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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Nouveaux projets de l'UE : les agriculteurs devront-ils déclarer leurs coûts ?

19 Avril 2025 Publié dans #Union Européenne, #Politique agricole

Nouveaux projets de l'UE : les agriculteurs devront-ils déclarer leurs coûts ?

 

Josef Koch, Bayrisches landwirtschaftliches Wochenblatt, dans AGRARHEUTE*

 

 

© agrarfoto.com

L'UE veut introduire une obligation contractuelle non seulement pour les livraisons de lait, mais aussi pour celles de céréales. Voici ce que les projets de la Commission Européenne signifient pour les agriculteurs.

 

 

Le commissaire européen à l'Agriculture Christophe Hansen veut renforcer les agriculteurs dans la chaîne de valeur ajoutée. Pour ce faire, il a mis une proposition sur la table à la mi-décembre. Ses projets ne concernent pas seulement les producteurs laitiers, mais aussi les producteurs de grandes cultures et les maraîchers. Les propositions sont toutefois tout à fait controversées. En effet, elles vont nettement plus loin que l'obligation contractuelle prévue pour les producteurs laitiers (article 148 de l'OCM). Nous expliquons en détail ce que la Commission Européenne propose.

 

 

Que propose concrètement le commissaire européen à l'Agriculture Christophe Hansen pour renforcer les agriculteurs dans la chaîne de valeur ?

 

M. Hansen veut introduire l'obligation de contrats de livraison écrits pour tous les agriculteurs, à l'exception des producteurs de betteraves à sucre. Ainsi, tous les États membres de l'UE devraient appliquer l'article 148 de l'Organisation Commune des Marchés (OCM). Il souhaite également adapter l'article 168 de l'OCM. Les céréaliers, les producteurs de légumes ainsi que les producteurs de fruits et de houblon seraient ainsi également concernés. Parallèlement, Bruxelles veut simplifier la reconnaissance des groupements de producteurs. Le règlement sur les conditions commerciales déloyales (directive UTP) devrait être renforcé afin de pouvoir être appliqué au-delà des frontières nationales.

 

 

Que signifie l'obligation contractuelle prévue ?

 

Selon les plans de l'UE, les laiteries, les négociants en céréales ou les vendeurs de légumes devront proposer à leurs fournisseurs, c'est-à-dire aux agriculteurs, un contrat de livraison écrit. Il doit contenir des informations sur la quantité livrée, le prix, la date de livraison et des clauses de prix liées à la quantité. Si les prix ne couvrent pas les coûts, l'agriculteur peut résilier unilatéralement les contrats d'une durée supérieure à six mois. Pour ce faire, il doit toutefois justifier ses coûts.

 

 

Comment l'agriculteur doit-il justifier ses coûts ?

 

Jusqu'à présent, le texte de loi ne définit rien de concret concernant la justification des coûts. Les coûts des agriculteurs varient considérablement en fonction de la taille de l'exploitation, de sa situation et de sa gestion. Si des données forfaitaires standardisées devaient suffire, les agriculteurs qui gèrent leur exploitation à moindre coût pourraient bénéficier d'avantages supplémentaires. Mais ceux qui ont des coûts plus élevés que le forfait peuvent certes résilier leur contrat, mais le nouveau prix peut alors également ne pas couvrir les coûts. Il est même possible que chaque agriculteur doive justifier ses coûts exacts. Mais ce faisant, il révèle des informations internes à son exploitation et constitue un livre ouvert pour l'acheteur. C'est inhabituel dans l'économie.

 

 

Pourquoi de nombreuses organisations agricoles s'opposent-elles aux projets de l'UE ?

 

L'association des agriculteurs, l'association Raiffeisen et l'association de l'industrie laitière, par exemple, voient dans les dispositions de l'UE une atteinte au droit civil et à la liberté de contracter. En outre, les fédérations mettent en garde contre une bureaucratie inutile si des contrats de livraison doivent être proposés à une grande partie des agriculteurs. Enfin, les autorités devront vérifier ces prescriptions, ce qui augmentera encore la charge administrative. De nombreuses autorités pourraient alors être débordées. Les associations critiquent également le fait que la Commission Européenne ne souhaite présenter une analyse d'impact que trois mois après l'entrée en vigueur, et pas avant. La Commission, quant à elle, craint des retards inutiles.

