Preuve de concept : la technologie régénératrice réduit les émissions de méthane dans la production de riz
Chandrashekhar Bhadsavle, Réseau Mondial d'Agriculteurs*
Les ibis falcinelles étaient de bon augure.
Nous ne le savions pas à l'époque. Nous pensions simplement que leur apparition dans notre ferme était inhabituelle. L'ibis falcinelle est un oiseau rare dans notre village.
L'arrivée de ces oiseaux par dizaines a annoncé ce que nous pouvons aujourd'hui célébrer comme une percée dans la culture du riz : la possibilité de produire cette denrée de base en réduisant considérablement les émissions de méthane.
Nous l'appelons la technique régénératrice Saguna – une approche de l'agriculture sans labour qui peut à la fois améliorer la productivité et la santé des sols, réduire la consommation d'eau et les gaz à effet de serre, tout en rendant le riziculteur heureux.
Il s'agit d'une grande victoire pour la riziculture durable, en particulier pour les petits riziculteurs d'Asie.
Cette histoire commence dans les années 1990, lorsque j'ai commencé à explorer des alternatives à la riziculture traditionnelle. Je voulais éliminer le labour, le puddling [travail du sol quand la rizière est inondée], le repiquage et l'inondation des champs qui ont permis à la riziculture de prospérer dans le monde entier, mais qui l'ont aussi rendue pénible.
Je me suis demandé s'il n'existait pas une meilleure méthode, alors que je m'évertuais à cultiver du riz (de manière non rentable) selon les méthodes traditionnelles.
Dans notre ferme de 20 hectares, nous produisons de tout, des légumes aux mangues. Nous élevons également des poissons et du bétail, pratiquons l'agroforesterie et participons à l'agrotourisme. Pendant la saison des pluies, nous produisons environ 25 tonnes de riz paddy, qui peut être usiné pour obtenir le riz blanc et le riz brun que la plupart des consommateurs connaissent.
Il s'agit d'une culture importante pour nous et d'une culture de base pour des millions d'autres agriculteurs, en particulier dans les pays en développement.
La TRS offre une nouvelle façon de cultiver le riz. Au lieu de labourer et de puddler, elle se concentre sur la santé du sol en laissant les racines des cultures précédentes dans le sol au lieu de les arracher. Un herbicide sûr permet de transformer la masse racinaire mourante en nourriture pour les microbes bénéfiques. Cette biodiversité améliore la richesse du sol, le rendant plus fertile pour les cultures suivantes.
Lorsque j'ai essayé la TRS, mon objectif était simplement de produire plus de nourriture en utilisant moins de ressources.
Puis les ibis falcinelles sont arrivés.
Ils étaient attirés par les vers de terre, qui étaient partout, prospérant dans le sol que nous avions protégé avec la TRS.
Leur abondance indiquait la présence d'un sous-sol riche en oxygène et aérobie. Nous avons découvert une étude de l'Université Nationale de Yokohama au Japon. Elle montre que les vers de terre jouent un rôle essentiel dans la réduction des émissions de méthane.
Contrairement à la croyance populaire, les émissions de méthane dans l'agriculture ne sont pas principalement dues aux engrais ou aux produits phytosanitaires. Les véritables responsables sont les bactéries qui se développent dans des conditions de manque d'oxygène et d'emprisonnement de l'eau.
Les vers de terre, en revanche, découragent ces bactéries. En creusant le sol, ils créent des voies naturelles permettant à l'air et à l'eau de pénétrer dans la zone des racines. En association avec la TRS, ils peuvent réduire à presque rien les émissions de méthane dans les rizières.
Nous l'avons prouvé le mois dernier, lorsque nous avons emmené un analyseur de méthane de biogaz dans nos rizières pour y rechercher du méthane. Comme le montre cette vidéo, la TRS a réduit les émissions de méthane à une fraction des niveaux associés aux méthodes traditionnelles de culture du riz. (Nous présentons nos résultats plus en détail ici).
Ce test sur la culture du riz montre que la TRS est un outil puissant dans la lutte contre le changement climatique.
Il y a d'autres bonnes nouvelles. J'ai adopté la TRS de mon propre chef, sans directive de mon gouvernement ni motivation altruiste. Je cherchais simplement une meilleure façon de cultiver le riz et je m'attends à ce qu'elle augmente ma productivité de 50 %. Telle est l'expérience des agriculteurs qui ont adopté la TRS pour le cotonnier, le maïs, le soja, les légumineuses, le millet, etc.
La réduction des émissions de méthane est un sous-produit important. Elle est en train de devenir une partie intégrante de notre système agricole, motivée par le simple désir de rendre l'agriculture plus durable.
En d'autres termes, personne ne m'oblige à adopter la TRS. Je l'ai choisie de mon propre chef pour devenir un meilleur agriculteur, et il s'avère qu'elle a un effet secondaire important et utile.
Il s'agit d'un puissant exemple de ce qui peut se produire si nous traitons les agriculteurs comme des partenaires plutôt que comme des ennemis dans la lutte contre le changement climatique.
Ma prochaine tâche consistera à faire connaître cette importante découverte. J'encouragerai les riziculteurs de l'Inde et d'ailleurs à s'informer sur la TRS et à l'introduire dans leurs champs. En collaboration avec mes partenaires du Réseau Mondial d'Agriculteurs, j'ai déjà entamé des discussions avec des agriculteurs au Japon, au Nigeria, en Thaïlande et au Viêt Nam.
Les agriculteurs sont des innovateurs qui s'adaptent à leur environnement et à leur situation. Nous changerons le monde pour le mieux si nous pouvons avoir accès aux meilleures idées et technologies.
Pour moi, cela a commencé par l'arrivée des ibis falcinelles sur ma ferme.
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* Chandrashekhar Bhadsavle
Exploitant agricole depuis 1976, il a élevé la ferme à un niveau tel que de nombreux membres de la société la connaissent et souhaitent la visiter. Grandes cultures, production laitière, agroforesterie, aquaculture et horticulture + destination touristique. Défense de la technique du riz Saguna (TRS), qui est une agriculture de conservation sans travail du sol.