Pourquoi les agriculteurs ont besoin du commerce, de la technologie... et de la confiance

Pourquoi les agriculteurs ont besoin du commerce, de la technologie... et de la confiance

Judith de Vor, Réseau Mondial d'Agriculteurs*

Les agriculteurs dépendent du commerce et de la technologie, mais ni l'un ni l'autre ne peuvent réussir pleinement sans la confiance.

La confiance est le socle sur lequel reposent le commerce et la technologie. Pour faire circuler des biens et des services au-delà des frontières, il faut faire confiance à ses partenaires commerciaux. Pour bénéficier de l'innovation, il faut faire confiance aux personnes qui développent et utilisent les nouvelles technologies.

Les agriculteurs dépendent de la confiance de manière encore plus fondamentale. Nous devons gagner la confiance des consommateurs qui dépendent de nous pour leur alimentation. Ils doivent être convaincus que nous produisons des aliments sûrs et sains en tant que producteurs de denrées alimentaires, mais aussi en tant que gardiens de la terre et d'un système alimentaire stable.

Aujourd'hui, la plus grande menace qui pèse sur le commerce et la technologie – et sur l'agriculture elle-même – est peut-être la perte de confiance généralisée dans presque tous les domaines.

Quel que soit l'endroit où nous vivons, la politique est polarisée. Les élections sont parfois amères. Les réseaux sociaux ne sont pas si sociaux que cela, et ils peuvent être une source d'indignation. Nous voyons de plus en plus le monde et ses défis en noir et blanc, sans laisser de place aux gris qui représentent les nuances et les incertitudes de la vie réelle.

Il n'est peut-être pas surprenant que la confiance ait chuté dans l'ensemble des pays développés. Dans l'Union Européenne comme aux États-Unis, les gens n'ont plus autant confiance dans les dirigeants politiques, le gouvernement, les entreprises, les médias ou les écoles qu'il y a une génération.

La bonne nouvelle, c'est que la plupart des gens font encore confiance aux agriculteurs. Dans un sondage, 84 % des Américains ont déclaré faire confiance aux agriculteurs. Dans une autre enquête sur la confiance en 2022, les agriculteurs ont obtenu une note de 5,6 sur une échelle de 7,0, alors que le gouvernement n'a obtenu que 3,6.

En tant qu'agricultrice aux Pays-Bas, j'aime à penser que les gens ont confiance en nous, en ce que nous faisons et en ce que nous disons parce que nous avons fait ce qu'il fallait pour le mériter – bien que vous puissiez avoir une impression différente lorsque vous ouvrez un journal. Je sais par expérience, en discutant avec les visiteurs de notre ferme, que les gens font encore confiance aux agriculteurs. Et il est de notre devoir de nous ouvrir à eux.

Cette confiance nous donne une occasion remarquable et une obligation de nous exprimer et de participer aux débats sur les règles, les réglementations et les attitudes publiques qui entourent le commerce et la technologie.

Le commerce est une bouée de sauvetage pour les agriculteurs et les consommateurs qui dépendent de nous. Il nous permet d'accéder à des marchés au-delà de notre ville ou de notre pays, ce qui garantit des prix équitables et une résistance aux chocs du marché local. Il nous permet, à moi et à d'autres producteurs laitiers néerlandais, d'exporter nos excédents de lait, de fromage et de lait en poudre pour bébés, qui sont de très bonne qualité et sûrs. Pendant ce temps, notre pays peut importer des bananes, que notre climat ne permet pas de produire mais que les consommateurs veulent quand même acheter dans les magasins d'alimentation.

Nous devons également avoir accès aux meilleures technologies, y compris l'intelligence artificielle et la robotique. La technologie et les outils modernes nous permettront de maximiser le rendement et de réduire l'impact sur l'environnement. Peu importe que vous soyez un petit agriculteur du Kenya ou un grand agriculteur commercial d'Australie, nous avons besoin de la technologie pour rendre l'agriculture plus durable, en la soutenant alors que nous nous adaptons aux défis et que nous renforçons notre résilience. Nous produisons déjà plus de nourriture sur moins de terres que jamais auparavant, et tout progrès supplémentaire nécessitera l'acceptation d'une science solide et d'une technologie sûre.

Si nous ne parvenons pas à défendre le commerce et la technologie, les agriculteurs pourraient devenir les prochaines victimes de la crise de confiance mondiale, et tout le monde en subira les conséquences désastreuses.

Les politologues font la distinction entre les « sociétés à forte confiance » et les « sociétés à faible confiance ». Ils ont accumulé un grand nombre d'études sur ce sujet, lequel soulève des questions sur les valeurs éthiques partagées, les variétés de parenté et les formes de gouvernance.

La conclusion est cependant simple : Les gens ont beaucoup plus de chances de s'épanouir dans des sociétés où la confiance est élevée.

Les sociétés à faible niveau de confiance se caractérisent par des bureaucraties vastes et oppressives, ainsi que par des niveaux de prospérité plus faibles.

« Les personnes qui ne se font pas confiance finiront par coopérer uniquement dans le cadre d'un système de règles et de règlements formels, qui doivent être négociés, acceptés, contestés et appliqués, parfois par des moyens coercitifs », a écrit Francis Fukuyama dans son livre “Trust”, paru en 1995. « En d'autres termes, la méfiance généralisée dans une société impose une sorte de taxe sur toutes les formes d'activité économique, une taxe que les sociétés à forte confiance n'ont pas à payer. »

Les gens ordinaires peuvent faire confiance aux agriculteurs, mais ils ne font pas tous confiance aux personnes qui nous gouvernent. La perte de confiance généralisée dans les institutions publiques a eu pour effet de priver les agriculteurs de la possibilité de commercialiser ce qu'ils cultivent et d'adopter de nouvelles technologies favorisant la sécurité alimentaire et la conservation des ressources. Nous sommes assaillis par les interdictions du protectionnisme et plus souvent étranglés par la menace de la bureaucratie.

Les agriculteurs ont besoin d'alliés pour soutenir le commerce et la technologie et, en particulier, nous avons besoin de dirigeants politiques qui s'approprient notre combat. Nous avons besoin de dirigeants qui accordent la priorité à des intérêts et des valeurs communs et qui sont capables de les formuler. Un dialogue ouvert est nécessaire, aujourd'hui et à long terme.

Les agriculteurs peuvent jouer un rôle important en collaborant avec les gouvernements, le secteur privé et les consommateurs pour instaurer la confiance. Cela nécessite une volonté d'écoute, un dialogue ouvert, de l'éducation et un accent mis sur les valeurs communes.

Lorsque le commerce, la technologie et la confiance s'allient, nous disposons des trois piliers nécessaires à une agriculture résiliente. Cela aidera les agriculteurs à faire le meilleur travail possible, à produire des aliments pour nourrir le monde, à protéger la planète et à être la colonne vertébrale de nos communautés.

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* Judith de Vor

Judith de Vor représente la cinquième génération de la ferme familiale, Elihoeve, qui est connue pour donner la priorité au bien-être des animaux, à la santé des sols et à la gestion de l'environnement, et qui comprend un bâtiment éducatif qui accueille des milliers de visiteurs chaque année. Judith est une défenseuse de l'agriculture, une innovatrice sociale et une organisatrice d'événements nationaux. Judith est une chercheuse agricole internationale Nuffield et une ambassadrice de Team Agro NL. Elle est diplômée en économie, en administration publique, en sciences politiques et en agroalimentaire, et a participé à de nombreux programmes d'agronomie, de sciences animales et de leadership. www.Elihoeve.nl

Source : Why Farmers Need Trade, Technology…..And Trust – Global Farmer Network