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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Comment les incendies de Los Angeles sont devenus si dévastateurs

13 Janvier 2025 Publié dans #Etats-Unis d'Amérique, #Climat

Comment les incendies de Los Angeles sont devenus si dévastateurs

 

Un climatologue en explique les causes et propose des solutions pour réduire les risques à l'avenir

 

Patrick Brown*

 

 

Incendie de Woolsey à Malibu, 2018

 

 

Des images dévastatrices nous parviennent de la région de Los Angeles, décrivant l'immense destruction causée par plusieurs incendies qui font rage dans les communautés cette semaine. Ces incendies risquent d'être les plus coûteux de l'histoire des États-Unis, dépassant l'incendie de Camp Fire qui a détruit Paradise, en Californie, en 2018.

 

Nombreux sont ceux qui cherchent un coupable précis pour cette catastrophe, le changement climatique étant l'une des idées les plus répandues. Cependant, cette catastrophe est le résultat d'une confluence de facteurs naturels et humains. Le changement climatique peut jouer un rôle, mais se focaliser sur lui pourrait être contre-productif car cela détourne l'attention de mesures plus directes visant à réduire le risque et l'impact des incendies.

 

 

Le changement climatique est-il le coupable ?

 

Le risque d'incendie est un produit des conditions météorologiques et des combustibles. Il faut également une source d'allumage – on ne peut pas allumer un feu sans étincelle. Le réchauffement de la planète dû à l'utilisation de combustibles fossiles fait augmenter les températures de manière relativement uniforme et affecte donc tous les aspects météorologiques liés aux incendies dans une certaine mesure, mais souvent pas dans la même direction.

 

Ces incendies sont alimentés par une tempête de vent Santa Ana particulièrement intense, avec des vents généralisés de la force d'un ouragan et des rafales de plus de 130 kilomètres à l'heure à certains endroits. Ces vents sont le principal moteur météorologique de la catastrophe : ils fournissent l'oxygène nécessaire à la combustion, font avancer les flammes, répandent les braises et peuvent rendre impossible la lutte aérienne contre les incendies.

 

Les vents de Santa Ana font partie intégrante du climat du sud de la Californie et rien ne prouve que le changement climatique les aggravera. Au contraire, nous nous attendons à ce que les vents de Santa Ana deviennent moins intenses et moins fréquents à mesure que le climat change.

 

Les incendies ont besoin de quelque chose pour brûler, c'est pourquoi l'état de la végétation (les combustibles pour les incendies), et en particulier le degré de sécheresse de cette végétation, est l'autre ingrédient clé des incendies. La région de Los Angeles a reçu beaucoup moins de pluie que la normale pour cette période de l'année, ce qui a rendu la végétation plus inflammable. Toutefois, rien ne prouve que le réchauffement soit l'un des principaux facteurs d'un manque de précipitations comme celui que nous avons connu cette année.

 

Cependant, lorsque Los Angeles connaît des sécheresses comme celle-ci, un climat plus chaud signifie une atmosphère plus sèche, ce qui assèche la végétation et la rend plus inflammable.

 

 

La végétation est-elle le problème ?

 

Ensuite, il y a les caractéristiques de la végétation au sol, comme la quantité de combustible pour les incendies. Le cas des broussailles du Chaparral de Californie du Sud est différent de celui des forêts du nord (où le problème majeur est l'exclusion des incendies et l'accumulation de forêts surpeuplées depuis un siècle). Néanmoins, le débroussaillage mécanique et le brûlage dirigé peuvent toujours être utilisés pour réduire la végétation et le risque d'incendie, même si cela peut avoir un coût pour les écosystèmes.

 

Quelle serait donc l'efficacité d'une réduction proactive de la végétation face à un réchauffement continu ? Notre recherche vise à répondre à cette question. La procédure prend en compte les conditions au cours d'un incendie, réchauffe le climat de fond et simule la réduction de la végétation pour voir comment le réchauffement futur et les traitements des combustibles affecteraient simultanément un incendie. Voici ce que cela donne lorsqu'on l'applique aux conditions météorologiques de la région de Los Angeles cette semaine.