 

Selon les estimations du Dr Christian Weseloh, directeur de la Bundesvereinigung der Erzeugerorganisationen Obst und Gemüse e.V. (BVEO – fédération fédérale des organisations de producteurs de fruits et légumes), l'obligation de contracter concerne avant tout les groupements et les associations de producteurs. Pour chaque livraison de produits agricoles, il faudrait conclure un contrat écrit qui devrait en outre répondre à certains critères. Cela entraînerait uniquement une augmentation de la bureaucratie au sein de l'organisation de producteurs et non pas une augmentation de la valeur ajoutée qui pourrait alors se refléter dans des paiements plus élevés aux membres de leur organisation de producteurs, prévient M. Weseloh.

 

 

Existe-t-il des alternatives à l'obligation de contracter ?

 

Selon la BVEO, l'obligation contractuelle affaiblit les organisations de producteurs au lieu de les renforcer. Le directeur de la BVEO, M. Weseloh, estime qu'il serait plus judicieux que l'UE renforce ces organisations en interdisant concrètement les conditions commerciales inéquitables au sein de la chaîne alimentaire. « Les plans de Bruxelles ne sont rien d'autre qu'un corset rigide de dispositions légales qui n'a aucun effet positif et qui affaiblit la position des producteurs – y compris par des revenus moindres », affirmme le directeur général de la DRV, Jörg Migende. Il estime que le délai de résiliation de six mois met en danger la prévisibilité et l'engagement des coopératives de livraison, par exemple vis-à-vis des moulins et du commerce alimentaire.

 

 

Mais dans le commerce des céréales, il existe déjà des contrats de livraison sans problèmes d'approvisionnement ?

 

Dans le commerce des céréales, les agriculteurs peuvent conclure des pré-contrats à long terme ou des contrats de livraison à court terme. Si les conditions uniformes allemandes du commerce des céréales font partie des conditions générales, les agriculteurs bénéficient également d'une réserve de propriété prolongée en cas d'insolvabilité de l'acheteur. C'est ce que conseillent les juristes.

 

Le commerce privé se plaint surtout du droit de résiliation unilatéral. Il prévient que les commerçants devront à l'avenir classer les contrats avec les agriculteurs dans une catégorie plus risquée. Il se peut qu'il n'y ait plus de contrats du tout dans le commerce des céréales, préviennent les associations commerciales. Ou alors, on importera davantage de marchandises en provenance de pays tiers de l'UE, car il n'y a pas lieu de craindre une résiliation à court terme des contrats, selon M. Martin Courbier, directeur de l'association Der Agrarhandel (le commerce agricole). Il craint que le renforcement des producteurs ne se fasse sur le dos du commerce agricole.

 

 

Existe-t-il un privilège pour les coopératives ?

 

En principe, oui. Le commissaire européen à l'Agriculture Hansen a accordé des exceptions au sein de la commission européenne de l'agriculture. Souvent, les coopératives ont déjà un mécanisme de prix pour s'adapter aux fluctuations des quantités. On peut aussi interpréter cela comme un contrat, selon M. Hansen. Il ne veut pas détruire des mécanismes qui fonctionnent.

 

Pour le directeur de la DRV, M. Migende, un privilège des coopératives n'existe plus. Il existe seulement une exemption de l'obligation de conclure un contrat au sens des articles 148 et 168. Dans ce cas, les exigences doivent toutefois être définies dans les statuts ou dans les règlements de livraison.

 

 

Pourquoi des règles européennes plus strictes ?

