Point de vue : le rejet de la technologie des OGM est préjudiciable aux personnes souffrant de la faim dans le monde
Jack DeWitt, AGDAILY*
Des scientifiques travaillent dans un laboratoire au siège américain de Syngenta à Greensboro, en Caroline du Nord. (Image : Ryan Tipps)
Redesigning Life est le titre d'un livre publié en 2016 par John Parrington, professeur associé au Département de Pharmacologie de l'Université d'Oxford, en Angleterre. Il s'agit d'un ouvrage détaillé et fascinant sur l'organisation et le fonctionnement de l'ADN, le livre des règles de la vie, et sur la manière dont toutes les formes de vie peuvent être modifiées par l'insertion ou l'édition de gènes. L'insertion de gènes, bien sûr, est tombée en disgrâce auprès des politiciens et du grand public après que Monsanto a créé des cultures qui tolèrent le Roundup.
La possibilité de modifier le cours de l'évolution est le désir et le rêve des agriculteurs et des universitaires depuis des milliers d'années. J'ai déjà écrit sur la façon dont les chasseurs et les cueilleurs de l'âge de pierre ont probablement été les premiers à manipuler l'évolution, bien qu'involontairement. Les céréales sauvages ont tendance à égrener, car c'est la première étape pour assurer la pérennité de l'espèce. La cueillette des graines qui n'avaient pas encore égrené a favorisé l'absence d'égrenage des plantes issues des graines répandues à proximité de leur abri, tandis que le taux d'égrenage des graines laissées à l'état sauvage augmentait. L'observation de cette différence par quelqu'un a probablement (je spécule ici) conduit à conserver certaines graines récoltées pour les semer près de leur abri. L'observation suivante a probablement été que le fait de remuer le sol et de couvrir les graines permettait d'obtenir de meilleures récoltes, et c'est ainsi que l'agriculture a vu le jour. Une fois la domestication commencée, il était naturel pour un agriculteur de sélectionner les graines des plantes présentant les caractéristiques les plus intéressantes pour ensemencer la culture suivante.
L'histoire de Jacob, dans la Bible, raconte une tentative ancienne de manipulation des caractéristiques. Jacob avait gardé les troupeaux de son oncle Laban pendant 14 ans sans rémunération pour gagner le droit d'épouser les filles de Laban, d'abord sept ans pour Léa, puis sept autres années pour Rachel, la fille qu'il désirait vraiment.
Au bout de 14 ans, l'obligation de Jacob était parvenue à son terme, mais Laban voulait qu'il continue. Ils concluent donc un marché. Les moutons de Laban étaient pour la plupart blancs, mais quelques-uns étaient noirs ou tachetés. Jacob propose de continuer à garder le troupeau de Laban sans rémunération si Laban lui donne toutes les brebis tachetées et noires du troupeau et tous les futurs agneaux noirs ou tachetés (Genèse 30 : 26-43). Laban accepta.
Jacob prit donc des branches de peuplier et enleva une partie de l'écorce de façon à ce qu'elles paraissent tachetées ou rayées. Il plaça ensuite les rameaux près des abreuvoirs, là où les brebis de Laban les verraient et seraient encouragées à mettre au monde des agneaux tachetés ou noirs. Son plan a fonctionné : la fréquence des naissances d'agneaux tachetés et noirs augmenta et Jacob devint très riche.
Nous savons, bien sûr, que ce que les brebis voyaient n'avait rien à voir avec cela : tout était dans la constitution génétique du troupeau, et la course aux gènes lors de l'insémination a tourné à l'avantage de Jacob.
Jusqu'au début du XXe siècle, de nouvelles variétés sont apparues grâce à la sélection opérée par les agriculteurs, ce qui a donné naissance à des variétés locales adaptées aux conditions locales. Parfois, une nouvelle espèce ou un nouveau trait mystifiant apparaissait sous la forme d'un mutant ou d'un sport [une mutation de bourgeon, par exemple un rameau grimpant sur un rosier buisson, ou un rameau produisant des fleurs d'une couleur différente]. De tels changements étaient extrêmement rares. Puis, en 1895, Wilhelm Röntgen a découvert les rayons X et, en 1898, Marie Curie a découvert de mystérieuses émanations de radium que nous appelons aujourd'hui radiations. En l'espace de dix ans, ces rayons ont été utilisés dans le cadre d'expériences médicales, chimiques et biologiques.
Soumettre des plantes à des rayons X a provoqué toutes sortes de changements. Les sélectionneurs de plantes ont été enthousiasmés par la possibilité de contrôler l'évolution et de produire de nouvelles céréales, de nouveaux fruits et légumes, et d'augmenter les rendements de toutes les cultures. Leur enthousiasme a été amplifié par la presse, qui a bombardé le grand public d'histoires sur les fantastiques cultures du futur.
