Quand le Journal Officiel définit notre vocabulaire...
Je dois la découverte à l'excellent « blog-notes » de M. Olivier Masbou : le Journal Officiel du 21 mars 2025 contient une « liste relative au vocabulaire de l'agriculture (termes, expressions et définitions adoptés) ».
Ce n'est évidemment pas le JO qui est à l'origine de ce texte, mais une « Commission d'enrichissement de la langue française ».
La CELF n'est pas un comité Théodule... à preuve, nous avons droit à 14 termes, dont certains nouveaux (à ma connaissance du moins. Elle œuvre en concertation avec des entités similaires de la Belgique, du Canada et de la Suisse.
Wikipedia écrit :
« La Commission d'enrichissement de la langue française (appelée Commission générale de terminologie et de néologie jusqu'en 2015), abrégée CELF, est une assemblée française de personnalités bénévoles au centre d'un dispositif interministériel dont la mission est de favoriser l'enrichissement de la langue française. Placée sous l'autorité du Premier ministre, elle a été créée par le décret no 96-602 du 3 juillet 1996 relatif à l'enrichissement de la langue française, modifié par le décret du 25 mars 2015. Sa mission, outre l'enrichissement du vocabulaire spécialisé par la création terminologique et la néologie, est de favoriser l'utilisation de la langue française, notamment dans les domaines économique, juridique, scientifique et technique, mais aussi de participer au développement de la francophonie. La terminologie adoptée est par ailleurs "d’usage obligatoire » dans les administrations et les établissements de l'État français". »
Voici donc les 18 termes :
agroécologie ; agroécosystème ; agrostockage de carbone ; agrosystème ; bien-être animal ; bientraitance animale ; concentration de l'agriculture ; cortège végétal ; culture en bandes (forme développée : culture en bandes alternées) ; extension de l'agroécologie ; pâturage de balles ; phytocénose ; plante de service ; techniques de sélection génomique ciblée des plantes.
Voici des éléments complémentaires (c'est nous qui graissons dans les citations) :
Définition : Ensemble de pratiques agricoles privilégiant les interactions biologiques et visant à une utilisation optimale des possibilités offertes par les agrosystèmes.
Note : L'agroécologie tend notamment à combiner une production agricole compétitive avec une exploitation raisonnée des ressources naturelles.
Voir aussi : agriculture biologique, agriculture climato-compatible, agriculture de conservation des sols, agriculture naturelle, agroforesterie, agrosystème, permaculture, répulsion-attraction, sylvopastoralisme.
Équivalent étranger : agroecology.
Attention : Cette publication annule et remplace celles du terme "agro-écologie" au Journal officiel du 19 août 2015 [...].
Définition : Portion de territoire comprenant un ou plusieurs agrosystèmes ainsi que les zones proches avec lesquelles ils entretiennent des interactions biologiques.
Note : Les zones proches des agroécosystèmes peuvent être, par exemple, des bordures de champ, des haies, des bosquets ou des mares.
Voir aussi : agroécologie, agrosystème, écosystème.
Équivalent étranger : agroecosystem.
Définition : Ensemble de pratiques agricoles ou forestières qui, mises en œuvre à l'échelle d'une exploitation ou d'un territoire, permettent de capter et de stocker durablement une quantité importante de carbone, de manière à limiter la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère.
Note : La couverture végétale des sols, la régénération et l'entretien des parcelles forestières sont des exemples de pratiques d'agrostockage de carbone.
Voir aussi : agriculture de conservation des sols, changement climatique, plante de service, puits de carbone.
Équivalent étranger : carbon farming.
Définition : Ensemble de parcelles exploitées de la même façon en raison d'un contexte pédoclimatique et économique similaire.
Note : Les choix techniques communs aux exploitants peuvent concerner les cultures, leur succession et les pratiques culturales (semis, travail du sol, etc.).
Voir aussi : agroécologie, agroécosystème, écosystème.
Équivalent étranger : agrosystem.
Définition : État physique et émotionnel d'un animal considéré comme satisfaisant au regard de ses besoins physiologiques et comportementaux, de l'environnement dans lequel il est maintenu et des traitements et soins dont il est l'objet.
Note :
1. Le bien-être animal est pris en compte pour les animaux d'élevage, de compagnie, d'établissements zoologiques et de présentation au public, ainsi que pour ceux qui sont utilisés à des fins scientifiques.
2. L'état émotionnel d'un animal est mesuré à l'aide d'indicateurs établis par des études scientifiques.
Voir aussi : bientraitance animale.
Équivalent étranger : animal welfare, animal well-being.
Définition : Ensemble des dispositions mises en place pour fournir à un animal des conditions d'environnement de nature à contribuer à son bien-être ou à diminuer son mal-être, telles qu'une nourriture, un logement, des conditions de transport et des soins adaptés.
Note : La bientraitance animale s'applique aux animaux d'élevage, de compagnie, d'établissements zoologiques et de présentation au public, ainsi qu'à ceux qui sont utilisés à des fins scientifiques.
Voir aussi : bien-être animal.
Équivalent étranger : animal welfare.
