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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Les délires de l'OFB : quand désherber 40 mètres carrés vous met face à des juges

15 Avril 2025 Publié dans #Divers

Les délires de l'OFB : quand désherber 40 mètres carrés vous met face à des juges

 

André Heitz*

 

 

Le titre est un peu accrocheur. Le problème se situe au niveau d'une législation répressive délirante, mais aussi d'un zèle remarquablement jusqu'au-boutiste et intransigeant d'agents de l'OFB.

 

Pour avoir utilisé sur une place publique un herbicide réservé à certains milieux agricoles (dans des conditions devenues draconiennes), le maire d'un village de 48 habitants du Gers s'est retrouvé face à des juges.

 

 

Un lecteur assidu m'a mis sur la piste d'un article de La Dépêche dont la version électronique s'intitule : « "Les maires font ce qu’ils peuvent": un élu gersois au tribunal pour avoir désherbé 40 m2 dans sa commune » (derrière un péage).

 

En chapô de la version papier :

 

« Le maire de Gée-Rivière, village gersois de 48 habitants, a répondu hier au tribunal d'Auch d'emploi de... désherbant. »

 

Soyons clairs, même si cela n'est pas précisé dans l'article : pas n'importe quel désherbant, mais du glyphosate.

 

Un herbicide génial qui vient à bout de toutes les mauvaises herbes ou presque, en tuant aussi les racines. Son action est cependant un peu lente et se traduit au début par une coloration brun-rougeâtre caractéristique des parties aériennes avant qu'elles ne disparaissent.

 

Un herbicide au profil toxicologique et écotoxicologique très favorable, mais qui est devenu un totem à abattre pour la faune anti-pesticides, qu'elle soit de la prétendue « société civile » ou des milieux administratifs, législatifs et gouvernementaux.

 

Un herbicide autrefois disponible en jardineries, grandes surfaces et supérettes de campagne, mais maintenant interdit d'usage, sauf dans des conditions très restrictives en milieu agricole.

 

La lamentable histoire commence en... 2023 :

 

« En 2023, des agents de l'Office français de la biodiversité (OFB) passent par le village à la recherche d'un nid de cigognes. Ils découvrent que, devant la mairie, sur un espace public d'une quarantaine de mètres carrés, l'herbe jaunie présente tous les signes de l'utilisation d'un herbicide... » (les points de suspension sont du journaliste).

 

Voilà donc les preux chevaliers défenseurs de la veuve et de l'orphelin de la nature – que nous, contribuables, avons payés pour rechercher un nid de cigognes – qui, derechef, interrompent cette mission de la plus haute importance pour une plus haute encore... Ils sont au moins deux... des fois qu'il faille dresser un constat contre des cigognes qui auront peut-être construit leur nid en un endroit malencontreux, et fait – abondamment, les Alsaciens le savent d'expérience (la couleur des toits sous les nids en témoigne) – sur le nid en contrebas d'une espèce protégée.

 

On peut, bien sûr, imaginer d'autres scénarios. Ayant poursuivi leurs indispensables et urgentes investigations et étant retournés à leur base, ils auront peut-être fait convoquer une réunion d'état-major pour planifier une expédition en bonne et due forme (Auch-Gée-Rivière-Auch, c'est en gros 150 km, 2h40 de route, 14 euros de carburant et 24 kg de CO2).

 

On imagine... Le maire, pressé de questions, presque sous la torture – enfin, n'exagérons pas – avoue son forfait : il a pris son pulvérisateur de jardin, un doigt de Roundup et une pinte d'eau (ce sont 40 mètres carrés après-tout) pour faire ce que, dans d'autres communes moins désargentées, on confie à une brigade d'agents communaux munis d'outils ancestraux comme la binette ou modernes comme le désherbeur à flamme. Ou qu'on ne fait plus, compte tenu du coût que cela implique.

 

On imagine aussi la suite. Un rapport des valeureux et intrépides agents de l'OFB... une convocation à la gendarmerie... un nouveau rapport, dûment transmis au procureur de la République... des greffiers s'activant pour arriver in fine à une audience du tribunal, suivie de nouveaux travaux culminant par une « belle » décision de justice.

 

De 2023 à 2025... admettons que cela représente deux années d'efforts colossaux.

 

La justice doit suivre son cours, « quoi qu'il en coûte » !

 

Il s'agit d'une atteinte, forcément gravissime à l'environnement (comme le fait de détruire le barrage d'un castor pour l'inciter (le castor, pas le barrage) à emménager ailleurs, un fait qui a envoyé un autre maire au tribunal) ; pas d'un excès de vitesse ou d'une conduite sous l'emprise de l'alcool – susceptibles de mettre en danger la vie d'autrui – sanctionnés forfaitairement par une amende et un retrait de points...

 

On imagine aussi l'audience, le journaliste de La Dépêche nous en ayant livré fort heureusement des éléments :

 

« "Ne connaissez-vous pas la réglementation de l'usage des phytosanitaires dans l'espace public ?" demande la présidente du tribunal. Le maire ne la connaissait pas. Pas plus que le conseil municipal, qui avait donné son accord pour traiter la parcelle. »

 

On peut être surpris à ce stade que le crime, enfin le délit, n'ait pas été poursuivi en tant qu'agissement en bande organisée...

