« Qualité des sols » : un publireportage des Échos délirant
Les Échos ont publié un article qui ressemble fort à un publireportage au titre anxiogène. Mme Marine Tondelier, secrétaire nationale d'EÉLV, s'est – évidemment – précipitée. Tout comme Mme Aurélie Trouvé (LFI), avec un post sur X grossièrement faux !
L'entreprise Genesis a été fondée sur des bases rationnelles – issues des délires bureaucratiques européens – et, tout compte fait, l'article des Échos ne lui rend pas service.
Les Échos ont publié le 26 mars 2025 un article, « La nouvelle étude qui inquiète sur la qualité des sols français » qui ressemble fort à un publireportage au bénéfice d'une entreprise, Genesis.
En chapô :
« Les terres arables sont en mauvaise santé, révèle le premier baromètre de la qualité des sols en France, publié ce mercredi par l'entreprise Genesis. En cause ? les pratiques agricoles et le changement climatique. Etat des lieux. »
L'étude « inquiète » ? C'est donc une mauvaise nouvelle qui, médiatiquement parlant, est une bonne nouvelle.
Remarquons toutefois que les annonces de l'apocalypse sur la santé déclinante des sols – voire de leur « stérilisation » ou même de leur « mort » – abondent. Mais on peut toujours attirer le chaland avec une nouvelle annonce, pourvu qu'elle arrive quelque temps après la précédente (quand les hypocondriaques de l'environnement l'auront oubliée) et, si possible, qu'elle ait un petit air d'originalité.
Cet article a donc attiré Mme Marine Tondelier, secrétaire nationale d'EÉLV, dont le fonds de commerce, sur ce plan, est abondamment fourni en prévisions de catastrophes inéluctables – le rayon « solutions », en particulier réalistes, étant en revanche désespérément vide.
(Source)
Nous voilà donc confrontés à un nouveau concept : la « maltraitance environnementale » des sols...
Mme Aurélie Trouvé a aussi été inspirée... et a bien sûr trouvé – sur le mode du trouble obsessionnel compulsif – un coupable, le gouvernement...
(Source)
...très mal inspirée, car c'est grossièrement faux (à en croire l'entreprise Genesis citée par les Échos) !
« Résultat ? Seule la moitié des sols – 48 % précisément, soit 17 millions d'hectares sur les 35 millions d'hectares de terres cultivées et de forêts - sont considérés comme en bon état et résilients, et 35 % en état de dégradation modérée. Plus préoccupant, 15 % sont en état de dégradation avancée et 2 % en état critique. Ce qui signifie, pour ces deux dernières catégories, que les fonctions essentielles du sol ne sont plus assurées et qu' "il est urgent de changer la façon dont ils sont exploités", souligne Genesis. »
D'étonnantes données
Les Échos nous livrent une carte produite par l'entreprise Genesis.
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À l'en croire, au vu de la répartition des zones rouges et roses, et des zones grises, la situation n'est pas vraiment dramatique... Et il y a du gris dans les zones les plus productives de France...
Qu'il faille rester serein – tout en ne niant pas l'existence de problèmes et la nécessité d'y remédier –, c'est ce qu'indique aussi un graphique du site de Genesis (en haut de page).
Mais les chiffres sont différents !
Et, plus bas sur le site, on apprend que plus de 60 % des sols sont dégradés ou très dégradés. On peut penser – en tout cas, je formule l'hypothèse – que c'est dans le monde, selon des entités qui trouvent intérêt à balancer de tels chiffres. Mais ce n'est pas précisé sur la page.
Revenons à la carte : il suffit bien évidemment d'une tache de gris pour se dire inquiet ou pour parler de maltraitance...
Mais faut-il les croire, cette carte et le – très mystérieux et apparemment introuvable – « premier baromètre de la qualité des sols forestiers et agricoles en France » ? Bien sûr que non ! Le genre de généralisation qu'ils impliquent prête au mieux à sourire.