Forme développée : concentration localisée de l'agriculture.
Définition : Stratégie agricole qui consiste à circonscrire l'activité agricole à des espaces limités, exploités de manière intensive, de façon à réserver un maximum d'espaces favorables à la biodiversité.
Voir aussi : extension de l'agroécologie.
Équivalent étranger : land sparing.
Synonyme : cortège floristique.
Définition : Ensemble des espèces végétales qui sont observées et inventoriées dans une zone donnée.
Équivalent étranger : -
Forme développée : culture en bandes alternées.
Définition : Mode de culture associant, sur une même parcelle, deux ou plusieurs espèces annuelles disposées les unes à côté des autres dans des bandes longues et étroites.
Note : La culture en bandes permet de lutter contre l'érosion des sols, les ravageurs et les maladies, d'améliorer la biodiversité et de favoriser les interactions biologiques au sein de la parcelle.
Équivalent étranger : strip cropping.
Définition : Stratégie agricole qui consiste à étendre des pratiques agroécologiques à tous les espaces susceptibles d'être cultivés, pour y favoriser la biodiversité.
Voir aussi : agroécologie, concentration de l'agriculture.
Équivalent étranger : land sharing.
Définition : Mode d'alimentation de bovins à l'herbage qui consiste à fournir aux animaux, en complément d'une pâture insuffisante, des balles de foin et de fourrage, notamment pendant la période hivernale.
Équivalent étranger : bale grazing.
Définition : Ensemble des espèces végétales qui vivent dans les mêmes conditions de milieu, dans un espace donné.
Voir aussi : biocénose.
Équivalent étranger : plant community.
Définition : Espèce végétale cultivée pour les services écosystémiques qu'elle rend et qui n'a pas vocation à être récoltée ou pâturée.
Note : Une plante de service peut, par exemple, limiter l'érosion des sols et en améliorer la fertilité, réguler des populations de bioagresseurs, favoriser la biodiversité, ou encore contribuer à la beauté des paysages.
Voir aussi : bioagresseur des cultures, répulsion-attraction, service écosystémique.
Équivalent étranger : service crop.
Abréviation : TGCP.
Domaine : Agriculture-Biologie/Biologie végétale.
Définition : Ensemble de techniques de modification ciblée du génome appliquées à des végétaux pour obtenir de nouveaux variants.
Note :
1. Les techniques de modification ciblée du génome peuvent mettre en œuvre différents mécanismes tels que la mutation, l'insertion, la délétion, ou encore l'extinction de gène.
2. Le processus de transgénèse, qui est non ciblé, est exclu des techniques de sélection génomique ciblée des plantes.
3. On trouve aussi, dans le langage professionnel, les termes "nouvelles techniques de sélection génomique des plantes (NTGP)" et "nouvelles techniques de sélection génomique (NTG)".
Voir aussi : délétion, doigt à zinc, endodésoxyribonucléase 9, insertion, mutagénèse dirigée, nucléase-effecteur de type activateur de transcription.
Équivalent étranger : new breeding techniques (NBT), new genomics techniques (NGT), new plant breeding techniques (NPBT).
Chacun se fera son opinion sur ces termes, sachant que la création terminologique est un art difficile et que, dans certains cas, la langue française « court » après une langue anglaise vraiment malmenée par ses utilisateurs (par exemple, ici, dans le cas de « bale grazing » – « grazing » désignant le fait de brouter de l'herbe)...
Je ne trouve pas très heureuses les traductions de « land sharing » et « land sparing », et ne leur prédis pas un grand avenir. Mais je me garderai bien de proposer autre chose (ne serait-ce que parce que je n'ai pas envie de chercher... et que je n'ai rien trouvé en m'exclamant « eureka ! »).
« Techniques de sélection génomique ciblée des plantes » me paraît trop long et, au moins pour une majorité de cas, redondant dans la mesure où la sélection génomique est, par nature, ciblée.
L'anglais « new breeding techniques (NBT) » et « new genomics (sic) techniques (NGT) » me déplaît aussi : il va bien falloir accepter un jour que ces techniques ne sont plus « new », nouvelles. Le plus tôt sera le mieux. Mais les instances européennes sont en train de graver « NGT » dans le marbre de la loi...
« Techniques de sélection génomique » pourrait-il inciter à populariser « genomic breeding techniques » ?
Ou faudrait-il plutôt dire « techniques génomiques de sélection » ? Mais cela rendraient plus difficiles les références à la « sélection génomique »...
Relevons encore que le mot « sélection », souvent utilisé pour traduire « breeding », peut aussi dénoter une opération plus restreinte que ce qu'indique le terme anglais, que l'on rend par « amélioration des plantes ».
J'ai, dans mes piles de livres, un « Génétique et amélioration des plantes » de Georges Valdeyron (1961 pour la première édition) et un « Principles of Plant Breeding » de R.W. Allard (1960)…
Et aussi, notamment, un « Amélioration des espèces végétales cultivées » d'André Gallais et Hubert Bannerot (éditeurs). C'est un ouvrage de 1992, des éditions de l'INRA – de cet INRA qui était au service de l'agriculture et de l'alimentation.