 

« "Mais vous prenez des précautions pour protéger les gens quand vous traitez votre maïs, renchérit la présidente. Et là, rien, alors que c'est un espace public." »

 

Le journaliste avait relevé ceci plus haut dans son article :

 

« "Une audience pédagogique" aux yeux du tribunal. »

 

On ne saurait en disconvenir ! Ce brave homme qui a eu l'impudence d'ignorer cet élémentaire adage selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi » s'est vu tancer comme un gamin.

 

Et bien plus !

 

Par miracle – comment expliquer autrement sa présence dans le prétoire –, France Nature Environnement – était partie civile. À n'en pas douter, FNE emploie des personnels chargés de scruter les rôles des tribunaux de France et de Navarre, sans oublier l'Outre-mer, pour repérer les affaires pour lesquelles... voir plus loin. Honni soit qui pense que cette association a bénéficié d'un « tuyau ».

 

À lire l'article de la Dépêche, c'était aussi Torquemada ou Vychinski. Sans perdre le nord...

 

« Face aux risques que ces pratiques font courir aux populations et aux milieux, il [le représentant de FNE] réclame 1 000 €. »

 

Ah oui ? Quel est le préjudice de FNE ? Ces constitutions de partie civile ne sont-elles pas une forme de... prédation ?

 

Le tribunal ne fera que partiellement droit à cette demande.

 

« Le tribunal […] a relaxé [M. Pascal Baquié] pour les deux chefs litigieux, mais le maire devra payer 800 € d'amende avec sursis total, 500 € à la FNE et 450 € de frais de justice. »

 

La procureure avait requis 2.000 € avec sursis. On peut supposer que les « chefs litigieux » étaient l'atteinte à l'environnement – rappel : 40 m2 traités avec un pulvérisateur porté à bout de bras ou en bandoulière – et la mise en danger de la vie d'autrui – rappel : avec un herbicide qui fut longtemps disponible dans le commerce de détail.

 

On peut aussi supposer à la lecture du compte rendu de l'audience que le maire de Gée-Rivière a été cité à comparaitre pour... plusieurs infractions, une pour chaque tache de mauvaises herbes traitées !

 

La Dépêche rapporte aussi ce propos, sans doute de l'avocate, qui serait désopilant s'il ne décrivait pas le caractère ubuesque de la mise en cause de M. Pascal Baquié :

 

« Absurdité encore : on reproche au maire de ne pas avoir respecté le délai d'utilisation d'un produit... Ce qui impliquerait qu'il existe des règles d'utilisation pour un produit qu'il est interdit d'utiliser ! »

 

S'ajoutent, bien sûr, les frais d'avocat qui commencent à courir bien avant que le nom du client ne soit inscrit sur l'étiquette et que celle-ci soit collée sur le dossier.

 

Épilogue : la commune de Gée-Rivière a acheté une tondeuse... et elle perdra un maire aux prochaines élections.

 

Ces agents de l'OFB ont bien mérité de la Nation... une légion d'honneur ou l'ordre national du mérite peut-être ?

 

_________________

 

André Heitz est ingénieur agronome et fonctionnaire international du système des Nations Unies à la retraite. Il a servi l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) et l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Dans son dernier poste, il a été le directeur du Bureau de coordination de l’OMPI à Bruxelles.

 

Une version de cet article a été publiée à l'origine sur Atlantico.

 

 

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H
A comparer aux peines dérisoires frappant les destructeurs de bassines ou de champs expérimentaux par exemple. <br /> Selon que vous soyez de gauche ou non, les jugements de cour vous rendront blancs ou noirs...
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F
@bocal percé, il a été relaxé *partiellement*. Il a été condamné à des amendes.
B
Mais il a été relaxé bécassou !!!!
B
En vrai c'est plutôt grave et inquiétant qu'un élu ait utilisé un désherbant reconnu cancérigène dans un espace public non ? C'est à dire sans aucune précaution d'usage. Dans un champ tu as un délai de réentrée, ici dans un espace public qui contrôle que les gamins ou quiconque ne soit pas allé s'y frotter une heure après ?
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F
"un désherbant reconnu cancérigène"<br /> <br /> Non. Seul le CIRC a classé le glypho comme « probablement cancérogène pour l'homme » sur la base d'études très faibles.
U
Le problème est que ce désherbant n'est pas cancérigène comme certains ont réussi à vous faire croire.
B
C'est très bien ! L'OFB a fait son boulot, comme la Police doit le faire partout ! Et c'est une très bonne nouvelle, l'élu l'admet, ça lui sert de leçon, très bonne nouvelle ils ont acheté une tondeuse ! Et la toxicité de ce produit étant reconnue. Merci l'OFB pour cette action.
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J
dans un village voisin, une commerçante ,qui gère deux tabacs, profite d'un moment plus sec(il pleut de l'eau sèche depuis des semaines, mettant en danger les nappes phréatiques),pour traiter l'allée gravillonnée desa maison.<br /> Elle a déposé un petit bidon de roudup sur une pilastre, qui devait traîner sur une étagère, le produit n'étant plus vendu depuis longtemps.<br /> Passent deux pandores, qui avisent le bidon, constatent le délit, dressent procès verbal.<br /> Tribunal, le juge voit vert( le syndicat de la magistrature a un sérieux concurrent), condamnation à des travaux d'intérêt général, addition habituelle pour la prestation, la commerçante doit maintenant distraire quelques heures par semaine de son temps fort contraint à je ne sais quelle occupation débile<br /> On marche sur la tête, <br /> ben oui
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F
Moralité: si vous avez encore du roundup en stock quelque part, restez discret...