Une bonne gestion de l'eau est un moyen de lutter contre l'inflation alimentaire
Ted Sheely, Réseau Mondial d'Agriculteurs*
Le soleil est d'abord devenu rouge. Puis il a disparu dans la fumée des incendies sur la côte.
Je roulais dans la campagne californienne, en direction de ma ferme dans la Central Valley, et à près de cent kilomètres de distance, j'ai assisté à la dévastation près de Los Angeles.
Vous avez vu les images terribles des brasiers de Pacific Palisades, d'Altadena et d'ailleurs. Vous avez peut-être entendu les dernières statistiques horribles : plus de 50.000 hectares réduits en cendres, des milliers d'habitations et d'entreprises détruites et une vingtaine de morts.
Il s'agit de l'une des pires catastrophes de l'histoire des États-Unis. Je suis de tout cœur avec tous ceux qui ont souffert et perdu.
En même temps, je ne peux m'empêcher de penser que la situation n'aurait pas dû être aussi grave.
La Californie a mal géré son eau pendant des décennies et notre État ne semblait pas disposer d'une quantité suffisante d'eau au moment où les gens en avaient le plus besoin. Un réservoir de 117 millions de gallons [440.000 mètres cubes] situé dans la zone de l'incendie était vide, en raison de réparations qui auraient dû commencer il y a près d'un an. Le gouverneur a demandé une enquête.
Notre problème d'eau est vaste et profond, et je l'ai vu de près en tant qu'agriculteur.
Commençons par reconnaître que toutes les catastrophes ne sont pas évitables et que la gestion de l'eau est complexe.
Reconnaissons également qu'en Californie, nous pouvons faire beaucoup mieux – et il fut un temps où nous le faisions.
En 1977, alors que j'ai commencé à travailler comme agriculteur, la Californie a connu l'année la plus sèche jamais enregistrée. Il n'a tout simplement jamais plu. Il était donc difficile de faire pousser des cultures.
Pourtant, j'ai reçu une allocation d'eau du système de réservoirs et d'irrigation de l'État. J'ai reçu 25 % de ce que j'aurais utilisé au cours d'une année normale – ce n'est pas beaucoup, mais c'est une bouée de sauvetage dans une période difficile.
Si la même chose devait se produire aujourd'hui – une année sans pluie – je n'aurais probablement pas de chance.
En effet, les écologistes sont entrés en scène, avec leurs litiges et leurs lobbyistes. Ils ont détourné une énorme quantité d'eau californienne des besoins humains, qui vont des boissons et des douches dans les villes à l'alimentation des cultures dans les fermes.
Selon le Public Policy Institute of California, plus de 80 % de l'eau californienne est destinée à des usages « environnementaux ». Cela signifie qu'elle s'écoule dans les rivières et les ruisseaux et qu'une grande partie se jette dans l'océan. Lorsque quelqu'un propose d'exploiter cette ressource, les écologistes hurlent leurs objections, invoquant l'importance de l'éperlan du delta, un poisson ressemblant à un vairon qui nage dans nos cours d'eau et qui est actuellement une espèce en voie de disparition.
Seulement 15 % de l'eau californienne est investie dans l'agriculture – une quantité modeste si l'on considère ce qu'elle apporte en termes de sécurité alimentaire et d'économie. Les agriculteurs et les consommateurs dépendent de cette ressource. Il en va de même pour les ouvriers qui construisent les tracteurs et les employés des épiceries qui mettent les fruits et légumes sur les étals.
Nous entendons constamment des mises en garde sérieuses contre ce que l'on appelle la « désinformation ». Pour être honnête, les réseaux sociaux ont alimenté de folles théories du complot sur les incendies en Californie. Flash info : il s'avère que l'on ne peut pas croire tout ce que l'on lit sur Internet.
Pourtant, les médias rapportent souvent des informations erronées et préjudiciables, colportées par des activistes : l'affirmation selon laquelle les agriculteurs accaparent la grande majorité de l'eau de Californie. Pendant des années, j'ai combattu cette idée fausse, mais elle persiste, en particulier lorsque des personnes qui ne connaissent pas grand-chose à l'eau de la Californie parlent de l'eau de la Californie.
Voici la réalité. Je ne reçois pas autant d'eau que je le souhaiterais. Cette année, je m'attends à ce qu'environ 30 % de ma ferme soit en jachère, ce qui signifie que je n'essaierai même pas d'y faire pousser quoi que ce soit parce que je n'ai pas assez d'eau. Certaines années, je suis obligé de laisser 60 % de mon exploitation en jachère.
Ce ne sont pas de mauvaises années. Ce sont des années typiques. La Californie bénéficie d'un excellent climat pour la production de denrées alimentaires, mais nous renonçons à son potentiel parce que nous négligeons l'eau. L'un des moyens de lutter contre l'inflation des prix des denrées alimentaires, qui a touché de nombreuses familles de travailleurs ces derniers temps, est de produire davantage de denrées alimentaires.
Cela signifie que nous avons besoin de plus d'eau.
Et nous devrions en avoir : au fil des ans, les électeurs ont voté des emprunts obligataires pour développer le stockage et le transport de l'eau. Pourtant, nous n'avons pratiquement rien construit, grâce aux écologistes qui s'opposent à toute tentative d'amélioration de la gestion de nos ressources naturelles.
Notre classe politique a ignoré cette crise pendant trop longtemps.
Nous avons besoin d'un regard neuf sur ce problème et peut-être que la calamité des récents incendies nous poussera à trouver des solutions qui mettront enfin les gens au premier plan.
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* Ted Sheely
Ted produit de la laitue, du coton, des tomates, des oignons, des pistaches, des raisins de cuve et de l'ail dans une ferme familiale. Président d'Horizon Growers (pistaches). Intérêt et investissement de longue date dans la disponibilité et la qualité de l'eau. Il a reçu le prix de l'innovation en matière de conservation de l'eau. Ted est membre bénévole du conseil d'administration du Global Farmer Network (Réseau Mondial d'Agriculteurs).
Source : Good Water Management is One Way to Fight Food Inflation – Global Farmer Network