 

 

 

 

Notre modélisation indique que le réchauffement contribue effectivement à l'augmentation de l'intensité des incendies de forêt dans la région, et que cette augmentation se poursuivra d'ici le milieu du siècle.

 

Il est important de noter que deux scénarios différents d'émissions de gaz à effet de serre sont présentés. L'un est un scénario de réduction lente des émissions qui représente à peu près les politiques mondiales actuelles (SSP2-4.5), et l'autre représente des réductions rapides des émissions qui sont beaucoup plus alignées sur l'Accord de Paris (SSP1-2.6). Le passage du scénario de réduction lente des émissions au scénario de l'Accord de Paris représente des différences majeures dans les économies mondiales de l'énergie et de l'agriculture, l'adoption de technologies, la géopolitique, etc. Pourtant, ces différences ne se traduisent que par des changements marginaux dans l'intensité des incendies en 2050 (de +7,2 % à +5,5 %).

 

Lorsqu'il s'agit de s'attaquer au risque d'incendie de forêt, la réduction des émissions de gaz à effet de serre est souvent présentée comme le principal levier que nous pouvons actionner. Cependant, essayer d'influencer les résultats météorologiques par le biais de la politique énergétique est incroyablement indirect et il existe souvent des solutions beaucoup plus directes.

 

Dans cette optique, la barre bleue représente l'intensité des incendies en 2050 dans le cas d'une réduction lente des émissions (4,5), mais avec une réduction proactive de la végétation. Nous constatons que même dans une situation de réchauffement en 2050, dans le cadre d'un scénario de réduction lente des émissions, la réduction de la végétation permettrait de diminuer l'intensité des incendies d'environ 15 % par rapport à aujourd'hui.

 

 

Photo : Tiffany Rose/Getty Images

 

 

Cela prouve que l'objectif de la Californie d'augmenter les traitements de réduction des combustibles dangereux à 1 million d'acres par an [400.000 hectares], ainsi que l'objectif du gouvernement fédéral de réduire les combustibles sur 50 millions d'acres [20 millions d'hectares] en dix ans, sont louables et aideraient à lutter contre la menace croissante des incendies de forêt.

 

Toutefois, pour atteindre ces objectifs, il faut surmonter de nombreux obstacles, notamment des contraintes financières, des pénuries de main-d'œuvre et des problèmes logistiques liés à la complexité des régimes de propriété foncière.

 

Enfin, il existe des obstacles bureaucratiques et réglementaires liés à la loi californienne sur la qualité de l'environnement (California Environmental Quality Act – CEQA) sur les terres de l'État de Californie et à la loi nationale sur la politique environnementale (National Environmental Policy Act – NEPA) sur les terres fédérales. Le processus NEPA, en particulier, est associé à des obstacles importants pour les traitements de réduction des combustibles. De toutes les agences fédérales, c'est le Forest Service qui rédige le plus grand nombre d'évaluations NEPA et qui est le plus susceptible d'être poursuivi en justice, ce qui entraîne des litiges qui retardent la mise en œuvre des projets d'environ trois ans en moyenne.

 

 

Allumage par l'homme

 

Tous ces incendies ont été allumés par des personnes, et l'énorme population du sud de la Californie fournit donc de nombreuses sources d'allumage qui ne seraient pas présentes naturellement. Les causes les plus courantes sont l'utilisation d'équipements (étincelles provenant de tronçonneuses, de tondeuses, etc.), les étincelles provenant de véhicules, de VTT, de motos tout-terrain, le tabagisme, les feux de camp (ou les incendies dans les campements de sans-abri), les barbecues, les feux d'artifice et les incendies criminels. Ainsi, la sensibilisation accrue du public à la sécurité incendie et aux signaux d'alerte devrait contribuer à réduire ces incendies, ce qui est d'ailleurs le cas puisque les incendies d'origine humaine ont probablement diminué au cours des dernières décennies.

