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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Une décision judiciaire erronée compromet l'avenir des cultures génétiquement modifiées aux États-Unis

13 Avril 2025 Publié dans #amélioration des plantes, #NGT, #CRISPR, #Etats-Unis d'Amérique

Une décision judiciaire erronée compromet l'avenir des cultures génétiquement modifiées aux États-Unis

 

Henry I. Miller et Drew L. Kershen, ACSH*

 

 

Logo de l'USDA/APHIS, USDA.gov

 

 

La décision rétablit une réglementation non scientifique des nouvelles variétés de plantes, contredisant non seulement des décennies d'expérimentation, d'application et de délibération, mais aussi le bon sens.

 

 

L'utilisation de techniques moléculaires pour créer des cultures génétiquement modifiées (GM) est revenue à la réglementation excessive d'une époque révolue.

 

En décembre dernier, dans l'affaire National Family Farm Coalition v. Vilsack, M. James Donato, juge du district nord de Californie, a ramené l'innovation agricole des décennies en arrière. Il a rendu un jugement sommaire surprenant qui rétablit les erreurs passées dans la réglementation des nouvelles variétés de plantes et va à l'encontre non seulement de décennies d'expérimentation, d'application et de délibération, mais aussi du bon sens.

 

En bref, il s'agit de l'une des décisions les plus erronées et les plus embarrassantes sur le plan judiciaire en matière de politique agricole et alimentaire depuis des décennies.

 

La surréglementation non scientifique des cultures génétiquement modifiées remonte à près de 40 ans. En 2020, cependant, une réglementation éclairée sous la forme de la règle SECURE (Sustainable, Ecological, Consistent, Uniform, Responsible, Efficient) a représenté un progrès en adoptant une approche plus scientifique de la réglementation.

 

 

Historique du dossier et de la réglementation

 

La décision du juge Donato est le dernier chapitre en date de la bataille en cours sur le rôle des cultures génétiquement modifiées dans l'agriculture moderne. En 2020, une coalition de groupes d'opposants aux biotechnologies végétales a intenté une action en justice pour faire annuler la règle SECURE, qui prévoyait un processus scientifique et fondé sur les risques pour évaluer la nouvelle génération de cultures génétiquement modifiées. Pendant des décennies, ces cultures, souvent appelées « organismes génétiquement modifiés » ou « OGM » par leurs détracteurs, ont dû faire l'objet d'un processus d'essai et d'évaluation pluriannuel qui pouvait coûter une centaine de millions de dollars, voire plus.

 

L'ancienne réglementation reposait sur l'idée que des techniques moléculaires de haute précision en matière d'OGM pouvaient créer des « Frankenfoods » nocifs. La règle SECURE, publiée par le Service d'Inspection de la Santé Animale et Végétale (APHIS) de l'USDA, a déplacé l'élément déclencheur de la surveillance réglementaire des nouvelles plantes d'une approche basée sur le procédé (à savoir si la plante a été créée à l'aide des techniques moléculaires les plus récentes) vers une approche basée sur le produit (à savoir si la plante présente des risques en tant que « parasite ou maladie végétaux » ou « mauvaise herbe nuisible », ce qui nécessiterait alors un examen au cas par cas en vertu des lois en vigueur depuis longtemps). L'APHIS a travaillé sur cette règle pendant seize ans, de 2004 à 2020.

 

Il est intéressant de noter que, contrairement aux faux pas et aux hésitations de l'USDA, la FDA a adopté, dès ses premiers contacts avec eux dans les années 1980, une approche axée sur les caractéristiques des produits dans sa réglementation des médicaments humains et des produits biologiques issus du génie génétique moléculaire, et l'a maintenue. Il était apparemment acceptable de prévenir et de traiter les maladies grâce au génie génétique moléculaire, mais pas de nourrir les gens ou de protéger l'environnement avec la même technologie.

 

L'ordonnance du juge Donato a annulé la réglementation de l'APHIS de 2020, la règle SECURE. Il a écrit qu'au cours du processus de rédaction, l'APHIS n'avait pas expliqué de manière adéquate (1) pourquoi les régulateurs avaient conclu que les plantes créées à l'aide de techniques de génie génétique moléculaire n'étaient pas des « mauvaises herbes nuisibles » et (2) la raison pour laquelle ils avaient conclu que les plantes créées à l'aide des techniques de génie génétique les plus récentes pouvaient généralement être considérées comme aussi sûres que les plantes obtenues de manière conventionnelle.

 

 

Peut-on s'attendre à une nouvelle génération de plantes innovantes ?

 

La décision du juge Donato a donné une victoire aux forces réactionnaires et antiscientifiques opposées à l'utilisation des techniques moléculaires de génie génétique les plus récentes, notamment celle appelée CRISPR (abréviation de Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats), un système naturel que certaines bactéries utilisent pour se défendre contre les virus envahisseurs. CRISPR peut identifier des séquences d'ADN spécifiques, après quoi une enzyme appelée Cas9 permet de créer une modification souhaitée sur ces sites. CRISPR était si révolutionnaire que ses inventrices ont reçu le prix Nobel de chimie en 2020. Il est largement utilisé dans le monde entier.