Ainsi, les données propres de Genesis (12.000 échantillons de sol, paraît-il) représentent en gros un échantillon pour 45 kilomètres carrés, ou 4.500 hectares, ou encore quelque 65 exploitations agricoles si toute cette surface était dévolue à l'agriculture.
Il y a beaucoup à redire sur cet article. Notons le plus important :
« Des pratiques inadaptées - labour profond, utilisation de pesticides, monoculture - peuvent en effet accentuer certains risques, comme l'érosion et les glissements de terrain, mais aussi l'acidification du sol, la salinisation ou la perte de carbone. »
Les pesticides... coupables systématiques ! Même pour les glissements de terrains... La « monoculture »... on aimerait connaître son importance en France !
« "En trois ans, avec des pratiques agricoles différentes, on peut déjà constater des résultats positifs", témoigne Quentin Sannié. Grâce à la rotation des cultures, aux couverts végétaux permanents et à la fertilisation à la fois minérale et organique, la qualité des sols peut en effet être améliorée. »
On (re-)découvre l'eau chaude ! Mais en trois ans ?
« Parfois, le changement est plus radical, comme dans cette exploitation accompagnée par Genesis qui est passée du maïs en quasi-monoculture à celle des amandiers en bio en Haute-Garonne. "Si on veut agir, il faut mesurer. Et cette évaluation devrait être généralisée", plaide Quentin Sannié. »
Généralisons la culture des amandiers...
(Source)
En fait non : c'est « Venez acheter nos services »...
Mais vous pouvez aussi investir dans l'entreprise, qui semble exhaler des relents de greenwashing (voir la page dédiée et le bandeau défilant d'entreprises).
Le site web de Genesis n'est pas très informatif. Il a fallu chercher ailleurs.
Le lien de filiation nous est donné par la Ferme Digitale.
Champs d'Innovation nous a livré une petite vidéo de présentation.
La dernière capture de Greenback par Archive.org nous renvoie à une URL Genesis.live.
Pourquoi les informations données sur ce site ne figurent-elles pas sur le site actuel ? Mystère.
En tout cas, l'entrée en matière est intéressante et nous renvoie au greenwashing.
« A partir de 2024, les entreprises doivent prouver leur vigilance environnementale.
Depuis cette année, une batterie de nouvelles réglementations européennes vient tout changer dans votre reporting d'impact environnemental.
Soyez prêts, soyez irréprochables, avec Genesis. »
...fondé sur les délires bureaucratiques européens
Cette mise en route nous renvoie à une page qui vaut vraiment lecture, « En Europe, quatre révolutions réglementaires à venir pour les reportings environnementaux liés à l’agriculture ».
Les quatre révolutions sont la CSRD (Corporate Sustainable Reporting Directive), Farm to Fork, la Soil Law, et la Carbon Farming Directive.
Ce descriptif n'est plus entièrement d'actualité, l'Union Européenne ayant pris un virage politique serré et découvert une « boussole de compétitivité ». Quoique... la résilience et l'obstination bureaucratiques sont de mise même quand il s'agit d'aller dans le mur. Il y a des projets dont on sent bien qu'ils ne sont que mis en sommeil.
En tout cas, ce texte montre que l'entreprise a été fondée sur des bases très rationnelles. En fournissant des informations d’impact environnemental normalisée sur une base rationnelle (dont on peut évidemment discuter), elle ambitionnait d'éviter le greenwashing issu de bricolages... tout en contribuant au greenwashing institutionnel européen.
Et l'article des Échos ne lui rend pas service.
Sur une autre page, on apprend que Genesis coopère avec l'Union Européenne, notamment pour définir les indicateurs de santé des sols, BENCHMARKS.
BENCHMARKS = Building a European Network for the Characterisation and Harmonisation of Monitoring Approaches for Research and Knowledge on Soil.
Chapeau !