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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Revoilà la gesticulation des pesticides « interdits » dans les aliments dans l'émission « Vert de Rage » !

16 Octobre 2024 Publié dans #critique de l'information, #Activisme, #Pesticides, #Alimentation

Revoilà la gesticulation des pesticides « interdits » dans les aliments dans l'émission « Vert de Rage » !

 

 

C'est l'illustration de l'article de la Provence. Les traitements par voie aérienne sont interdits en France, sauf dérogations très limitées. Les illustrations d'articles participent aussi à la désinformation par les médias.

 

 

Nous, rationalistes, pouvons être verts de rage. Voici, après un rappel des bases des relations entre santé, aliments et pesticides, un bref décorticage d'une émission entièrement construite autour de l'anxiogenèse suivi d'une incursion dans le panurgisme médiatique. Autre sujet de gesticulations : les produits phytosanitaires « interdits » fabriqués pour l'exportation

 

 

J'avoue ne pas visionner « l'émission d'investigation "vert de rage" »... sa médiocrité conceptuelle, sa pauvreté matérielle et son indigence éthique me rendent vert de rage.

 

L'édition du 23 septembre 2024 était consacrée aux pesticides « interdits ».

 

 

Les « pesticides interdits »

 

Pourquoi les guillemets ?

 

L'expression, abondamment utilisée par l'industrie de la contestation, recouvre en fait les produits phytosanitaires dont l'emploi en culture n'est pas autorisé, généralement en totalité mais aussi pour certains usages seulement.

 

Mais cette situation résulte de plusieurs circonstances.

 

Un produit peut avoir été effectivement interdit. C'est le cas par exemple des néonicotinoïdes, précédemment autorisés, qui ont subi les foudres d'une loi inepte en France puis, à l'exception de l'acétamipride, d'un retrait au niveau européen grâce à un lobbying intensif des autorités françaises qui ont succombé aux sirènes du lobbyisme d'une union d'apiculteurs épaulée par le ban et l'arrière-ban de la mouvance anti-pesticides (y compris un gang de chercheurs militants).

 

Il peut ne pas être autorisé au débouché d'une demande d'homologation, ou ne plus être autorisé par refus de la ré-homologation, et ce, pour des raisons diverses : dossier incomplet, risques pour la santé ou l'environnement jugés excessifs... ou manœuvres politiciennes (le glyphosate a failli en être victime).

 

Enfin, il se peut que les agents économiques concernés – au premier rang desquels les fabricants – n'aient tout simplement pas demandé l'autorisation ou la réautorisation, et ce, là encore, pour diverses raisons : par exemple la certitude que le produit ne sera pas (ré-)autorisé, l'obsolescence du produit sur le marché européen, ou encore l'absence d'usages pertinents sous nos conditions (de manière générale ou sur le plan de la rentabilité économique).

 

En bref, monter une opération d'intoxication de l'opinion publique et de lobbying auprès des décideurs administratifs et politiques sur la base d'un fourre-tout – les « pesticides interdits » – relève de l'escroquerie.

 

 

Les limites maximales de résidus

 

Cela se passe au niveau européen pour ce qui nous concerne : on définit une limite maximale de résidus pour chaque couple denrée alimentaire-substance active.

 

Ce n'est pas réellement une valeur sanitaire, mais administrative : elle est fixée de manière à préciser à partir de quel niveau le produit phytosanitaire n'a pas été utilisé conformément aux préconisations d'emploi.

 

Dans un deuxième temps, cependant, on vérifie dans des études d'alimentation totale (EAT) que les doses journalières ne sont pas dépassées (sauf éventuellement comportement alimentaire loufoque).

 

La LMR est cependant utilisée dans un contexte sanitaire : lorsqu'un produit alimentaire dépasse une LMR, il est retiré du marché et rappelé, souvent par les agents économiques eux-mêmes, parfois par décision administrative.

 

Lorsqu'une substance n'est pas autorisée, en général ou pour un usage particulier, la LMR est généralement fixée au niveau de la limite analytique historique (0,1 mg résidu/kg produit) ou réelle. Mais les acteurs économiques tels que les importateurs de produits alimentaires peuvent demander que la LMR soit fixée à un niveau compatible avec une utilisation du produit selon les bonnes pratiques dans le pays exportateur.

 

 

Danger v. risque

 

Fondamentalement, le système européen n'est pas fondé sur la gestion des risques, mais sur l'aversion au danger.

 

Pour rappel : la noix de muscade, par exemple, est dangereuse car elle contient des substances psychoactives telles que la myristicine. Aux doses d'emploi en usage culinaire, elle n'a aucun effet nocif : il n'y a pas de risque.

