Conseils de culture de 1920 pour le blé
Denis Beauchamp*
Il y a quelques semaines, j'ai récupéré une pile de livres d'une autre époque.
Ce petit livret ici, nous explique comme cultiver du blé en 1920... Il y a plus d'un siècle ! C'est une véritable mine d'information sur « l'agriculture d'avant ».
Dès le début, des chiffres intéressants : on cultivait en 1913 près 6 millions d'hectares de blé… Soit près de 2 millions d'hectares de plus qu'aujourd'hui !
En revanche, le rendement était faible, autour de 1,32 tonnes/hectare, contre 7 tonnes en moyenne à notre époque (sauf cette année, je sais).
On note aussi que ces rendements étaient plus faibles que ceux de nos voisins Européens, ce qui était insupportable et devait être corrigé absolument.
Le livret évoque un aspect totalement oublié de nos jours : la concurrence, pour la culture du blé, de toutes les autres cultures destinées à nourrir les animaux de trait : j'y vois un parallèle amusant avec les biocarburants de notre époque.
En 1918, on sait déjà que le « froment » pousse mieux dans la moitié nord de la France qu'ailleurs, surtout autour de Paris.
On cultive alors du « blé blanc de Flandre », du « blé hybride Bordier », du « rousselin », du « rouge d'Alsace », du « blé Poulard », etc. Et ces variétés à l'époque sont nouvelles, on cite même… Vilmorin, entreprise aujourd'hui filiale de LIMAGRAIN ! Les variétés viennent des USA, de Hongrie, d'Angleterre...
Déjà à l'époque, on teste, on essaie, on expérimente.
Concernant le sol, on recommande les argilo-calcaires, mais aussi « des labours très profonds ». (Vous avez dit conservation des sols ?)
On se félicite de l'usage des engrais chimiques qui évitent la jachère, cette pratique qui obligeait « à payer deux années de location pour une seule récolte ».
On encourage les rotations, notamment avec du colza, de la betterave ou... du tabac !
Pour la fertilisation, on conseille d'ajouter de l'azote, de la potasse et du phosphore, mais on sait déjà que « les effets des engrais ne sont pas proportionnels a la dose apportée ».
Cependant, ne sachant pas mesurer cette dose précisément, on s'en remet à « la sagacité du cultivateur ».
Pour les semences, on conseille de les « sulfater, de les passer au vitriol, voire à l'arsenic ».
Les méthodes d'application sont simples : soit on asperge le tas et on le brasse à la pelle, soit on fait baigner la semence dans un tonneau plein de produit. Vous avez dit Équipement de Protection Individuel ?
On connait déjà les dangers de l'échaudage, de la rouille, de la coulure, de la chlorose, de la carie, du charbon, du piétin, du taupin, etc.
Contre les rats ? On conseille de leur inoculer le « virus Danysz » ,découvert pendant la guerre. Les corbeaux ? « On les éloigne avec un fusil. »
C'est ainsi un aspect de « l'agriculture d'avant », qu'il ne faut pas oublier : elle occupait des surfaces au total plus grandes, pour une production alimentaire moindre.
Les problèmes de maladies, de champignons et de ravageurs étaient déjà là ; en revanche, les solutions étaient légèrement plus… radicales !
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* Responsable de la collecte de la coopérative agricole Coopaca et de la commercialisation de l'Ucal.
Source : https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7244208980955193344/
Ma note : Pour les variétés de blé, on pourra lire les remarquables ouvrages de deux Vilmorin, Philippe et Henry, de 1880 et 1906, Les meilleurs blés. Très dégrisant pour ceux qui croient à la supériorité intrinsèque des « variétés de pays », qui seraient adaptées au terroir.