 

Le consensus scientifique établi est que les plantes créées par des techniques moléculaires de génie génétique ne diffèrent pas, en termes de nature, de risque ou de sécurité pour l'homme ou l'environnement, des plantes créées par des techniques de sélection conventionnelles, si ce n'est que les modifications sont plus précises et plus prévisibles. Depuis des millénaires, l'homme n'a cessé de modifier génétiquement – ou d'améliorer – les micro-organismes, les animaux et les plantes cultivées par le biais de la sélection afin d'accroître leurs caractéristiques souhaitables. Parfois, la modification des caractères a été si radicale que les nouvelles variétés ont été désignées comme de nouvelles espèces – par exemple, celles dérivées de la plante polyvalente Brassica oleracea, comme le brocoli, le chou de Bruxelles, le chou, le chou-fleur, le chou frisé et le chou-rave. Quant à la téosinte, elle est à peine reconnaissable en tant qu'ancêtre du maïs moderne :

 

 

À gauche, le maïs doux moderne. À droite, l'ancêtre du maïs : la téosinte. Crédit : Rosana Prada

 

 

Pour obtenir les changements souhaités dans le phénotype (les caractéristiques d'un organisme résultant de l'interaction entre le génotype et l'environnement), les scientifiques ont inventé au fil du temps des techniques de plus en plus sophistiquées, en particulier depuis qu'ils ont reconnu que tous les organismes supérieurs ont le même support d'information génétique, l'hélice double-brin de l'ADN.

 

Dès 1987, l'Académie Nationale des Sciences (NAS) a publié un livre blanc sur les organismes génétiquement modifiés qui concluait qu'ils ne présentaient pas de nouveaux risques et que les mêmes réglementations devaient s'appliquer à eux et aux organismes non génétiquement modifiés. Ses principales conclusions sont les suivantes

 

  • Les risques liés aux organismes génétiquement modifiés sont les mêmes que ceux liés aux organismes non génétiquement modifiés.

     

  • La méthode utilisée pour produire l'organisme n'est pas aussi importante que le produit lui-même lorsqu'il s'agit de décider de son introduction dans l'environnement.

     

  • Les mêmes lois biologiques s'appliquent aux organismes génétiquement modifiés et aux organismes non génétiquement modifiés.

     

  • C'est le produit de la modification et de la sélection génétiques qui est au centre des décisions relatives à l'introduction dans l'environnement, et non le procédé utilisé pour le créer.

 

Deux ans plus tard, une analyse historique du Conseil National de la Recherche (NRC), datant de 1989, allait beaucoup plus loin en soulignant que :

 

« les techniques moléculaires modernes sont plus précises, plus circonscrites et plus prévisibles que les autres méthodes. Elles permettent d'introduire des morceaux d'ADN, constitués d'un ou de plusieurs gènes dont la fonction et même la séquence nucléotidique peuvent être définies. Avec les techniques classiques de transfert de gènes, un nombre variable de gènes peut être transféré [...] et nous ne pouvons pas toujours prédire l'expression phénotypique qui en résultera. Avec les organismes modifiés par des méthodes moléculaires, nous sommes mieux placés, voire parfaitement placés, pour prédire l'expression phénotypique. » (C'est nous qui graissons.)

 

Nous nous demandons si les analyses de la NAS et du NRC ont été communiquées au juge Donato.

 

 

Nouveau paysage juridique

 

La décision du juge Donato impose un retour à une surréglementation non scientifique, à des charges excessives en termes de coûts et de temps, et à l'obstruction de l'innovation technologique qui pourrait faire progresser la connaissance et le bien-être humain, et bénéficier à l'environnement. Il a ignoré ou n'était pas conscient que le fait de faire du processus de création d'une nouvelle plante le déclencheur de la réglementation, au lieu des caractéristiques de la plante liées au risque, viole un principe fondamental de la réglementation, à savoir que le degré de surveillance doit être proportionnel au risque perçu.

 

Au fil des ans, l'USDA a essayé (quoique péniblement et lentement) de passer d'une approche réglementaire ossifiée axée sur les processus à une approche davantage axée sur les produits – une évolution progressive, fondée sur la science – mais le juge Donato vient de torpiller cette évolution. S'il est maintenu, son avis encouragera la méfiance, la désinformation et l'obscurantisme à l'égard de la science et de l'agriculture, et découragera l'innovation. Nous ne pouvons qu'espérer que son ordonnance sera renversée en appel ou que l'APHIS rédigera rapidement un nouveau règlement qui se concentrera sur le produit plutôt que sur le processus.

 

_____________

 

Une version de cet article a été publiée par le Genetic Literacy Project.

 

Drew Kershen est professeur émérite de droit agricole à la faculté de droit de l'Université d'Oklahoma.

 

Henry Miller, médecin et biologiste moléculaire, est Glenn Swogger Distinguished Fellow à l'American Council on Science and Health. Il a été le directeur fondateur du Bureau des Biotechnologies de la FDA.

 

Source : Wrongheaded Judicial Ruling Jeopardizes the Future of U.S. Gene-Edited Crops | American Council on Science and Health

 

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