 

Il y a aussi la question des incendies provoqués par les services publics. Southern California Edison a coupé l'électricité de manière préventive dans plusieurs régions afin de réduire le risque d'incendies provoqués par les lignes électriques. Cette solution n'est pas idéale, mais elle permet d'éviter les départs de feu. À plus long terme, nous pouvons continuer à réduire la végétation autour des lignes électriques, à enterrer les lignes de distribution et à installer des lignes électriques qui se mettent automatiquement hors tension lorsqu'elles entrent en contact avec un objet.

 

 

Renforcement des habitations et lutte contre les incendies

 

Étant donné que des conditions météorologiques extrêmes comme celles-ci se produiront inévitablement et qu'il est impossible d'éliminer les départs de feux d'origine humaine, il est également important de protéger les structures. Les maisons résistent beaucoup mieux aux incendies s'il n'y a pas de végétation à moins d'un mètre cinquante de la maison, et si la végétation est résistante au feu et clairsemée entre un mètre cinquante et trente mètres. Les codes de construction et le « renforcement des maisons » font également une différence. Des éléments tels que des matériaux de couverture non combustibles (métal, tuiles ou bardeaux d'asphalte), des évents résistants aux braises avec des grillages et des matériaux ignifuges pour le bardage (crépi, fibrociment ou métal) se sont révélés efficaces en laboratoire et dans le monde réel. Il existe également un effet de synergie, avec une efficacité globale accrue, lorsque plusieurs maisons d'un même quartier adoptent ces pratiques.

 

Par ailleurs, il va presque sans dire qu'une lutte contre les incendies dotée de ressources suffisantes (personnel, matériel aérien et terrestre), ainsi que des prévisions météorologiques de haute qualité, sont essentielles pour ralentir et finalement maîtriser des incendies comme ceux-ci.

 

 

Synthèse

 

Des événements dévastateurs comme celui-ci poussent de nombreuses personnes à chercher un coupable tout désigné, mais la réalité est souvent bien plus complexe. Le changement climatique peut contribuer à une certaine augmentation du risque d'incendie dans ce cas, mais son manque d'influence sur les vents violents et la sécheresse signifie qu'il ne mérite pas d'être mis en cause. En outre, les effets des réductions des émissions mondiales sur l'activité des incendies sont assez indirects et tardifs.

 

L'extinction des incendies et l'accumulation à long terme de combustibles ne posent pas le même problème dans les paysages de broussailles que dans les forêts du nord de la Californie, mais notre modélisation indique que la réduction de la végétation serait encore en mesure de réduire sensiblement le danger d'incendie dans ces paysages.

 

En dehors de ces mesures, la principale façon d'atténuer ces types d'événements à l'avenir consiste à réduire davantage les départs de feu d'origine humaine, à augmenter les ressources/technologies de lutte contre les incendies et à renforcer les mesures de renforcement des habitations au sein des communautés sujettes aux incendies.

 

Tout compte fait, nous vivons sur une planète qui est souvent hostile à notre bien-être, quoi que nous fassions. La Californie du Sud a été une région très exposée aux incendies tout au long de l'histoire de l'humanité, et elle continuera à l'être indéfiniment. La dévastation causée par les catastrophes naturelles ne peut donc pas être complètement évitée, et nous nous retrouvons souvent avec des mesures partielles qui ne peuvent que réduire le risque au lieu de l'éliminer.

 

_______________

 

Patrick Brown (@PatrickTBrown31) est co-directeur de l'équipe Climat et Énergie du Breakthrough Institute et membre du corps professoral adjoint du programme Politique Énergétique et Climat de l'Université Johns Hopkins.

 

Source : Courriel du Breakthrough Institute. Une version modifiée a fait l'objet de LA Fires: How They Became So Devastating.

 

 

 

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H
Excellent article, très équilibré.<br /> <br /> Sur le climat de l'ouest américain ces derniers millénaires jusqu'à nos jours lire : The West without water" de l'universitaire B. Lynn Ingram (pas encore virée, c'est extraordinaire !). Résumé : Nous vivons depuis 2 siècles une période climatique paisible et sereine dans cette partie de l'Amérique...<br /> Cela remet l'église au centre du village.
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