Pour faire pleuvoir... irriguons !
Pour la version littéraire, nous avons Jean Giono, « L'homme qui plantait des arbres ». Une version politique, très ambitieuse sur le papier (pour la réalisation, c'est une autre histoire), est la Grande Muraille Verte.
Voici une version scientifique, « US Corn Belt enhances regional precipitation recycling » (la Corn Belt américaine améliore le recyclage des précipitations régionales) de Zhe Zhang et al.
En voici le résumé :
« Importance
La Corn Belt américaine, l'un des principaux greniers du monde, a connu de vastes expansions agricoles au cours de l'histoire, qui ont profondément transformé le paysage et le cycle de l'eau. Toutefois, les études de modélisation précédentes, fondées sur des hypothèses simplificatrices ou des processus physiques manquants, ont eu du mal à quantifier avec précision l'impact de la surface terrestre sur le recyclage des précipitations, un processus clé dans lequel l'évapotranspiration (ET) contribue aux précipitations dans la même région. En appliquant un modèle climatique complet avec des processus de surface réalistes et un traceur de vapeur d'eau, nous constatons que les interactions entre les eaux souterraines peu profondes, la croissance des cultures et l'irrigation augmentent les précipitations totales en renforçant le recyclage des précipitations. Cette découverte indique le rôle central des processus de la surface terrestre dans la modification du climat régional, avec des implications importantes pour la sécurité alimentaire et de l'eau.
Résumé
Le recyclage des précipitations, où l'évapotranspiration (ET) de la surface terrestre contribue aux précipitations dans la même région, est une composante essentielle du cycle de l'eau. Ce processus est particulièrement important pour la Corn Belt américaine, où l'expansion des terres cultivées et les activités d'irrigation ont considérablement transformé le paysage et affecté le climat régional. Les études antérieures portant sur le recyclage des précipitations s'appuyaient généralement sur des modèles analytiques reposant sur des hypothèses simplificatrices, négligeant les interactions complexes entre l'hydrologie des eaux souterraines et la gestion agricole. Dans cette étude, nous utilisons des modèles climatiques à haute résolution couplés à un algorithme explicite de traçage de la vapeur d'eau pour quantifier les impacts des eaux souterraines peu profondes, de la croissance dynamique des cultures et de l'irrigation sur le recyclage régional des précipitations dans la Corn Belt américaine. Nous constatons que ces processus couplés d'eau souterraine, de culture et d'irrigation réduisent les températures de surface et augmentent les précipitations pendant la saison de végétation. L'augmentation des précipitations est attribuée à une amélioration significative du taux de recyclage des précipitations, qui passe de 14 à 18 %. Cette amélioration du recyclage des précipitations est plus forte lors d'une année sèche que lors d'une année normale ou humide, en fonction du transport de l'humidité à grande échelle et de l'ET locale. Notre étude souligne le rôle essentiel de l'hydrologie des eaux souterraines et de la gestion agricole dans la modification du cycle régional de l'eau, avec des implications importantes pour les prévisions climatiques régionales et la sécurité alimentaire et hydrique. »
(Source)
Et, pour le plaisir, y compris celui d'envoyer un message à des hydrogéologues obtus, malheureusement cathodiques, la fin de la nouvelle de Jean Giono :
« En 1913, ce hameau de dix à douze maisons avait trois habitants. Ils étaient sauvages, se détestaient, vivaient de chasse au piège. Leur condition était sans espoir. Tout était changé, l’air lui-même. Au lieu des bourrasques sèches et brutales qui m’accueillaient jadis, soufflait une brise souple chargée d’odeurs. Un bruit semblable à celui de l’eau venait des hauteurs : c’était celui du vent dans les forêts. Enfin, chose plus étonnante, j’entendis le vrai bruit de l’eau coulant dans un bassin. Je vis qu’on avait fait une fontaine, qu’elle était abondante et, ce qui me toucha le plus, on avait planté près d’elle un tilleul, symbole incontestable d’une résurrection. Par ailleurs, Vergons portait les traces d’un travail pour l’entreprise duquel l’espoir était nécessaire. L’espoir était donc revenu. On avait déblayé les ruines, abattu les pans de murs délabrés. Les maisons neuves, crépies de frais, étaient entourées de jardins potagers où poussaient, mélangés mais alignés, les légumes et les fleurs, les choux et les rosiers, les poireaux et les gueules-de-loup, les céleris et les anémones. C’était désormais un endroit où l’on avait envie d’habiter. A partir de là, je fis mon chemin à pied. La guerre dont nous sortions à peine n’avait pas permis l’épanouissement complet de la vie, mais Lazare était hors du tombeau. Sur les flancs abaissés de la montagne, je voyais de petits champs d’orge et de seigle en herbe ; au fond des étroites vallées, quelques prairies verdissaient. Il n’a fallu que les huit ans qui nous séparent de cette époque pour que tout le pays resplendisse de santé et d’aisance. Sur l’emplacement des ruines que j’avais vues en 1913, s’élèvent maintenant des fermes propres, bien crépies, qui dénotent une vie heureuse et confortable. Les vieilles sources, alimentées par les pluies et les neiges que retiennent les forêts, se sont remises à couler. A côté de chaque ferme, dans des bosquets d’érables, les bassins des fontaines débordent sur des tapis de menthes fraîches. Les villages se sont reconstruits peu à peu. Une population venue des plaines où la terre se vend cher s’est fixée dans le pays, y apportant de la jeunesse, du mouvement, de l’esprit d’aventure. On rencontre dans les chemins des hommes et des femmes bien nourris, des garçons et des filles qui savent rire et ont repris goût aux fêtes campagnardes. Si on compte l’ancienne population, méconnaissable depuis qu’elle vit avec douceur et les nouveaux venus, plus de dix mille personnes doivent leur bonheur à Elzéard Bouffier.
Quand je pense qu’un homme seul, réduit à ses simples ressources physiques et morales, a suffi pour faire surgir du désert ce pays de Canaan, je trouve que, malgré tout, la condition humaine est admirable. Mais, quand je fais le compte de tout ce qu’il a fallu de constance dans la grandeur d’âme et d’acharnement dans la générosité pour obtenir ce résultat, je suis pris d’un immense respect pour ce vieux paysan sans culture qui a su mener à bien cette œuvre digne de Dieu.
Elzéard Bouffier est mort paisiblement en 1947 à l’hospice de Banon. »