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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

« Cette substance chimique courante pourrait... »... marre à la fin !

17 Novembre 2024 Publié dans #critique de l'information

« Cette substance chimique courante pourrait... »... marre à la fin !

 

 

(Source)

 

 

« Cette substance chimique courante pourrait provoquer des anomalies chromosomiques au sein des ovules ». Conditionnel de rigueur... Et quand on creuse, on s'aperçoit qu'un site dispensant des informations en principe médicales prend de grandes libertés.

 

 

MSN, ce balai à [censuré] médiatique, m'a mis sur la piste de Pourquoi Docteur et « Cette substance chimique courante pourrait provoquer des anomalies chromosomiques au sein des ovules ».

 

Conditionnel de rigueur...

 

En chapô :

 

« Une équipe de recherche américaine a récemment observé que le phtalate de benzyle et de butyle (BBP) pourrait avoir des effets sur les ovules et impacter la reproduction humaine. »

 

C'est faux !

 

Ce qui précède n'est pas vraiment un intertitre, mais une manière d'exprimer mon exaspération devant ces articles anxiogènes qui défilent à peu près aussi régulièrement que des chenilles processionnaires descendant de leur nid.

 

Le phtalate de benzyle et de butyle (BBP) est principalement utilisé comme agent plastifiant et se retrouve donc dans de nombreux produits.

 

Selon l'Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) – cité par Pourquoi Docteur, il pourrait avoir des effets toxiques sur les fœtus et est susceptible de nuire à la fertilité.

 

Mais alors, qu'est-ce qui est faux ?

 

Lorsqu'on entre dans la fiche, sans se limiter à la reproduction de l'étiquette, il apparaît que les données ne sont pas convaincantes (ce qui ne signifie pas que la fiche soit contestable). En résumé, pour la toxicité pour l'homme :

 

« Il existe peu de données concernant les effets chez l’homme de l’exposition aiguë et chronique au BBP. Aucune donnée pertinente concernant des effets génotoxiques ou cancérogènes du BBP chez l’homme n’est disponible ; les données disponibles ne permettent pas d’évaluer les éventuels effets sur la reproduction chez l’homme. »

 

Pour bien préciser : « homme » inclut ici la femme.

 

« Il existe peu de données... » ne signifie pas qu'il n'y a pas d'effets. C'est le problème bien connu des scientifiques (sérieux) pour qui « absence de preuve ne vaut pas preuve de l'absence », un principe balayé sous le tapis, quand il n'est pas simplement ignoré (pas connu), par les marchands de peur et autres prêcheurs de l'apocalypse.

 

Pourquoi Docteur a mis la main sur une étude de chercheurs de la Harvard Medical School publiée dans PLOS Genetics.

 

C'est – accrochez-vous – « Exposure to benzyl butyl phthalate (BBP) leads to increased double-strand break formation and germline dysfunction in Caenorhabditis elegans » (l'exposition au phtalate de benzyle et de butyle (BBP) entraîne une augmentation de la formation de cassures double brin et un dysfonctionnement de la lignée germinale chez Caenorhabditis elegans).

 

Caenorhabditis elegans ? C'est un nématode, une sorte de petit ver d'environ 1 millimètre vivant dans le sol. On est très loin de l'homme ou, pour coller au titre de l'article critiqué, de la femme !

 

Pour une fois, je ne produirais pas le résumé. Il est horriblement compliqué, et il suffit de savoir que le BBP a produit – dans cette étude – des dégâts chromosomiques. Il faut croire les auteurs sur parole pour les doses de phtalate : « à des niveaux se situant dans la fourchette de ce qui est détecté chez l'homme ».

 

Voici tout de même le dernier paragraphe de la partie « discussion » :

 

« Dans l'ensemble, nos données montrent qu'à une dose d'exposition entraînant des niveaux internes comparables à ce que l'on trouve dans les échantillons biologiques humains, le stress oxydatif est élevé dans la lignée germinale, ce qui pourrait être à l'origine de l'augmentation significative des CDB [cassures de doubles brins] dans l'ensemble de la lignée germinale. Nous proposons que les dommages élevés à l'ADN observés chez les vers exposés au BBP sont liés à l'altération de la progression méiotique, à l'apoptose élevée des cellules germinales dépendant de la p53, aux défauts de morphologie des chromosomes détectés dans les ovocytes en fin de diakinèse et à l'augmentation du taux de non-disjonction chromosomique/aneuploïdie, soulignant ainsi la nature reprotoxique du BBP. »

 

Élémentaire, mon cher Watson...

 

Mais il y a un point intéressant, en fait remarquable : les auteurs se sont – sauf erreur – gardés, en toute modestie et sobriété scientifique, de tirer des conclusions pour l'espèce humaine. Contrairement à ce que laisse entendre le chapô de l'article critiqué.

 

Avec raison : il y a loin – très loin – entre le modèle animal et sa traduction pour l'espèce humaine.

 

Mais chez Pourquoi Docteur, relayé par MSN...

 

« D’après les conclusions, le BBP est un produit très toxique qui impacte la reproduction animale, mais également humaine. En effet, les vers Caenorhabditis elegans métabolisent le BBP de la même manière que les mammifères, et ils sont affectés par des niveaux de BBP similaires à ceux observés chez l’homme. Ces invertébrés sont donc des modèles intéressants pour évaluer les dommages de cette substance chez l’homme.

 

Ce qui permet – à l'évidence (ironie) – un titre anxiogène malgré son conditionnel : « Cette substance chimique courante pourrait provoquer des anomalies chromosomiques au sein des ovules ».

 

Marre...

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