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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Tritium dans l’eau : quand la désinformation trompe l’opinion publique (AFIS)

24 Décembre 2024 Publié dans #AFIS, #critique de l'information, #Activisme

Tritium dans l’eau : quand la désinformation trompe l’opinion publique (AFIS)

 

Association Française pour l'Information Scientifique (AFIS)*

 

 

 

 

Le tritium est un des isotopes de l’hydrogène. Sa présence dans l’environnement est d’origine naturelle (il est produit dans les hautes couches de l’atmosphère), avec une contribution issue d’activités humaines, qui provient aujourd’hui principalement de la production nucléaire d’électricité. Les essais nucléaires atmosphériques en ont été une source très importante dans les années 1960, mais du fait de la dilution et de la décroissance radioactive, son impact sur les concentrations mesurées est maintenant faible [1]. Le tritium est peu radiotoxique et, selon l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), les rejets issus des centrales nucléaires ne contribuent que de manière marginale aux doses effectives de radioactivité auxquelles le public est exposé. Sa concentration est contrôlée depuis plusieurs décennies, particulièrement aux abords des installations nucléaires autorisées à en rejeter dans l’environnement (étant chimiquement identique à l’hydrogène, le tritium est difficile voire impossible à isoler) [1].

 

Dans le cadre de leur surveillance des eaux destinées à la consommation, les Agences régionales de santé (ARS) effectuent des contrôles spécifiques sur le tritium. Le seuil réglementaire a été fixé en France et dans l’Union européenne à 100 Bq/l [2]. C’est cent fois moins que les 10.000 Bq/l, valeur guide retenue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la base des connaissances scientifiques relatives aux effets du tritium sur l’Homme et l’environnement [3]. L’IRSN rappelle par ailleurs que « moins encore que la valeur guide de l’OMS, la valeur paramétrique de 100 Bq/l pour le tritium ne peut être regardée comme une limite de potabilité » [4]. Il s’agit en fait d’un « marqueur » d’activités humaines productrices de radioactivité, qui doit déclencher des investigations lorsque le seuil est dépassé.

 

Jusqu’à des concentrations de 10.000 Bq/l, l’eau est donc considérée potable (pour l’OMS, elle l’est même au-delà de ce seuil1 [3]). La dose radioactive associée, en cas de consommation régulière d’eau contaminée à ce niveau, est estimée à 0,1 mSv/an par l’OMS [4], c’est-à-dire trente fois moins que la radioactivité naturelle moyenne à laquelle sont exposés les Français (3 mSv/an) [5]. Et depuis maintenant des décennies, sauf incident spécifique qui n’a jamais concerné les eaux de boisson, les niveaux relevés en France sont en dessous de 100 Bq/l, et très souvent largement en dessous.

 

 

Un millième de la valeur guide de l’OMS

 

Malgré ces niveaux très bas et sans risque, des associations agitent des peurs en dénonçant la simple présence de tritium dans l’eau. Les données qu’elles mettent en avant (données publiques issues du ministère de la Santé dans le cadre de sa surveillance de la qualité des eaux de consommation [6]) sont toutes largement en dessous du seuil réglementaire.

 

Ainsi, la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), association militant contre le nucléaire civil, vient de rendre publique une « étude » où elle dénonce des dépassements ponctuels de la valeur de 10 Bq/l dans 663 communes et pour 9,6 millions d’habitants [7]. Cette valeur représente un dixième du seuil réglementaire, un millième de la valeur guide de l’OMS. Mais peu importe ces constatations très rassurantes, une campagne médiatique est organisée conjointement avec Mediapart qui titre « Nucléaire : il y a des atomes radioactifs dans votre verre d’eau » [8]. Ce titre témoigne de l’inculture scientifique des auteurs : même sans activité humaine, il y a toujours dans l’eau des éléments radioactifs, dont la nature dépend des couches géologiques traversées. De même, le corps humain est naturellement radioactif du fait de la présence entre autres de carbone 14 et de potassium 40 dans l’environnement. Mais la formulation du titre est de nature à susciter l’angoisse, ce qui est peut-être l’objectif recherché.

 

L’emballement médiatique est immédiat et, dès le lendemain, les titres alarmistes inondent les médias, particulièrement la presse régionale qui peut ainsi cibler une ville ou un département précis2.

