Aspartame et cancer : l’emballement médiatique du jour [4 février 2025] au détriment des vrais enjeux de santé
Jérôme Barrière, MD*
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Mardi 4 février, un attelage inédit de trois entités – Food Watch, la Ligue contre le Cancer et Yuka – a lancé une pétition conjointe visant l’interdiction de l’aspartame, un édulcorant controversé – forcément « controversé » – car « possiblement cancérogène pour l'homme ». Le Dr Jérôme Barrière a produit une opinion sur LinkedIn.
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Journée mondiale du cancer, et pourtant… l’emballement du jour ne concerne ni la prévention, ni les progrès thérapeutiques, mais l’aspartame !
Une nouvelle fois, une étude est mise en avant, relayée massivement, suggérant un sur-risque de cancer lié à l’aspartame. Pourtant, quand on regarde les chiffres, on parle d’un risque relatif de ≈ x 1,1. Autrement dit : un signal faible, sans impact significatif à l’échelle individuelle.
À titre de comparaison ?
👉 Le tabac multiplie le risque de cancer du poumon par x 25 !
👉 L’alcool, le surpoids, la sédentarité, restent des facteurs de risque majeurs et avérés.
Nous assistons à une obsession médiatique autour de potentielles substances cancérogènes alitementée par certains lobbyistes : pesticides, colorants, microplastiques, édulcorants…
Bien sûr, il est souhaitable de limiter l’exposition aux substances suspectes, mais attention aux raccourcis : un facteur de risque faible reste… un facteur de risque faible.
En santé publique, un risque relatif inférieur à 2 est généralement considéré comme modeste. Pourtant, l’emballement médiatique ne fait aucune distinction et met sur le même plan des risques infimes et des causes majeures de cancer.
Pendant que l’on s’alarme sur l’aspartame, on passe à côté des priorités claires et scientifiquement établies:
✅ Le tabac 🚬, premier facteur de risque évitable.
✅ L’alcool 🥃, dont la consommation excessive est responsable de nombreux cancers.
✅ L’obésité, en hausse, notamment chez les jeunes, favorisée par la malbouffe et la sédentarité.
✅ Le dépistage, qui permet une prise en charge plus précoce et améliore le pronostic de nombreux cancers.
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Plutôt que de se concentrer sur des signaux faibles, rappelons une bonne nouvelle : la mortalité liée aux cancers continue de baisser.
Grâce à :
🔹 Des diagnostics plus précoces et plus précis.
🔹 Des traitements en constante amélioration.
🔹 Une diminution progressive du tabagisme, sauf pour le cancer du pancréas, qui reste une exception préoccupante (probablement liée à l’obésité et aux modes de vie).
Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas d’une accumulation d’alertes anxiogènes, mais d’une communication rigoureuse :
🔸 Pas d’approximations.
🔸 Pas de simplifications excessives.
🔸 Pas d’interdictions hâtives sans preuve solide ni évaluation globale des risques.
Si l’on veut vraiment lutter contre le cancer, commençons par des mesures à fort impact : arrêter de fumer, réduire l’alcool, mieux manger, bouger plus. Et après, peut-être, on pourra discuter de l’aspartame.
La vraie priorité, c’est la prévention. Pas la panique.
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* Oncologue médical ; président CME pôle santé St Jean - Cagnes Sur Mer ; membre du Conseil Scientifique de la Société Française du Cancer (SFC) ; essaie de lutter contre la désinformation médicale sur les réseaux sociaux.
Ma note : Voir aussi, sur le Point (en accès libre), « Panique sur l’aspartame : vraie crainte ou fausse alerte ? », de l'excellente et courageuse Géraldine Woessner.