovantes dans le domaine agricole. […] »
Bref, il y a les « disciplines scientifiques reconnues »... et plus. Et c'est ce plus qui pose problème quand il est mis en œuvre par des institutions académiques ou de recherche ou par leurs agents se réclamant d'elles.
Après une couverture présentant un personnage de dos (quelle symbolique ?), le rapport s'ouvre fort logiquement par une table des matières, suivie d'un édito dont voici le début :
« Nous entrons cette année (2025) dans un second siècle de développement de l’agriculture biodynamique dans le monde. Quel chemin parcouru depuis 100 ans ? Comme l’ont montré Claire-Isabelle Roquebert et Cyrille Rigolot dans leur dernier article intitulé "Un siècle de développement de l’agriculture biodynamique : quelles implications pour la transition agroécologique ?" La biodynamie est passée par une phase pionnière de consolidation agronomique, qui a permis de confronter les indications de R. Steiner aux réalités agricoles. S’en est suivie une phase d’institutionnalisation au niveau international, puis une phase d’expansion et de développement économique d’un nouveau paradigme. »
Mme Claire-Isabelle Roquebert s'est présentée comme chercheuse indépendante, sans référence donc à son institution d'affiliation.
Qui est Cyrille Rigolot ? Chargé de recherche à l'INRAE. A signé cet article, ainsi que la version anglaise d'origine dans Agriculture and Human Values comme : « UMR Territoires, Université Clermont Auvergne, INRAE, VetAgroSup, AgroParisTech, 9 avenue Blaise Pascal, 63170, Aubière, France ».
Ce n'est pas la seule publication de M. Cyrille Rigolot sur la biodynamie. L'une est co-écrite avec un responsable de l'association, M. Martin Quantin.
Le Conseil d'administration est présenté à la page 4 et comporte six membres. Dans le rapport annuel 2022, il y en avait un septième, M. Jean Eugène Masson, présenté comme « chercheur, combine la génétique et la biologie moléculaire avec les sciences sociales et l'épistémologie dans des projets de recherche-action participative ».
Affiliation ? Directeur de recherche, UMR SVQV INRAE, Centre Grand Est – Colmar.
Voici encore, à la page 9, M. Cyrille Rigolot, ainsi que M. Jean Foyer :
« L’année 2024 a également été fortement marquée par des publications en sciences humaines et sociales. Vous pouvez retrouver plusieurs articles sur notre site, notamment ceux du chercheur Cyrille Rigolot, qui valorise les synergies entre la recherche et l’agriculture biodynamique : explorer-les-synergies-entre-larecherche-sur-lagriculturebiodynamique-et-la-coproductiontransdisciplinaire-des-savoirs.
L’ouvrage Les Êtres de la Vigne est sorti en 2024, marquant la valorisation du travail d’enquête anthropologique de terrain, du chercheur Jean Foyer, auprès des viticulteurs angevins, que nous vous invitons à lire avec enthousiasme : lesetres-de-la-vigne-enquete-dans-lesmondes-de-la-biodynamie.
On comprend à la lecture de ce dernier paragraphe que nos biodynamistes ne sont pas mécontents de l'ouvrage du « chercheur Jean Foyer ». En fait, il est chargé de recherche en anthropologie au CNRS, au Centre de Recherche et de Documentation sur les Amériques...
Du reste, cet ouvrage a été accueilli cum laude par le Monde dans « "Les Etres de la vigne" : la biodynamie, cosmopolitique d’une autre modernité ». En chapô :
« Dans une enquête sur les vignerons biodynamistes d’Anjou, l’anthropologue Jean Foyer montre comment cette forme de « modernité alternative » fissure de l’intérieur le rationalisme, l’hybridant avec des rapports au monde plus spirituels et plus sensibles. »
Voulez-vous en savoir plus à propos de M. Jean Foyer ? Voici le résumé de « Tasting life and energy with the body: the biodynamic resonance of wine » (goûter la vie et l'énergie avec le corps : la résonance biodynamique du vin) :
« Fondé sur deux recherches à long terme avec des vignerons naturels et biodynamiques en France, ce texte revient sur les principes de l'agriculture biodynamique dans son désir de potentialiser le caractère vivant de la vigne et du sol ; vivant censé se traduire en énergie ou en vibrations dans le verre. Pourquoi le vin est-il attiré par la biodynamie ? L'hypothèse avancée, qui expliquerait en partie le mariage apparemment heureux entre le vin et la biodynamie, est que cette dernière contribue à donner plus de vie et d'énergie au vin et que cette énergie serait perçue à travers une nouvelle façon de déguster. Notre objectif ici n'est pas tant d'étudier ce que pourrait être ce supplément de vie ou d'énergie en tant qu'objet scientifique car ces notions sont de toute façon impossibles à stabiliser d'un point de vue scientifique. La raison pour laquelle nous utilisons ces catégories instables est qu'elles émergent de manière récurrente sur le sujet des vins biodynamiques dans les discours des vignerons, des œnologues, des sommeliers et des dégustateurs, qu'ils soient débutants ou confirmés. Ces catégories d'énergie ou de vibrations, encore en gestation, renvoient à des formes de dégustation du vin qui dépassent les seuls critères organoleptiques pour s'étendre à la réceptivité de l'ensemble du corps impliqué dans l'acte de boire. »
Petit rappel : cela a sans doute été produit grâce à nos sous...