 

Ce n’est pas la première fois que la simple présence de tritium est utilisée pour organiser une campagne visant à susciter peur et défiance au sein de la population. En 2019, l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (Acro) publiait un communiqué titré « Tritium dans l’eau potable : plus de 6 millions de français concernés » [9]. Les maximums relevés étaient alors de 31 Bq/l près de Châtellerault. Cela correspond au tiers du seuil réglementaire en France, à 0,31 % de la valeur guide de l’OMS et à 0,01 % de la radioactivité naturelle moyenne reçue par les Français. L’emballement médiatique avait été similaire, avant que l’affaire soit logiquement oubliée.

 

Face à ces valeurs particulièrement basses, et pour essayer de donner du corps à leurs campagnes, des associations anti-nucléaires affirment que les seuils réglementaires existants sont inadaptés. Elles demandent un abaissement drastique à 2 ou 3 Bq/l. Après avoir analysé ces demandes, l’IRSN souligne que non seulement elles ne correspondent à aucune considération sanitaire, mais aussi qu’à ces niveaux, il serait impossible de distinguer les émissions dues aux activités humaines actuelles du bruit de fond environnemental [1][4].

 

 

L’Afis dénonce un emballement médiatique autour de peurs infondées

 

L’Afis dénonce l’agitation de peurs infondées jouant sur la méconnaissance du public concernant la radioactivité et ses dangers.

 

L’Afis regrette également que, régulièrement, une partie des médias relaient ces affirmations sans le moindre recul, sans fournir les éléments scientifiques permettant d’appréhender et de contextualiser les valeurs annoncées.

 

Focaliser l’attention sur de faux problèmes brouille la perception de la population sur les véritables enjeux sanitaires et environnementaux auxquels nos sociétés sont confrontées.

 

 

NB : M. François-Marie Bréon, physicien-climatologue et porte-parole de l’Afis , a donné une interview sur le sujet au journal Figaro TV disponible ici.

 

 

Références

 

1 | IRSN, « Actualisation des connaissances acquises sur le tritium dans l’environnement », 18 octobre 2017.

 

2 | IRSN, « Savoir et comprendre : quelle est la réglementation relative au tritium ? », 30 juin 2021.

 

3 | OMS, « Guidelines for drinking-water quality », 2022.

 

4 | IRSN, «   de qualité réglementaire relative au tritium dans les eaux destinées à la consommation humaine », 16 janvier 2020.

 

5 | IRSN, « Savoir et comprendre : l’exposition moyenne des Français et les facteurs de variation », 16 juin 2021.

 

6 | Ministère de la Santé et des Solidarités, « Résultats du contrôle sanitaire de l’eau distribuée commune par commune », 2 décembre 2024.

 

7 | « Tritium dans l’eau potable : la Criirad publie les données », 9 décembre 2024.

 

8 | Huet D, Lindgaard J, « Nucléaire : il y a des atomes radioactifs dans votre verre d’eau », Mediapart, 9 décembre 2024.

 

9 | Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest, « Tritium dans l’eau potable : plus de 6 millions de français concernés », communiqué, 17 juillet 2019.

 

1 Pour l’OMS, « les niveaux de référence sont prudents et ne doivent pas être interprétés comme des limites obligatoires. Le dépassement d’un niveau de référence doit être considéré comme un déclencheur d’enquêtes plus approfondies, mais pas nécessairement comme une indication que l’eau potable n’est pas potable. »

 

2 Exemples de titres relevés dans les médias le 11 décembre 2024 : « Du tritium radioactif dans l’eau du robinet : plus de 2 300 communes concernées, dont une vingtaine dans le Gard et en Lozère » (Midi Libre), « Des atomes radioactifs retrouvés dans l’eau de 44 communes de Drôme et d’Ardèche » (France Bleu), « Du tritium dans l’eau potable : deux communes des Deux-Sèvres concernées » (Ouest-France), « Près de 10 millions de Français concernés : l’eau du robinet contaminée au tritium, un produit radioactif rejeté par les centrales nucléaires » (L’Indépendant), « Tritium dans l’eau potable de la Vienne : 22 villes, un record national à Châtellerault » (La Nouvelle République), « C’est quoi le tritium, cet élément radioactif découvert dans l’eau du robinet de 16 millions de Français » (Actu.fr), « Des atomes radioactifs trouvés dans l’eau du robinet, les centrales nucléaires pointées du doigt », (France 3 Rhône-Alpes).

 

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* Source : Tritium dans l’eau : quand la désinformation trompe l’opinion publique - Afis Science - Association française pour l’information scientifique

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