La Miviludes et les dérives sectaires « agricoles » dans l'enseignement et la recherche
Et bravo, Cyril ! Bravo Géraldine !
La Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires (Miviludes) a publié son rapport d'activité 2022-2024.
Ce rapport de 240 pages à la couverture austère est décliné en quatre parties, après les introductions d'usage :
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L'activité de la Miviludes et de ses partenaires ;
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Les dérives sectaires : un phénomène d'emprise mentale à l'origine de dommages particulièrement graves ;
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Des dérives sectaires en expansion et aux formes renouvelées ;
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Contributions des pouvoirs publics, associations spécialisées, représentants des cultes et experts.
Dans la partie 3, sous D, « L'éducation parfois "infiltrée" », la Miviludes a abordé le domaine de l'enseignement agricole, ainsi que de la recherche :
« Ces observations critiques en rejoignent d’autres, faites à l’égard de certains diplômes et études supérieures : plusieurs spécialistes s’alarment de la confusion croissante opérée dans certains enseignements, entre science et concepts ésotériques, notamment issus de l’anthroposophie.
Une soixantaine de scientifiques et d’agriculteurs ont dénoncé pour leur part, dans une tribune207, les liens entre des chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou de l’Université de Strasbourg et les défenseurs de la biodynamie208, pratique anthroposophique aujourd’hui largement développée. Les auteurs de cette tribune dénoncent notamment l’intervention de chercheurs de ces institutions publiques lors de conférences à l’initiative du mouvement pour l’agriculture biodynamique (MABD) et la rédaction d’articles à prétention scientifique et légitimant des croyances ésotériques présentées sous forme de concepts pseudoscientifiques (ex. la "conscience quantique"). »
La tribune (la note 207), c'est « Agriculture biodynamique : "Nous dénonçons les liens entre la recherche publique et un mouvement philosophico-religieux" », publiée par le Point, le 2 février 2024.
La note suivante définit la biodynamie :
« L’agriculture biodynamique, également appelée biodynamie, est un système de production agricole, reposant en partie sur des concepts ésoté riques (influence de la Lune et d’astres sur les cultures, "forces cosmiques", de la "vie et de l’astral" volonté de "réenchanter" l’agriculture) présentés lors d’une série de conférences données par Rudolf Steiner en 1924. »
Il y aurait, certes, beaucoup plus à dire – par exemple sur les « formations » proposées par les Chambres d'Agriculture » –, mais on ne peut que se réjouir de cette sorte de rappel à l'ordre de trois institutions de recherche et d'enseignement.
On ne peut toutefois pas passer sous silence le fait que des médias sont aussi perméables à la dérive sectaire. Le rapport d'activité portant sur la période 2022-2024, il était sans doute difficile de citer la série d'articles que le Monde a publiés en juillet 2021, largement considérés comme une apologie des divagations de Rudolf Steiner et de ses disciples. Le 17 décembre 2024, il publiait encore « "Les Etres de la vigne" : la biodynamie, cosmopolitique d’une autre modernité »... Rien que le titre !
Le Figaro, rubrique « vin », n'est pas non plus imperméable au charlatanisme, en témoigne par exemple ce « Un film pour (enfin) comprendre le vin en biodynamie », du 30 janvier 2025 (en dehors de la période couverte par le rapport).
À sa décharge, toutefois, ce « Dix ans dans des vignobles en biodynamie : "On enterrait des cornes de vache remplies de bouse parce que c’était des antennes vers le cosmos" », relatant les « exploits » passés de « Camille Biodynamite ».
En tout cas, un grand merci à M. Cyril Gambari, qui a été à l'origne de la tribune, et à Mme Géraldine Woessner, rédactrice en chef, du Point, qui l'a accueillie.