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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Manifs : manifestons notre mécontentement !

9 Avril 2025 Publié dans #critique de l'information, #Politique, #Activisme

Manifs : manifestons notre mécontentement !

 

 

(Source)

 

 

Les états d'âme de deux Marine et le pissing contest des deux bords politiques du dimanche 6 avril 2024 ont davantage intéressé les médias que les manifs du même jour des « motards et des gueux » contre les ZFE (zones à faibles émissions), pourtant un sujet d'un grand intérêt sociétal.

Sur la base d'une dépêche de l'AFP, les médias ont déroulé l'argumentaire contre les pesticides en appui d'une manif de la veille, dont les organisateurs principaux étaient... Extinction Rébellion (chut, faut pas le dire) et Scientifiques en Rébellion.

 

 

Le dimanche 6 avril 2025 aura été une journée fébrile pour les médias : deux manifestations politiques – du Rassemblement National et, en réaction, des Écologistes et de la France Insoumise – étaient en position élevée à l'ordre du jour.

 

C'était en quelque sorte un concours pour savoir qui a la plus grosse...

 

Et on notera avec quelque amusement les contorsions des journalistes pour présenter la manifestation de leur cœur sous le meilleur jour...

 

Nos compliments iront au Monde qui a réussi un exploit : d'une part, il n'a donné aucun chiffre pour la manifestation du Rassemblement National, tout en déroulant une litanie de manifestations passées plus mobilisatrices ; et, d'autre part, il n'a cité que le chiffre avancé par les organisateurs pour la manifestation des Écologistes et de LFI, le lecteur devant se contenter de : « Selon LFI, 15 000 personnes auraient répondu présent, un chiffre qui paraît largement exagéré au vu de l’affluence. »

 

 

Soyons charitables pour certains médias français... citons un trumpiste... (Source)

 

 

La manifestation des gueux ne fait guère recette dans les médias

 

Il y avait une autre manifestation à Paris et dans plusieurs villes de France, mais elle n'a guère retenu l'attention : « Contre les ZFE, les gueux et motards manifestent en nombre », a titré Auto Moto, fort justement pour décrire les manifestants (« gueux » étant à prendre sur le mode grinçant).

 

 

(Source)

 

 

Combien étaient-ils ? « Des centaines de personnes mobilisées à Paris contre les Zones à faibles émissions (ZFE) », a titré par exemple RMC dans un article fondé sur une dépêche de l'AFP, oubliant ce qu'on appelle dédaigneusement « la province » (on mentionne cependant « une quinzaine de villes » dans le texte).

 

C'est combien, « des centaines » ?

 

Il faut croire que la dénonciation d'une « injustice sociale inacceptable » est moins importante que les états d'âme des deux Marine de la scène politique et de quelques spécimens de la France Irresponsable.

 

« Si on commence à trier les voitures et les motos on trie les êtres humains, ça ne peut pas être ça la France »

Alexandre Jardin

 

Grok a avancé un chiffre de 1.500 sur la base d'un article du Parisien a priori introuvable. (Source)

 

 

Les dés du débat sont pipés

 

Notons ici une entourloupe qui se généralise :

 

« Initiées en 2019 et étendues en 2021, les ZFE affichent l’objectif d’améliorer la qualité de l’air et de limiter les émissions de particules fines, responsables de maladies respiratoires et de 40 000 décès par an selon Santé Publique France, en excluant certains véhicules en fonction des vignettes Crit’Air. »

 

Ce chiffre de 40.000 décès est extrêmement problématique – voir : « Pollution de l’air : 38 000 morts par an dans le monde, dont 48 000 en France… » du magicien des statistiques Philippe Stoop. Et, s'il était réaliste, il s'appliquerait à la France entière et non à la mortalité que l'on se proposerait d'éviter dans les ZFE.

 

Autre entourloupe – le mot est faible – de l'inénarrable Agnès Pannier-Runacher (repris du Parisien) :

 

« L’effet bénéfique des ZFE pour la santé de la population a en tout cas d’ores et déjà fait ses preuves "Dans les deux agglomérations où les ZFE sont effectives, soit celles de Lyon et Paris, la concentration de dioxyde d’azote a été réduite de plus d’un tiers", a ainsi souligné la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher. [...] »

 

Dates, SVP ? De plus, selon Airparif :

 

« Les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) ont baissé en moyenne de 40 % entre 2013 et 2023 en Île-de-France (- 55 % entre 2003 et 2023). »

 

On pourrait ainsi conclure sur cette base que la réduction alléguée n'est nullement liée aux ZFE, mais généralisée. En fait, les deux facteurs principaux semblent être les mesures généralisées de réduction de la circulation et le renouvellement du parc automobile. Effet réel des ZFE ?

