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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Science poubelle, achetée et payée : la dernière « étude » anti-vaccins est un coup politique

11 Février 2025 Publié dans #Vaccins, #Article scientifique, #Activisme

Science poubelle, achetée et payée : la dernière « étude » anti-vaccins est un coup politique

 

Andrea Love, ACSH*

 

 

Généré par l'IA

 

 

Imaginez que l'on ressuscite un mythe depuis longtemps démenti, qu'on l'enrobe d'une nouvelle couche de pseudoscience et qu'on le balance juste à temps pour influencer l'opinion publique avant une audience politique majeure. C'est exactement ce qui s'est passé avec une nouvelle « étude » affirmant qu'il existe un lien entre les vaccins et l'autisme. Cependant, ce papier n'est pas une recherche révolutionnaire ; c'est un coup soigneusement orchestré, habillé de jargon scientifique, financé par des militants anti-vaccins et truffé de failles méthodologiques suffisamment importantes pour y faire passer un camion d'hydroxychloroquine périmée.

 

 

Une étude récemment publiée est largement diffusée, censée démontrer un lien entre les vaccins et l'autisme. Un examen plus approfondi des méthodes, de la revue, des auteurs et des bailleurs de fonds révèle une autre histoire. L'étude intitulée « Vaccination and Neurodevelopmental Disorders : A Study of Nine-Year-Old Children Enrolled in Medicaid » (vaccination et troubles du développement neurologique : une étude sur des enfants de neuf ans bénéficiant de Medicaid) ne montre pas de lien entre les vaccins et l'autisme.

 

L'étude ne peut rien conclure sur les vaccinations et les troubles du développement neurologique. Pourtant, elle a été promue par RFK Jr et ses collègues – qui ont profité de la désinformation anti-vaccins pendant des décennies – dans leur dernière tentative de saper des décennies de données qui montrent qu'il n'y a pas de relation de cause à effet entre les vaccinations et l'autisme.

 

Par coïncidence, cet article a été publié le vendredi 24 janvier 2025, juste à temps pour les auditions du Sénat concernant la confirmation potentielle de RFK Jr au poste de secrétaire à la santé et aux services sociaux, qui ont débuté le 29 janvier. Le timing semble intentionnel : légitimer les allégations anti-vaccins pour faciliter son installation à la tête de l'État fédéral.

 

 

De graves lacunes méthodologiques

 

Cet article est un excellent exemple de corrélation, laquelle n'est pas synonyme de causalité. Il s'agit d'une étude observationnelle – les données sont « observées » pour y déceler des tendances. Les données ne sont pas contrôlées, de sorte qu'il est impossible d'évaluer l'impact d'une variable (les vaccins) sur l'autre variable (les troubles du développement neurologique ou TDN) ou même le lien entre les deux.

 

Plus important encore, les méthodes utilisées présentent de sérieuses lacunes.

 

L'ensemble des données est constitué des demandes de remboursement par Medicaid pour les enfants de Floride entre 1999 et 2011. En bref, il s'agit de reçus de paiements Medicaid pour des services de santé admissibles. Les auteurs ont comparé les codes de facturation liés aux visites médicales de vaccination et ceux qui peuvent ou non être liés aux diagnostics de troubles neurodégénératifs, y compris les troubles du spectre autistique (TSA).

 

Les auteurs n'ont pas analysé, traité ou même reconnu les facteurs de confusion importants :

 

  1. Les parents qui font vacciner leurs enfants sont plus enclins à se faire soigner. Cela signifie que ces enfants sont également plus susceptibles d'être vus par des prestataires de soins de santé pour évaluer et diagnostiquer les troubles du spectre autistique. En revanche, les parents qui ne font pas vacciner leurs enfants ne consultent pas régulièrement les prestataires de soins de santé ou s'adressent à des « praticiens » qui offrent des services non couverts par Medicaid (naturopathes, homéopathes, etc.). Si les parents n'amènent pas leurs enfants chez le médecin, ceux-ci ne seront pas diagnostiqués comme souffrant de TSA ou de troubles apparentés.

