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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Un gros pavé dans une mare scientifique devenue de plus en plus glauque

10 Novembre 2024 Publié dans #Article scientifique, #Agronomie

Un gros pavé dans une mare scientifique devenue de plus en plus glauque

Michel de Rougemont*

 

 

Image créée par leonardo.ai

 

 

Ce pavé dans la mare est la publication d’un article [1] dans lequel il est démontré qu’une nouvelle classe de produits biologiques destinés à améliorer les cultures non-légumineuses par fixation de l’azote atmosphérique n’a pas de fondement scientifique.

 

La fixation de l’azote par des bactéries associées aux plantes légumineuses [2] est un moyen éprouvé de réduire des apports d’engrais azotés dans ces cultures et les suivantes dans le même champ. Inoculer ces cultures avec des bactéries rhizobiennes est devenu un standard. Plus récemment, des solutions identiques ont été développées pour des non-légumineuses [3], ouvrant ainsi de pharamineuses perspectives agronomiques et environnementales. D’immenses sommes d’argent furent ainsi investies dans des inoculants devant révolutionner l’agriculture et corriger le changement climatique.

 

C’est de manière magistrale que les auteurs reviennent aux fondamentaux scientifiques, ceux qui, selon Popper, exigent qu’une expérimentation scientifique doit toujours s’attacher à réfuter une « hypothèse nulle », une théorie qui n’a pas été démontrée.

 

C’est donc avec méthode qu’est démystifié l’engouement pour un phénomène qui n’a pourtant pas été constaté.

 

Nous n’avons pas trouvé de preuve sans équivoque que ces bactéries fixent des quantités agronomiquement significatives de N2 provenant de l’atmosphère dans les non-légumineuses.

 

Si certaines réactions des plantes sont effectivement constatées, cela est dû à d’autres effets de stimulation.

 

Comme l’écrivent les auteurs, les zillions de nullars (N, la monnaie des illusions) et les talents qui y furent investis auraient mieux prospéré dans d’autres domaines. C’est l’un des exemples de coûteuses distractions ayant mené à un « groupthink » de mauvais aloi.

 

Comme le dit le titre de l’article, cette science est en train de perdre son chemin.

 

___________

 

[1] Giller KE, James EK, Ardley J, Unkovich MJ. Science losing its way : examples from the realm of microbial ­ N2 fixation in cereals and other non egumes. Plant Soil [Internet]. 2024;(0123456789).

Available from: https://doi.org/10.1007/U-024-07001-1

 

[2] Soja, arachides, luzerne, trèfle, pois, haricots, lentilles, pois chiches

 

[3] Riz, canne à sucre, blé, maïs.

 

Ingénieur chimiste, diplômé de l'École polytechnique fédérale de Lausanne, Michel de Rougemont est Conseil d’entreprise, en particulier dans le secteur de la chimie et de l’agribusiness, fondateur de MR-int.

 

Source : Un gros pavé dans une mare scientifique devenue de plus en plus glauque – MR's Blog

 

Ma note : Voici le résumé de « Science losing its way: examples from the realm of microbial N2-fixation in cereals and other non-legumes » (la science en perte de vitesse : exemples du domaine de la fixation microbienne de N2 dans les céréales et autres non-légumineuses) de Ken E. Giller, Euan K. James, Julie Ardley et Murray J. Unkovich) :

 

« Contexte

 

Malgré plus de 50 ans de recherche, aucune preuve solide ne suggère que l'inoculation de céréales et d'autres plantes non légumineuses avec des bactéries vivantes et/ou endophytes conduit à la fixation de quantités agronomiquement significatives de diazote gazeux (N2) provenant de l'atmosphère. Une pléthore de nouveaux produits prétendent augmenter la croissance et les rendements des principales céréales et autres cultures en stimulant la fixation de N2 par inoculation de bactéries.

 

Champ d'application

 

Nous passons en revue la littérature sur la fixation de N2 par des bactéries dans la rhizosphère et en tant qu'endophytes dans les plantes non légumineuses. Nous ne trouvons pas de preuve sans équivoque que ces bactéries fixent des quantités agricoles significatives de N2 provenant de l'atmosphère chez les non-légumineuses. Depuis les années 1930, la recherche a suivi des cycles répétés qui se chevauchent et qui ont conclu que les hormones favorisant la croissance des plantes étaient la raison principale de la réponse des cultures aux inoculants microbiens.

 

Conclusion [découpé]

 

Nous soutenons qu'une réglementation est nécessaire pour empêcher la vente de produits inoculants dont les revendications ne sont pas fondées et fallacieuses. Ces réglementations devraient exiger que des preuves sans équivoque soient fournies et vérifiées de manière indépendante, selon lesquelles :

 

(i) la bactérie inoculante peut fixer le N2 de l'atmosphère (c'est-à-dire qu'elle possède tous les gènes nécessaires à la fabrication de la nitrogénase),

 

(ii) elle possède un mécanisme clair pour protéger la nitrogénase de l'empoisonnement par l'oxygène libre,

 

(iii) la bactérie est présente en nombre suffisant tout au long du cycle de végétation de la plante,

 

(iv) une respiration accrue peut être détectée dans les tissus supposés fixer le N2,

 

(v) l'inoculation de la non-légumineuse dans un milieu sans N conduit à une croissance prolifique et à une accumulation d'azote, et

 

(vi) plus d'une méthode est utilisée pour confirmer quantitativement les apports significatifs provenant de la fixation du N2 dans le champ. »

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