 

La ZFE de Paris a été introduite le 1er juillet 2016, celle du Grand Paris, le 1er juillet 2019 pour les véhicules Crit'Air 5 et non classés. Autrement dit, les antiquités encore roulantes, en relativement petit nombre, dont le bannissement ne peut difficilement expliquer une réduction aussi importante.

 

L'inclusion des Crit'Air 3 dans les exclusions change la donne.

 

 

Un discours, une posture lunaires (Source)

 

« Alors, d'abord, les moins riches, ils n'ont pas de voiture, hein... »

Agnès Pannier-Runacher

 

 

 

 

« Le drame social des ZFE résumé dans ces graphes de répartition des véhicules selon le niveau de vie, via @XerfiCanal » (Source)

 

 

Le « Printemps Bruyant » contre les pesticides retient en revanche l'attention

 

Samedi 5 avril 2025 a eu lieu une autre manifestation à Paris, à l'initiative euh... voyons...

 

Prenons-le d'une dépêche de l'AFP reproduite par MSN, « Contre les pesticides, une grande marche réunit scientifiques, écologistes et victimes à Paris » :

 

« La cortège, nommé "Printemps bruyant", a été initié par quelques dizaines d'organisations dont les collectifs "Scientifiques en rébellion", "Alerte des Médecins contre les Pesticides" ou encore l'association Agir pour l'Environnement.

 

D'autres organisations comme la Ligue pour la protection des oiseaux, Greenpeace ou un tout récent collectif "Riverains victimes de pesticides" les ont rejoints. »

 

 

(Source)

 

 

Comme nous le verrons ci-dessous, il y a une omission, ce qui relève in fine du mensonge.

 

Le Monde a fait preuve d'une extraordinaire objectivité (ironie!) dans son titre :

 

« "Les pesticides tuent" : plus d’un millier de manifestants à Paris pour appeler à repenser l’agriculture ».

 

Manifestement, l'indécence et le ridicule ne tuent pas le Monde...

 

En chapô :

 

« Contre les pesticides, plus d’un millier de manifestants guidés par des collectifs scientifiques et écologistes ont marché en fanfare, samedi 5 avril, à Paris. Ils ont dénoncé la destruction du vivant et les maladies provoquées par l’usage agricole massif de ces produits chimiques. »

 

Manifestement, l'indécence et le ridicule ne tuent pas le Monde (bis)...

 

 

Le sens de la mesure... Reporterre, peu suspect de minimisation a annoncé 2.000 (1.400 selon la police) (Source)

 

 

Les arguments les plus éculés sont les plus attrayants

 

Le journaliste de l'AFP a fait du micro-trottoir, bien sûr sans le moindre esprit critique, de quoi faire pleurer dans les chaumières :

 

« "Ma fille de 16 ans souffre d’une leucémie lymphoblastique" et "nous sommes riverains d’un champ cultivé en agriculture conventionnelle, qui utilise beaucoup de pesticides pour le blé, le maïs, la pomme de terre", a raconté Isabelle Marchand, venue du Morbihan. "Je suis technicienne agricole et j’ai fait analyser les poussières de ma maison, sous contrôle d’huissier : on a retrouvé du lindane et du diuron", des produits interdits, déplore-t-elle. »

 

Aucun lien de cause à effet ne peut être établi pour la leucémie. Et le lindane a été interdit en 1998, et le diuron, en 2002 pour les usages non agricoles et 2003 pour les usages agricoles.

 

Dans le salmigondis il y a aussi M. Cédric Marteau, directeur général de la LPO, avec notamment :

 

« On perd encore 20 millions d’oiseaux par an à l’échelle de l’Europe et c’est principalement dû aux intrants chimiques ».

 

Ça alors... l'hécatombe des moineaux en ville sans doute aussi...