La biodynamie est un fait et, en tant que fait, peut justifier des travaux de recherche. Un problème se pose cependant lorsque cette recherche se fait avec le concours des prosélytes du fait étudié et dans un sens qui, potentiellement ou effectivement, s'écarte du droit chemin de la rationalité.
À la page 17 du rapport d'activité, Biodynamie Recherche présente le projet Synbiose, acronyme de « SYNtropie, BIOdynamie, Syncrétisme Epistémologique ». Il se penche sur la « [c]oexistence de paradigmes alternatifs au sein de l’agriculture biologique ».
La syntropie est définie comme suit dans Wikipedia :
« La syntropie, ou agriculture syntropique, est une méthode d'agriculture proche de l'agroforesterie et de la permaculture inventée dans les années 80 en Amérique latine par Ernst Götsch (en), un agronome et fermier suisse-allemand[1]. La syntropie se définit comme la compréhension des systèmes du vivant qui tendent vers l'abondance[2]. Il s'agit de faire pousser une grande diversité de plantes pour créer une osmose ou une symbiose entre elles afin de créer de la productivité et de la complexité[3]. »
Selon le rapport d'activité (je ne corrige pas),
« [Le] projet exploratoire Symbiose [...] rassemble 7 partenaires de la recherche et de l'enseignement autour des questions de changement d'échelle de l'agriculture biologique dans le cadre du programme Métabio de d'INRAe.
La biodynamie est fondée sur trois grands principes i) la perception de la ferme comme un organisme vivant, ii) les rythmes cosmiques, iii) l'usage de préparations biodynamiques. La syntropie, basée sur une philosophie où l’humain et la nature sont interdépendants, est une forme d'agroforesterie qui, sur le plan technique, combine l'abondance de la matière organique, la taille des arbres et un mélange pertinent de plantes.
Le projet SYNBIOSE vise à caractériser précisément les pratiques et les paradigmes associés à ces deux formes radicales d’agroécologie au sein de l’AB, au même titre que d'autres pratiques. Il s'agira d'évaluer leurs impacts sur la performance des systèmes et d'étudier les échanges et hybridation entre les différentes formes de savoirs pour comprendre comment les connaissances sont combinées dans la pratique (syncrétisme épistémologique).
[...] »
Les deux derniers paragraphes précités se retrouvent dans la présentation du projet par l'INRAE.
La biodynamie élevée au rang d'« agroécologie », certes « radicale » ? C'est l'INRAE qui le dit !
Les partenaires du projet, outre quatre unités de l'INRAE ? AgroParisTech, Biodynamie recherche, Collectif « Tous chercheurs », Origens Medialab, VetAgroSup Clermont, Reso’them DGER, Réseau Reneta.
Deux contacts : M. Cyrille Rigolot et Mme Audrey Michaud...
Nous connaissons maintenant le premier. Mais quid de la seconde ?
Avec quatre autres, ils ont co-écrit « Combining systemic and pragmatic approaches for the holistic diagnosis of a farm in agroecological transition in a health context » (combiner les approches systémiques et pragmatiques pour le diagnostic holistique d'une exploitation agricole en transition agroécologique dans un contexte sanitaire).
En voici le résumé (traduit en collant autant que faire se peut au texte original) :
« Introduction : Aujourd'hui, l'agriculture et l'élevage sont confrontés à des défis environnementaux, sociaux et sanitaires. La transition agroécologique est une réponse possible à ces défis. Elle nécessite des changements de pratiques mais aussi une évolution des modes de pensée des agriculteurs et de leurs relations avec le vivant. Certains diagnostics d'exploitations, comme l'analyse globale des exploitations, des comportements et des pratiques.
Méthodes : Nous proposons donc une approche holistique combinant une analyse globale des exploitations et une approche pragmatique pour comprendre le fonctionnement des systèmes de production agricole. Cette tournure pragmatique permet d'intégrer les modalités d'établissement de la réalité de l'agriculteur, les performances du système, les métriques associées et le rapport à la vie de l'agriculteur.
Résultats et discussion : À partir de l'exemple d'une exploitation agricole en transition, nous montrons que c'est la posture du chercheur en association et permet de renouveler le dialogue entre la recherche et les agriculteurs sur le terrain. »
Petit rappel : cela a été produit grâce à nos sous...
