Le Parlement Européen adopte des résolutions anti-OGM
Et les eurodéputés français brillent par leur...
Les résolutions sont non contraignantes, elles n'ont aucun effet pratique, autre que de flatter certains égos. Il nous prend vraiment pour des billes. (Source)
La session de la semaine 48 a vu, non seulement l'élection de la nouvelle Commission Européenne, le 27 novembre 2024, mais aussi, la veille, l'adoption de huit résolutions sur la mise sur le marché de produits issus de plantes génétiquement modifiées et destinés à l'alimentation humaine ou animale.
Des textes en bonne partie répétitifs, livrés clés en mains par la mouvance anti-OGM à la fraction des Verts du Parlement Européen qui s'est chargée de les mettre à l'ordre du jour de la session et, bien sûr, de les faire adopter à – hélas – une large majorité.
Ce texte est particulièrement intéressant : la maïs MON 810, résistant à la pyrale et à la sésamie, a été autorisé à la culture dans l'Union Européenne en 1998. Ce fut à la suite d'un concours de circonstances qui a permis à un commissaire plus courageux que les autres de passer outre aux objections et réticences alors très répandues (et, comme on le voit ici, toujours d'actualité dans une classe politique dominée par la veulerie).
Ce maïs est maintenant cultivé depuis plus de 25 ans en Espagne et, dans une moindre mesure, au Portugal, les autres États membres ayant, le plus souvent explicitement, interdit sa culture.
Compte tenu des réticences et oppositions, l'autorisation de culture initiale, d'une durée de 10 ans, n'a jamais fait l'objet d'une procédure de renouvellement, de sorte que l'autorisation initiale continue de s'appliquer.
La Commission Européenne a renouvelé l'autorisation de mise sur le marché des produits par une décision d’exécution – (UE) 2024/1828 – du 2 juillet 2024, la procédure d'adoption par les États membres n'ayant pas dégagé de double majorité en faveur ou contre le renouvellement de l'autorisation.
Cela a donc déclenché la réaction pavlovienne bien connue au Parlement Européen.
La proposition de résolution – et la résolution elle-même – avait donc pour effet d'interdire aussi la culture des variétés de maïs MON 810. Mais, comme elle n'est pas contraignante, elle n'a pas cet effet et constitue au mieux une manifestation de mauvaise humeur.
Et, disons-le clairement, de bêtise et d'à-plat-ventrisme démagogique.
Parmi les récriminations de la mouvance anti-OGM, relayées par les Verts, il y a ceci :
« Questions en suspens concernant les toxines Bt
D. considérant que plusieurs études indiquent que des effets secondaires susceptibles de perturber le système immunitaire de l’homme à la suite d’une exposition aux toxines Bt ont été observés et que certaines toxines Bt pourraient avoir des propriétés adjuvantes[8], ce qui signifie qu’elles pourraient renforcer l’allergénicité d’autres protéines avec lesquelles elles entrent en contact;
Cultures Bt: effets sur les organismes non ciblés
E. considérant que, contrairement à l’utilisation d’insecticides, où l’exposition a lieu au moment de la pulvérisation puis pendant une durée limitée suivant cette opération, l’utilisation de cultures Bt génétiquement modifiées entraîne une exposition continue des organismes ciblés et non ciblés aux toxines Bt;
F. considérant que l’hypothèse selon laquelle les toxines Bt présentent un mode d’action spécifique sur une seule cible ne peut plus être considérée comme exacte et que des effets sur les organismes non ciblés ne peuvent être exclus; que de plus en plus d’organismes non ciblés seraient touchés de différentes manières; qu’une récente étude cite 39 publications à comité de lecture qui font état des effets particulièrement néfastes des toxines Bt sur de nombreuses espèces "hors cible"[9]; »
On notera la foultitude de conditionnels !
Quant aux références, les voici :
« [8] Pour une analyse, voir l’article de Rubio-Infante, N. et Moreno-Fierros, L. intitulé "An overview of the safety and biological effects of Bacillus thuringiensis Cry toxins in mammals" ("Étude de l’innocuité et des effets bactériologiques des toxines Cry du Bacillus thuringiensis chez les mammifères"), Journal of Applied Toxicology, mai 2016, 36(36,5), p. 630 à 648, https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/jat.3252.
[9] Hilbeck, A., Defarge, N., Lebrecht, T., Bøhn, T., "Insecticidal Bt crops. EFSA’s risk assessment approach for GM Bt plants fails by design", RAGES, 2020, p. 4, https://www.testbiotech.org/wp-content/uploads/2023/12/RAGES_report-Insecticidal-Bt-plants.pdf. Voir, par exemple, Hilbeck A. et Otto M., "Specificity and combinatorial effects of Bacillus thuringiensis Cry toxins in the context of GMO environmental risk assessment", Frontiers in Environmental Science 2015, 3:71, https://doi.org/10.3389/fenvs.2015.00071. »
Un survol rapide de la première publication citée indique qu'elle n'est pas pertinente. Elle porte sur différentes molécules Bt, généralement sous forme d'insecticides ; fait état de nombreuses études qui n'ont pas trouvé d'effet ; et sa conclusion s'ouvre par ceci :
« La majorité des études de laboratoire réalisées pour tester l'infectivité et la toxicité des produits commerciaux Bt ont indiqué que ces produits étaient sûrs ; néanmoins, ces études ne suffisent pas à prouver que ces produits sont inoffensifs pour les cellules des mammifères ou les organismes vertébrés. Certaines des études menées sur les effets des insecticides dérivés du Bt ont démontré la capacité de ces toxines à activer le système immunitaire et à augmenter les réponses humorales des anticorps, et ont suggéré que ces toxines pourraient produire des réponses allergiques. »
Quant aux articles cités dans la note 9, il suffit de regarder quelques noms d'auteurs... Bien sûr, ces objections largement issues de la « science » militante n'ont pas été validées par l'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA).
Il y a d'autres objections. En particulier, le Parlement Européen, selon la résolution,
« 1 considère que la décision d’exécution (UE) 2024/1828 excède les compétences d’exécution prévues dans le règlement (CE) nº 1829/2003 »...
alors que, selon le considérant M,
« M. […] il n’est pas nécessaire de modifier la législation pour que la Commission puisse s’abstenir d’autoriser des OGM en l’absence d’une majorité qualifiée d’États membres favorables au sein du comité d’appel ».
La résolution a été adoptée par 464 voix pour, 163 contre et 27 abstentions, 65 eurodéputé n'ayant pas pris part au vote.
Et pour la France ? 68 pour, 0 contre, 5 abstentions et 8 n'ayant pas pris part au vote.
Les majorités ont été un peu différentes pour les autres résolutions. Ainsi, celle sur un cotonnier a été adoptée par 496 voix pour, 143 contre, 18 abstentions et 62 non-votes. Pour la France : 74 voix pour et 7 non-votes).
Parmi les eurodéputés français, certain(e)s sont issus de l'agriculture...