 

 

Attention : ce graphique, largement diffusé, est trompeur car toutes les courbes partent d'une valeur 1 qui n'est pas la même en termes d'effectifs. La courbe « 74 espèces » ne comprend pas toutes les espèces, notamment les rapaces... certains étant prédateurs d'oiseaux. Il ne reflète pas non plus la biomasse de l'avifaune ; un passereau est comptabilisé ici de la même manière qu'un corvidé (Source)

 

 

Faisons encore une place à l'eurodéputée écologiste Marie Toussaint :

 

« Les agriculteurs "ont été enfermés par les firmes productrices de pesticides dans des modèles" qui "mettent à bas toute une chaîne biologique supposée protéger les champs" ».

 

Ils sont vraiment stupides ces agriculteurs (ironie)...

 

 

Extinction Rébellion, co-organisateur principal occulté

 

Pour en savoir plus, on peut visiter, par exemple, le site d'un co-organisateur principal que le journaliste de l'AFP a occulté, sans doute parce qu'il est peu présentable (mais néanmoins fréquentable), Extinction Rébellion. Selon leur appel à la manif du 25 février 2025 :

 

« Extinction Rebellion et Scientifiques en Rébellion, rejoints par d’autres collectifs, appellent à une agriculture sans pesticides respectueuse du vivant. Nous poursuivons la lutte pour l’interdiction des agrotoxiques, massivement utilisés par l’agro-industrie. Ce marché lucratif et colonial impacte directement la santé humaine, l’environnement et la durabilité de nos modèles agricoles. Nous devons changer de régime ! »

 

Un marché « colonial »...

 

 

(Source)

 

 

Il y a aussi des « revendications » dans ce long texte dont l'analyse nous mènerait bien trop loi :

 

Nous demandons un arrêt de l’usage des pesticides en France, en Europe et dans le monde.

 

Nous demandons un accompagnement des agriculteur·ices pour leur permettre d’arrêter l’usage de ces pesticides de synthèse, en s’inspirant des méthodes agronomiques déjà existantes en agriculture biologique.

 

Nous demandons une conférence de citoyen·nes qui préparera une loi agricole pour nourrir sans détruire, conciliant production, revenu décent, santé et respect de l’environnement, présent et avenir.

 

Dans le monde, tant qu'à faire... Et une loi agricole pour nourrir...

 

Il y a aussi un « appel », signé par une petite centaine d'entités, grandes et petites, certaines à but lucratif comme des AMAP, ainsi que par une petite vingtaine d'élus, à vue de nez écologistes et LFI. Bref, les usual suspects.

 

 

Des Scientifiques en Rébellion... même contre la science et le bon sens

 

La littérature de Scientifiques en Rébellion vaut aussi le détour. Un de mes préférés :

 

« Selon Pierre-Henri Gouyon, chercheur au MNHN : "l’agriculture intensive ne se maintient qu’en détruisant la vie sur terre et les puissants lobbies de l’agrochimie emploient de nombreux marchands de doute pour le cacher. ll est urgent de lever le voile sur le massacre en cours". Les pesticides contaminent tous les milieux, sols, air, eau, partout sur la planète et participent à l’extinction de masse des nombreuses populations animales, notamment les insectes, dont les pollinisateurs mais aussi les populations d’oiseaux des habitats agricoles (Inrae, Ifremer, 2022). »

 

Quelles fortes paroles ! Et on peut douter de la pertinence de la référence à l'expertise collective de l'INRAE et de l'IFREMER s'agissant de l'« extinction de masse ».

 

« Scientifiques en Rébellion » ? Des scientifiques ? Vraiment ?

 

 

Encore un petit mot

 

Voici encore un extrait de l'« appel » produit par les organisateurs – dont Scientifiques en Rébellion – et agrémenté d'une flopée de signatures :

 

« Contrairement à ce qu'on voudrait nous faire croire, les alternatives existent. Nous défendonsl'agriculture biologique ainsi que la souveraineté alimentaire, en tant que « droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée, produite par des méthodes écologiquement saines et durables, et leur droit de définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles » (Via Campesina). Loin d’un simple fantasme, comme cherchent à nous le faire croire les tenant·es du modèle injustement lucratif de l’agro-industrie, ces alternatives sont déjà mises en place partout dans le monde, en se basant sur des principes de justice, de coopération et de solidarité transnationale. »

 

Personne ne se demande, visiblement, pourquoi ce qui ne relève(rait) pas du fantasme ne s'est pas généralisé tout seul.

 

Ah oui...

 

« Mais cela nécessite de changer de paradigme et donc, de la volonté politique. [...]

 

 

Et pour conclure...

 

Nos médias ne sortent pas grandis de cette séquence.

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