 

L'alliance d'AbL, BDM, LsV Deutschland, MeG Milchboard et Freie Bauern promet plus de sécurité de planification pour les producteurs laitiers et les laiteries sur le marché du lait. Ainsi, de nombreux producteurs laitiers connaîtraient déjà le prix du lait qu'ils recevront avant de le livrer. Des signaux de prix plus précoces faciliteraient ainsi la gestion des volumes par les agriculteurs. Certains représentants d'associations y voient des chances d'obtenir des prix du lait plus justes. Pour cela, ils estiment qu'il est important que les prescriptions de l'UE comprennent une obligation de contrat qui ne soit pas incontournable, et pas seulement une obligation d'offre. De plus, l'obligation de contracter doit couvrir la totalité de la quantité de lait négociée entre les parties contractantes.

 

Mais l'alliance des fédérations est également d'accord sur le fait que le développement futur de l'agriculture nécessite nettement plus d'instruments de politique de marché pour maintenir l'équilibre du marché laitier. Il s'agit par exemple d'une régulation ciblée des volumes.

 

En outre, la Commission pour l'Avenir de l'Agriculture (ZKL) [allemande] a également recommandé au gouvernement fédéral, dans son rapport final de l'automne 2024, de mettre en œuvre des contrats de livraison obligatoires avec des indications concrètes sur la quantité, la qualité, le prix et la durée du contrat.

 

 

Ces contrats permettront-ils d'obtenir de meilleurs prix du lait ?

 

Sur ce point, les avis divergent fortement au sein du secteur agricole et des scientifiques. Pour l'Arbeitsgemeinschaft bäuerliche Landwirtschaft (AbL – communauté de travail de l'agriculture paysanne), le marché du lait en Bavière montre que les contrats écrits peuvent contribuer sensiblement à la stabilité des marchés. Cependant, il y a en Bavière de nombreuses laiteries de marché avec de bonnes valorisations du lait, plus de concurrence pour le lait cru et un fort regroupement des producteurs de lait via la Bayern MeG.

 

Pour le professeur Holger Thiele de l'Université des Sciences Appliquées de Kiel, l'obligation de contracter avec des garanties de prix du lait à long terme apporte plus de désavantages que d'avantages aux agriculteurs. Selon le scientifique, plus les laiteries doivent garantir un prix du lait à long terme, plus les réductions de risque sont élevées. De son point de vue, les modèles de prévision des prix utilisés jusqu'à présent ne permettent de faire que des déclarations approximatives sur le prix du lait à l'avenir.

 

Il est toutefois possible que les projets de l'UE conduisent à ce que les agriculteurs se voient proposer davantage de modèles de garantie des prix sur le marché du lait et des céréales afin de limiter les risques liés aux prix.

 

 

Que pensent les Länder des projets de M. Hansen ?

 

Mi-février, le Bundesrat a demandé dans une résolution au gouvernement fédéral de rejeter au Conseil les projets de l'UE concernant les deux articles 148 et 168 de l'OCM. Les principaux arguments étaient les suivants : davantage de bureaucratie et limitation de la liberté contractuelle.

 

Le gouvernement fédéral n'est toutefois pas lié par la résolution. Cependant, les Länder dirigés par l'Union ont actuellement la majorité au Bundesrat. Ainsi, le futur gouvernement fédéral composé de la CDU/CSU et du SPD pourrait voter contre au Conseil de l'UE. Reste à savoir s'il le fera effectivement. Les discussions entre la CDU/CSU et le SPD sont toujours en cours.

 

 

Comment le Conseil et le Parlement Européen voient-ils les propositions ?

 

Au sein de la commission de l'agriculture de l'UE, les projets de la Commission concernant les articles 148 et 168 ont récemment été approuvés dans l'ensemble. Mais les députés bavarois Stefan Köhler (CSU) et Christine Singer (FW), entre autres, ont émis des doutes quant à leur utilité. Mme Maria Noichl (SPD) a demandé que les laiteries soient impliquées dans tous les cas.

 

Le Conseil agricole de l'UE n'a pas encore d'avis tranché sur la question. De nombreux pays veulent encore examiner les propositions. L'Autriche et cinq autres pays de l'UE sont critiques à l'égard de la bureaucratie.

 

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* Source : Neue EU-Pläne: Müssen Landwirte ihre Kosten offenlegen? | agrarheute.com

 

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