« Les sillons que l'on trace » d'Anne-Cécile Suzanne
Denis Beauchamp*
Il est maintenant disponible en format poche. Je l'ai lu à sa sortie, mais pas d'une seule traite comme l'auteur de cette appréciation. J'ai vraiment apprécié et je voulais en témoigner dans un article. M. Denis Beauchamp l'a fait mieux que je ne l'aurais fait. Alors... lisez... et lisez l'ouvrage.
Un an après sa sortie, j’ai lu, d’une seule traite, « Les sillons que l’on trace » d’Anne-Cécile Suzanne.
Ce livre est à la fois bouleversant, touchant et enthousiasmant : il raconte un parcours de vie marqué par des épreuves qui auraient pu emporter les plus solides d’entre nous.
Oui, mais pas Anne-Cécile, qui décidera que la ferme familiale devait être préservée, après le décès de son père.
Qui se rendit compte que ces prairies, ces vaches, c’était une partie de sa raison d’être.
Qu’elle devait assumer, elle, l’étudiante brillante en école de commerce puis à Science-Po Paris, la marche de la ferme, faire naître les veaux, faire les moissons ,conduire un tracteur…
Et tout cela, sans l’avoir jamais appris, et en se battant aussi bien contre les stéréotypes que le surendettement, voire le monde entier qui l’enjoignait à laisser tomber.
La réalité est que bien peu de monde aurait pu avoir la force de caractère pour accomplir tout cela.
Avec humilité, modestie, mais avec une sincérité et une détermination à faire trembler les montagnes, Anne-Cécile Suzanne nous partage ses doutes, ses victoires, ses échecs, et à travers tout cela, les clefs pour comprendre l’agriculture d’aujourd’hui.
Je le savais déjà avant, mais c’est devenu une évidence : l’agriculture française a besoin de plus de gens comme Anne-Cécile Suzanne !!
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* Responsable Céréales / Commercialisation Huiles & Tourteaux, Coopaca-Ucal.
Ancien président de FranceAgriTwittos.
Source : https://www.linkedin.com/posts/denis-beauchamp-3b86366_un-an-apr%C3%A8s-sa-sortie-jai-lu-dune-seule-activity-7294128594597896192-Whv3?utm_source=share&utm_medium=member_desktop&rcm=ACoAACLjLHQBc4wD1kHQakhJ1pQa9EXllqSOUqo
Ma note : Voici l'introduction :
« Mon plus ancien souvenir de la ferme se déroule en automne. Le monde autour de moi était si grand que je ne devais pas avoir plus de cinq ans. Il faisait nuit. Une nuit plutôt froide et chargée d’humidité. Mon père était là, sous le hangar fait de tuiles rouges, avec le vétérinaire. On m’avait de toute évidence ordonné de rester à l’écart, car j’étais un peu loin des protagonistes. Je n’osais pas faire un geste. Le silence, lourd et tendu, régnait.
Une vache était couchée au sol, entièrement à plat, les yeux exorbités. Sa tête était maintenue à terre par une corde, accrochée autour de ses cornes et reliée à une barrière. S’y ajoutait le poids de mon père, qui était debout, les deux pieds solidement ancrés sur sa joue, droit comme un i, les mains agrippées à une barrière de fer.
Les pattes de l’animal étaient liées. Le vétérinaire me tournait le dos. Courbé sur sa besogne, il agissait par gestes rapides et assurés. Il avait du sang sur les mains. J’apercevais de temps en temps, au gré de ses mouvements incessants, le ventre ouvert de la vache au-dessus duquel il s’affairait.
Bien plus que les images, c’est l’atmosphère de la scène qui marqua mon jeune esprit. Mon père, normalement si attentif à moi, ne m’adressait pas un regard. Il était immobile. Son visage était partiellement dans l’ombre, mais j’y apercevais une rigueur inhabituelle.
Le temps était suspendu à cet instant. Les minutes passaient sans que rien ne vînt troubler l’œuvre du vétérinaire.
Mais, subitement, ce dernier se redressa, les mains fermées sur deux grosses pattes, qu’il fit émerger du ventre de la vache. Quelques secondes plus tard, un petit veau, mouillé et un peu jaune, était mis au monde.
La vache tenta un mouvement, mais en fut empêchée par les cordes qui l’entravaient et par mon père, qui s’agrippait de plus belle à sa barrière. Abandonnant le nouveau-né à son sort, le vétérinaire me tourna de nouveau le dos et s’affaira auprès de la vache au sol.
Le veau, lui, me regarda, visiblement perdu par le changement de décor. Il secoua la tête. En quelques instants, il fut sur ses pattes. Mais, loin de rejoindre sa mère, c’est moi qu’il vint voir. Je fis quelques pas dans sa direction. Je lui tendis ma main. Il se mit à téter mes doigts. »
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