Participer à un avenir durable et prospère pour la culture du riz
V. Ravichandran, Réseau Mondial d'Agriculteurs*
Je me prépare à récolter un riz révolutionnaire.
Il augmentera les rendements, réduira les coûts de main-d'œuvre, protégera les sols, conservera l'eau et luttera contre le changement climatique.
Il est difficile de croire qu'une seule culture puisse accomplir autant, mais c'est la nouvelle réalité et l'avenir de la culture du riz en Inde.
Le monde a besoin de cette innovation. Le riz est l'aliment de base de plus de la moitié de la population mondiale. C'est pourquoi rien ne peut avoir un impact positif plus important sur l'agriculture qu'une amélioration de la production de riz.
Nous devons cette avancée remarquable à une technologie révolutionnaire qui donne aux plantes de riz une capacité unique à vaincre les mauvaises herbes. Il s'agit du HTR, abréviation de « herbicide-tolerant rice » (riz tolérant à un herbicides). Utilisé en conjonction avec le semis direct, il promet de permettre aux riziculteurs comme moi d'atteindre de nouveaux niveaux de productivité et de durabilité.
Il permet également d'éviter un différend qui a retardé les progrès agricoles dans les pays en développement.
Jusqu'à récemment, la plupart des cultures tolérantes à des herbicides utilisaient la technologie des OGM. Les scientifiques ont modifié leur génétique pour qu'elles résistent aux herbicides que les agriculteurs utilisent pour lutter contre les mauvaises herbes, qui volent l'humidité et les nutriments des cultures dont nous avons besoin. La biotechnologie appliquée de cette manière a transformé la façon dont les agriculteurs produisent le coton, le maïs et le soja, les aidant à cultiver plus de plantes sur moins de terres que jamais auparavant.
Le HTR est toutefois différent. Le caractère de tolérance à un herbicide a été introduit à l'aide de la technologie de sélection conventionnelle que les agriculteurs utilisent depuis des millénaires pour créer les céréales, les légumes et les fruits les plus populaires et les plus familiers. La plupart de nos cultures ont évolué par le biais de la sélection conventionnelle d'une manière qui les rend incapables desurvivre dans la nature. Pourtant, elles s'épanouissent sous la conduite d'un agriculteur.
La révolution du riz n'est que la dernière réussite en date de cette fière histoire. Elle a commencé lorsque des chercheurs du Conseil Indien de la Recherche Agricole ont appris à ajouter le caractère de tolérance à un herbicide au riz basmati, largement cultivé dans le nord de l'Inde. J'ai alors annoncé que j'espérais que le HTR s'étendrait au riz non basmati que nous cultivons dans les régions méridionales de l'Inde.
Il s'avère que je n'ai pas eu à attendre longtemps. Les scientifiques de l'Université Agricole du Tamil Nadu ont rapidement introduit la technologie HTR dans une variété de riz non basmati déjà connue des riziculteurs, en utilisant la technologie de sélection conventionnelle. En septembre dernier, je suis devenu l'un des premiers agriculteurs à semer une variété HTR dont le nom technique est Co51. Je compte la récolter d'ici le 10 février.
Je dispose ainsi d'un nouvel outil extraordinaire pour produire du riz, et il est encore meilleur parce que je l'ai associé à une technique de semis direct, dans laquelle nous semons notre riz directement dans les champs où nous le récolterons, plutôt que de le démarrer dans une pépinière et de le transplanter dans les champs plus tard. Cela me permet de récolter jusqu'à 10 jours plus tôt que les autres approches.
Le HTR et le semis direct se combinent pour offrir un large éventail d'avantages. L'un d'eux est le simple fait qu'ils nécessitent beaucoup moins d'efforts pour protéger le riz des mauvaises herbes. Cela permet de réduire les coûts et de libérer les travailleurs manuels pour qu'ils s'adonnent à d'autres activités.
Mais ce qui est encore mieux, c'est que cette nouvelle méthode de culture du riz nécessite beaucoup moins d'eau.
La méthode traditionnelle de lutte contre les mauvaises herbes pour les riziculteurs consiste à inonder les champs. Cette méthode est efficace, mais elle a un coût. Cela commence par l'eau elle-même, qui est aujourd'hui l'une de nos ressources naturelles les plus sollicitées. Ensuite, il y a les effets secondaires. Le poids massif de ces déluges – environ 200 kg par mètre carré [ma note : une hauteur d'eau de 20 cm] – écrase le sol, altérant sa structure physique et empêchant l'aération. Enfin, les champs inondés d'eau stagnante émettent du méthane, un gaz à effet de serre qui contribue au changement climatique.
Grâce à la synergie entre le semis direct et le HTR, nous économisons l'eau, nous protégeons le sol et nous relevons le défi de l'émission de méthane, qui contribue au changement climatique.
Les avantages de la technologie HTR et du semis direct sont si convaincants que je m'attends à ce que les agriculteurs de toute l'Inde modifient les fondements de leur culture du riz. Tout le monde n'a pas la volonté ou la capacité de devenir un adoptant précoce, et cela peut donc prendre quelques saisons. Voir, c'est croire, et le succès est contagieux.
Malheureusement, des activistes ont déjà commencé à s'opposer au HTR. Ces militants font passer la politique avant la science et ont causé beaucoup de tort dans les pays en développement, en particulier en Inde, où ils ont suscité un scepticisme regrettable et bloqué les progrès dans des cultures telles que le brinjal [aubergine] et la moutarde, au détriment des agriculteurs et des consommateurs.
Les instituts publics et privés doivent collaborer pour éduquer les agriculteurs sur les nuances de cette technologie révolutionnaire et dissiper les mythes propagés par l'activisme anti-science.
Notre révolution rizicole sera alors la nouvelle norme dans l'agriculture, assurant un avenir durable et prospère à la culture du riz.
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* V. Ravichandran, agriculteur, Tamil Nadu, Inde
Sur une ferme de 24 hectares, Ravi cultive du riz, de la canne à sucre, du cotonnier et des légumineuses. Pour utiliser l'eau judicieusement pendant les mois d'été, il utilise des arroseurs et un système de goutte à goutte. A ajouté la mécanisation pour faire face à la pénurie de main-d'œuvre ; 12 employés. Lauréat du prix Kleckner – 2013. Ravi est membre bénévole du conseil d'administration du Réseau Mondial d'Agriculteurs (Global Farmer Network).
Source : Participating in a Sustainable and Prosperous Future for Rice Cultivation – Global Farmer Network