 

L'Union Européenne s'emploie à éliminer les matières actives phytosanitaires aux dangers avérés (les CMR-1 – cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction) et suspectés (les CMR-2).

 

Quand ce genre de substances jugées problématiques (y compris pour l'environnement) sont encore sur le marché, elles sont qualifiées de « candidates à la substitution ». C'est le cas, rappelons-le, du cuivre, l'emblématique fongicide de l'agriculture biologique.

 

Ces catégorisations sont évidemment pain bénit pour les activistes, et ce, quelles que soient la nature du danger et la réalité des risques pour les applicateurs compte tenu des mesures d'évitement ou de mitigation qui pourraient être prises, et pour les consommateurs compte tenu des LMR et des doses jouralières admissibles (DJA), lesquelles sont fixées de manière très, très protectrice.

 

La DJA est généralement fixée au niveau du centième de la NOAEL (no observed adverse effect level) ou DSENO (dose – maximale – sans effet nocif observé, établie dans des essais de toxicité subchroniques sur animaux de laboratoire, la dose retenue étant celle observée sur l'espèce animale la plus sensible).

 

 

Voilà donc « Vert de Rage »

 

Nous voici donc armés pour l'analyse de la prouesse de notre service public audiovisuel.

 

FranceTVInfo nous en donne un aperçu avec « Des pesticides interdits au sein de l'Union européenne retrouvés dans des produits importés et achetés en France ».

 

En chapô :

 

« Selon l'émission d'investigation "Vert de rage", le café, le thé, les épices, les légumineuses ou encore les prunes et les fruits de la passion sont particulièrement concernés. »

 

À l'indigence de l'audiovisuel succède l'indigence de l'écrit !

 

Car nos dénonciateurs de prétendus scandales ont fait analyser... « 22 échantillons de fruits et légumes achetés dans des grandes chaînes de supermarchés français ». Et, horresco referens – ou, plutôt, quel bonheur pour les producteurs et animateurs de l'émission--, « [s]ept contenaient des résidus de pesticides interdits en Europe ».

 

Et notre scribouillard se permet une généralisation...

 

On n'a, bien sûr, fourni aucune indication sur les niveaux des résidus, et pour cause : ils sont conformes à la réglementation. La gesticulation aurait été tout autre si on avait constaté un dépassement.

 

Un dépassement qui, sauf cas exceptionnel, n'aurait sans doute représenté aucun danger pour la santé des consommateurs.

 

Rappelons à cet égard que les autorités nationales procèdent à des analyses sur un très grand nombre d'échantillons qui sont ensuite compilées annuellement par l'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) dans un volumineux rapport (le dernier). Et, tous les ans, la conclusion est des plus rassurantes.

 

 

Qui dit mieux dans les médias ?

 

Les torchons médiatiques n'ont pas été en reste.

 

Marie France (via MSN) titre ainsi : « Des pesticides interdits en France retrouvés dans des dizaines d'aliments, la liste des produits concernés ».

 

Ha ! Ha ! Ha ! Il y a eu 22 échantillons (un échantillon n'étant en outre pas représentatif du produit en cause)... sept ayant présenté des résidus.

 

La mise en route vaut le coup d'œil par son caractère répétitif (et son conditionnel journalistique pavlovien) :

 

« Une enquête a révélé une information inquiétante : la présence de pesticides interdits sur certains produits vendus dans le commerce.

 

C'est une nouvelle inquiétante qui a été révélée par le magazine Vert de rage, relayée par nos confrères de France Info. Des pesticides auraient été retrouvés dans plusieurs dizaines de produits alimentaires de grande consommation vendus en France. »

 

Sur le fond on prétend faire le point :

 

« Ce lundi 23 septembre, une enquête du magazine télévisé Vert de rage a été consacrée aux pesticides. Au cours de l'émission, diffusée sur France 5, de graves dysfonctionnements ont été révélés. En effet, alors que ces produits sont interdits sur notre sol, on a retrouvé leur trace sur de nombreux articles vendus dans le commerce. 22 échantillons de fruits et légumes achetés dans des supermarchés français ont été analysés, et les résultats sont alarmants. »

 

Bel exemple de prose anxiogène !

 

Prenons-le encore de la Provence, « L’émission "Vert de rage" révèle la présence de pesticides interdits en France dans notre assiette et la nature » :

 

« Mais Vert de Rage va plus loin. En analysant des échantillons de fruits et légumes présents dans nos supermarchés, l’émission est parvenue à affirmer que "31,82%" de ces aliments contenaient des pesticides interdits en France (pomelo de Chine, raisin du Pérou, orange de Tunisie...). [...] ».