 

  1. Les auteurs ignorent les améliorations apportées à la reconnaissance et au diagnostic des TDN à la suite de la publication du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux, 4e édition (DSM-IV-TR) en 2000. Le DSM-IV-TR a clarifié la manière d'identifier et de diagnostiquer les TSA sur la base de critères élargis, ce qui a entraîné une augmentation des taux de TSA grâce à la reconnaissance de cas aux présentations moins stéréotypées. Pourquoi les auteurs ont-ils mentionné ce changement sans pour autant le corriger ? Ils n'ont même pas fait référence aux taux de base de TSA après cette clarification. Si vous êtes curieux, la prévalence des TSA au niveau de la population est passée de 1,16 % en 2007 à 2,00 % en 2011, soit la même ampleur que ce que les auteurs « démontrent » que les vaccins causent l'autisme.

 

  1. Aucune correction n'a été apportée pour tenir compte des problèmes de santé qui prédisposent aux TDN. Leur pitoyable « analyse » des données sur les naissances prématurées omet les comorbidités liées aux naissances prématurées, les antécédents familiaux de TDN et d'autres facteurs connus pour être liés aux TDN.

 

  1. La population est constituée d'enfants inscrits au programme Medicaid de Floride, un groupe géographique et socio-économique spécifique présentant des caractéristiques uniques. Les familles à faible revenu et aux ressources limitées peuvent ne pas avoir accès à des spécialistes pour des problèmes médicaux complexes. Cela signifie qu'il n'est pas possible de généraliser à une population plus large ayant un accès plus régulier aux soins de santé, même si les données étaient utilisables.

 

  1. Il n'existe aucune information sur le nombre et la nature des vaccins administrés. Les informations proviennent des codes généraux de facturation des visites médicales liées aux vaccinations, ce qui ne permet pas de confirmer l'administration réelle des vaccins. Les auteurs écrivent que les enfants non vaccinés sont entièrement non vaccinés, mais ils le supposent en se basant sur l'absence de codes de facturation Medicaid. L'absence de preuve n'est pas la preuve de l'absence – peut-être la famille ne bénéficiait-elle pas de Medicaid lorsque les enfants ont été vaccinés, puis s'est qualifiée pour Medicaid et en a fait la demande ? L'ensemble des données n'est pas pertinent.

 

 

Le journal appartient à une organisation anti-vaccins fondée par le rédacteur en chef

 

Vous ne serez peut-être pas surpris d'apprendre que cette « revue » n'est pas une revue scientifique crédible. James Lyons-Weiler, le rédacteur en chef, l'a fondée par l'intermédiaire de sa société, IPAK-EDU LLC. Lyons-Weiler fait depuis longtemps de fausses déclarations sur les vaccins contre la Covid-19 et les vaccins en général et a ouvertement déclaré qu'il sauvait des « articles rétractés à tort ».

 

Lui et les autres rédacteurs sont des militants anti-vaccins notoires qui ont un point commun important. Voyez si vous pouvez le repérer.

 

  • Lyons-Weiler est rédacteur en chef de la revue et figure sur la liste des auteurs de Children's Health Defense (CHD).

     

  • Brian Hooker est directeur scientifique de Children's Health Defense et rédacteur en chef d'une autre revue anti-vaccins.

     

  • Peter McCullough est un ancien cardiologue qui s'est vu retirer sa licence médicale pour avoir tenu des propos anti-vaccins. Il est l'un des auteurs de Children's Health Defense.

     

  • Mary Holland est avocate et directrice générale de Children's Health Defense.

     

  • Russell Blaylock est un neurochirurgien à la retraite et un auteur de Children's Health Defense.

     

  • Paul Thomas est un ancien pédiatre dont la licence a été suspendue en 2021. Il entretient des liens étroits avec Children's Health Defense et a déclaré qu'il serait « d'accord pour ne pas faire vacciner ses petits-enfants ».

 

 

Le point commun entre RFK Jr et la Children's Health Defense est qu'il s'agit de l'organisation qui a gagné 23,5 millions de dollars en 2022 en promouvant de fausses allégations sur les vaccins, RFK Jr ayant reçu plus de 500.000 dollars et Mary Holland 180.000 dollars directement de CHD cette année-là.