Les sélectionneurs achetèrent des appareils à rayons X et les mirent en service dans les champs et les laboratoires. General Electric, le principal constructeur d'appareils à rayons X, a créé son propre laboratoire d'expérimentation végétale, espérant ainsi créer un nouveau marché important pour ses appareils.
Ces expériences avec les rayons X et le radium se sont poursuivies jusque dans les années 1930, tout comme les histoires hyperboliques publiées dans les magazines et les journaux. Mais les espoirs de contrôler l'évolution ne se sont jamais concrétisés : les réponses ont été universellement négatives, sauf pour les fleurs. Burpee Seed Co. a pu monnayer les modifications de la couleur des fleurs, de l'apparence des feuilles ou des habitudes de croissance résultant du bombardement aux rayons X.
Pendant ce temps, les agronomes des universités d'enseignement supérieur [land-grant universities] amélioraient régulièrement les cultures par des croisements et des rétrocroisements.
Après la Seconde Guerre Mondiale, des expériences avec des isotopes à haute énergie provenant de réacteurs nucléaires ont commencé à produire des résultats utilisables. Plus de 1.000 variétés d'aliments et de fleurs dans le monde doivent aujourd'hui leur existence à la perturbation de leurs chromosomes et à la mutilation de leurs gènes à l'aide de radiations. Le pamplemousse Ruby Red est un exemple de fruit produit à l'aide de radiations. La recherche dans ce domaine se poursuit, mais ne suscite aucune protestation de la part de l'opinion publique, malgré les dommages massifs causés au génome pour obtenir un caractère utilisable. Malheureusement, les gènes ajoutés, supprimés ou modifiés par des méthodes qui ne perturbent pas le reste du génome font l'objet d'une opposition massive et parfois violente de la part d'un public à qui l'on a appris à craindre les OGM comme étant contre nature et dangereux. On ignore que des mécanismes naturels ajoutent, suppriment, mutent (changent, créent) des chromosomes et des gènes depuis 3 milliards d'années pour nous donner les espèces qui occupent aujourd'hui la Terre.
Pamplemousse Ruby Red. (Image : Brent Hofacker, Shutterstock)
À la fin des années 1930, alors qu'on expérimentait des mutagènes chimiques, on a découvert que la colchicine, un alcaloïde végétal appliqué à des graines en phase de germination, pouvait doubler le nombre de chromosomes, transformant le génome normal d'un jeu de chromosomes hérité de chaque parent (génome diploïde) en deux jeux de chromosomes de chaque parent (génome tétraploïde). Les plantes ainsi traitées présentaient souvent une vigueur accrue, des fruits plus gros et un meilleur rendement. Une fois de plus, cette découverte a suscité un grand enthousiasme dans les milieux universitaires et les médias, car on venait de découvrir une méthode pour guider l'évolution. L'espoir a de nouveau été brisé lorsqu'il s'est avéré que ces traitements n'avaient qu'une utilité limitée. Certaines plantes répondent à ce traitement et leur descendance est devenue des variétés utiles ; d'autres réagissent négativement ou ne réagissent pas du tout. Le triticale, un croisement infertile entre le blé et le seigle, a été rendu fertile en doublant les chromosomes.
La colchicine a notamment été utilisée pour induire la parthénocarpie, c'est-à-dire le développement de fruits sans graines. Si une pastèque diploïde, par exemple, est croisée avec une pastèque tétraploïde, on obtient une plante triploïde dans laquelle la fécondation des fleurs échoue mais le fruit se développe quand même, sans graines. Les fruits sans pépins, tels que les oranges navel, sont produits de cette manière, et un arbre produisant des fruits sans pépins peut être multiplié de manière végétative. Les pastèques, par contre, ont besoin de graines pour être plantées, et des croisements doivent donc être effectués chaque année.
Ce qui m'attriste, c'est que l'espoir longtemps entretenu de pouvoir contrôler et améliorer l'évolution est enfin réalisable grâce au génie génétique, et qu'il est largement rejeté au détriment des personnes souffrant de la faim dans le monde.
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* Jack DeWitt est un agriculteur-agronome dont l'expérience agricole s'étend sur plusieurs décennies, depuis la fin de l'élevage de chevaux jusqu'à l'ère du GPS et de l'agriculture de précision. Dans son livre « World Food Unlimited », il raconte tout cela et prédit comment nous pourrons avoir un monde futur où la nourriture sera abondante. Une première version de cet article a été publiée dans Agri-Times Northwest.
Source : Perspective: Rejecting GE technology is detrimental to the hungry