Et voici que l'on retrouve M. Jean Eugène Masson :
« Biodynamie Recherche est co-financeur du projet VITIREPERE-PNPP aux côtés de l’Office Français pour la Biodiversité (OFB), Biodyvin et le Comité Technique des Vins d’Alsace (CTVA) et l’INRAe. Ce projet s’inscrit dans la cadre du plan Ecophyto II+ et est mené par le directeur de recherche M. Jean E. Masson, Inrae Colmar. Il vise a étudier les savoirs d’expérience et la constitution des connaissances autour des Préparations Naturelles Peu Préoccupantes (PNPP) dans les vignobles français. Ces préparations naturelles peuvent avoir une définition beaucoup plus large chez les acteurs du terrain que la définition juridique et donc inclure les préparations biodynamiques. »
Plus loin, il est dit que « [c]e projet est un projet de recherche-action-participative (RAP) ».
Pour en savoir plus, il faut aller sur le site dédié de l'INRAE.
Problème : on n'en apprend guère plus...
Ah si... Il y a un onglet « Publications scientifiques ». La première : « Participatory-action research leading to transformation of scientific disciplines' interrelations, research paths, actors' reasoning, and viticultural practices » (recherche action-participative conduisant à la transformation des relations entre les disciplines scientifiques, des voies de recherche, des raisonnements des acteurs et des pratiques viticoles) de Jean E. Masson.
En voici le résumé, repris du site :
« Les disciplines scientifiques se sont intéressées aux impacts des activités humaines sur la planète, dès 1972, et elles ont développé des scénarios précis. Mais quels changements ont été réalisés depuis ? Dans leur quête d’excellence, les disciplines scientifiques se sont vraisemblablement trop spécialisées, s’isolant les unes des autres, ce qui a limité leur capacité à résoudre des problèmes complexes. Pour aller plus loin, s’agit-il de revoir les relations entre les disciplines ou d’impliquer la société dans la recherche ? Mais, séparément ou combinées, ces options nécessiteraient de traiter des systèmes de preuves, des langages, des épistémologies et des temporalités qui tous diffèrent. Dans le domaine de la viticulture, malgré de nombreux projets développés depuis plus de 20 ans, l’utilisation à l’échelle mondiale de pesticides nocifs n’a pas diminué, suggérant que les approches entreprises ne sont pas adaptées aux enjeux. Pourtant, concevoir des pratiques viticoles et, au-delà, agricoles, plus respectueuses de l’environnement, est un enjeu urgent et crucial. Je compare les contributions de différentes disciplines scientifiques et leurs relations dans la résolution de ce problème à travers une série de projets allant de la monodisciplinarité à l’interdisciplinarité. Je discute également de leurs limites dans la résolution du problème en question, en prenant en compte également les connaissances sur les disciplines et leurs relations lorsqu’il s’agit de traiter le problème des changements de pratiques viticoles, et plus largement, agricoles. En m’appuyant sur dix ans d’expérience en recherche-action participative, je propose de dépasser les approches interdisciplinaires et d’adopter une voie transdisciplinaire "transformative". Cette approche peut transformer profondément toutes les étapes de la recherche, de la formulation des questions à la génération de connaissances, et jusqu’à la mise en œuvre des actions. Cette recherche-action participative a également un impact sur les relations entre les disciplines et entre les chercheurs et les acteurs de la société, ainsi que sur les formes de raisonnement mobilisées. Je suggère que cette épistémologie, mieux adaptée à la prise en compte de la complexité, peut contribuer aux transformations tant attendues en viticulture et plus largement en agriculture. »
Cela semble nous éloigner de la question des relations problématiques entre recherche publique et dérive sectaire. Peut-être pas. Voici par exemple, tiré de l'article :
« […] Par exemple, le rejet de la biodynamie persiste au sein de la filière viticole. Cependant, nos projets ont permis de clarifier des questions qui faisaient l'objet d'un consensus partiel, et les réponses ont été reconnues par les viticulteurs dans leurs diverses pratiques viticoles, notamment en ce qui concerne la biodynamie (Masson et al., 2021). [...]
Et donc : objectif des projets ?
Notons que l'article référencé en fin de citation a été publié par le « prestigieux » groupe Nature dans Humanities and Social Sciences Communications...
Petit rappel... ah non... ya basta !
Euh ! Si ! Est-ce le rôle de l'INRAE de produire ce genre de produit (terme générique utilisé pour ne pas avoir à écrire « article » ou « étude »), bien sûr en ayant déployé des moyens autres qu'un ordinateur puisqu'il s'agit de « recherche-action-participative (RAP) » ? Est-ce dans le périmètre de l'OFB de financer ça ?