 

 

Les auteurs ont l'habitude de rédiger des études erronées qui minent les vaccins

 

Anthony Mawson est le premier auteur, censé être le président du Chalfont Research Institute, une organisation à but non lucratif qui n'a pas de site web et qui emploie deux personnes : Anthony et son co-auteur Binu Jacob.

 

Mawson a un CV très suspect dans lequel il se présente comme examinateur (reviewer) pour de multiples revues en dehors de son champ d'expertise, et n'a aucune formation en maladies infectieuses ou en sciences biomédicales.

 

En 2017, ces deux auteurs ont publié un article similaire sur le statut vaccinal des enfants scolarisés à domicile et les TDN et troubles du spectre autistique (TSA) dans Frontiers of Public Health, qui a été rétracté. Cet article a ensuite été publié par The Journal of Translational Science (JTS), avant d'être à nouveau rétracté. Le JTS est une revue prédatrice qui sollicite des manuscrits de personnes non qualifiées et ne procède pas à un examen par les pairs.

 

Cet article avait été critiqué pour ses méthodes, ses conclusions et ses auteurs défectueux. Les personnages qui entourent Mawson illustrent la partialité de l'article. Par exemple, Brian Ray, fondateur du douteux National Home Education Research Institute, est également co-auteur de l'article rétracté. (Note : Retraction Watch est une ressource inestimable).

 

Il est évident que Mawson et Chalfont sont des chercheurs à gages payés pour donner de la crédibilité à des méthodes et des conclusions minables inspirées par les groupes qui financent leur recherche.

 

 

Financé par une longue et lucrative histoire de rhétorique anti-vaccinale

 

La déclaration de financement se lit comme suit : « Cette recherche a été financée par le National Vaccine Information Center (NVIC.org). Les frais de publication de cette étude ont été partiellement compensés par le National Vaccine Information Center (NVIC.org) et par l'IPAK (ipaknowledge.org). »

 

Si vous ne le savez pas, le National Vaccine Information Center est une organisation anti-vaccins notoire. L'Institute for Pure and Applied Knowledge (IPAK) est commodément propriétaire de la « revue » qui publie l'étude et la finance. Il ne s'agit certainement pas d'un conflit d'intérêts, n'est-ce pas ?

 

 

Le moment de la publication

 

L'article a été opportunément publié quelques jours avant les auditions de confirmation par le Sénat de la nomination de RFK Jr au poste de secrétaire d'État à la santé publique. Nous avons besoin de responsables de la santé publique qui élaborent des politiques fondées sur des recherches de haute qualité et des normes scientifiques rigoureuses, et non sur des études sélectionnées par des personnes ayant un programme idéologique à faire valoir et par des mercenaires aux méthodes douteuses.

 

Cette « étude » a été publiée par un groupe d'activistes anti-vaccins, financée par des fonds anti-vaccins, dans un média anti-vaccins, et rédigée par un scientifique engagé qui a déjà fait l'objet de rétractations pour désinformation anti-vaccins. Le vernis de légitimité que le mouvement anti-vaccins tente de fabriquer est une tactique pour gagner en pouvoir, en influence et en élan.

 

Nous nous trouvons à un moment critique où la réalité objective et les preuves solides seront mises de côté au profit des théories du complot, du pouvoir et de l'argent. Si RFK Jr et sa dangereuse rhétorique anti-science sont légitimés, leurs actions causeront un préjudice irréparable à chacun d'entre nous.

 

 

Source : étude « Vaccination and Neurodevelopmental Disorders : A Study of Nine-Year-Old Children Enrolled in Medicaid », Science, Public Health Policy and the Law.

 

_______________

 

Andrea Love, PhD, est une scientifique biomédicale et une communicatrice scientifique primée, titulaire d'un doctorat en microbiologie et immunologie. Outre sa carrière à plein temps dans le domaine des sciences de la vie et de la biotechnologie, elle est la fondatrice d'ImmunoLogic, une organisation de vulgarisation scientifique. Elle est également directrice exécutive de l'American Lyme Disease Foundation et rédige des articles sur la science et la santé pour divers médias.

 

Source : Junk Science, Bought and Paid For: The Latest Anti-Vaccine ‘Study’ is a Political Stunt | American Council on Science and Health

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