 

Un pourcentage à deux décimales... toujours pour 22 échantillons !

 

Et le paragraphe se poursuit :

 

« "Le fait que des pesticides jugés trop dangereux pour être utilisés chez nous soient pourtant produits, exportés et réimportés sous forme de résidus dans les aliments consommés quotidiennement met en évidence l’incapacité à protéger le droit à la santé", dénoncent les journalistes […]. »

 

C'est le triomphe, et de la mauvaise foi, et du panurgisme médiatiques.

 

Le cas de l'imidaclopride

 

Nous avons des noms de denrées alimentaires et des noms de substances qu'il faut considérer comme dangereuses, vu que ces noms sont difficilement prononçables et mémorisables... C'est ici de l'humour, mais pas vraiment. Il y a eu des campagnes activistes aux États-Unis d'Amérique sur le thème : « Si vous ne pouvez pas le dire, ne le mangez pas ! ».

 

Prenons le cas de l'imidaclopride. Chez Marie France :

 

« Un raisin venu du Pérou était porteur, lui, de résidus d'imidaclopride et du myclobutanil. Là encore, il s'agit de produits strictement interdits sur notre sol. »

 

La réalité : l'imidaclopride est certes interdite d'usage en agriculture, mais pour cause de manipulation des opinions sur ses effets environnementaux, notamment sur les abeilles (rappel : un danger n'implique pas nécessairement un risque, et c'est bien sur cette base de risques acceptables que de nombreux pays autorisent l'imidclopride en agriculture).

 

Elle reste autorisée en usage vétérinaire dans l'Union Européenne, notamment dans les colliers anti-puces de Médor et Minette.

 

Et l'Union Européenne a fixé une LMR de 0,9 mg résidus/kg denrée dans le cas des agrumes (contre 0,01 mg/kg – sans doute la limite analytique – dans le cas des fruits à coque, par exemple).

 

 

Des produits phytosanitaires « interdits » fabriqués pour l'exportation

 

L'émission s'est aussi penchée sur un autre marronnier de l'industrie de l'indignation : la production de produits phytosanitaires non autorisés dans l'Union Européenne pour l'exportation.

 

Notre Clara G. de Marie France s'est plantée dans les grandes largeurs en évoquant des denrées alimentaires ! Ainsi,

 

« C'est au Brésil que l'on retrouve le plus d'aliments français interdits. Suivent ensuite l'Ukraine, les États-Unis, la Russie et le Royaume-Uni. Une information inquiétante qui pose un problème de santé publique. Outre le fait que ces produits soient consommés malgré leur interdiction en France, leur fabrication pose des problèmes environnementaux sur notre territoire. [...] »

 

L'équipe éditoriale de France 3 Normandie a dû abuser du calva en commençant par expliquer que l'émission allait être « diffusée d'ici le mois de novembre », alors qu'elle l'avait déjà été quand leur article a été mis en ligne (d'autres l'ont fait également).

 

Toujours est-il que le titre n'est pas inexact : « VIDÉO. Des pesticides interdits en Europe produits en Normandie ? "Il y a une faille dans la législation" ». L'interdiction porte en effet sur les produits formulés, et pas sur les matières actives pures, nos bien-pensants députés sauveurs de la planète s'étant plantés).

 

En chapô... toujours avec le conditionnel journalistique pavlovien :

 

« La France continuerait d'exporter des pesticides interdits en Europe : c'est ce que révèlent des journalistes de l'émission Vert de Rage, diffusée dans quelques semaines sur France 5. Pendant un an, ils ont tenté d'en mesurer l'impact sur l'environnement. »

 

Ce conditionnel jette un doute sur le sérieux de l'information livrée par leurs confrères...

 

Mais soyons sérieux : un an d'enquête ? Le sujet est un fond de commerce apparemment lucratif pour Public Eye (ex Déclaration de Berne) et Unearthed, une succursale britannique de Greenpeace.

 

Il y a un système de notifications pour les substances soumises à la Convention de Stockholm et il y a un système de droit d'accès à l'information... Bref, il n'y a qu'à demander.

 

Il y a tout de même des limites aux tartarinades.

 

 

(Source)

 

 

Le Monde, sous la signature de M. Stéphane Mandard, relais fréquent des ONG, s'est fait l'écho de « Vert de Rage » avec « Pesticides : la France continue à exporter des substances interdites… qui reviennent ensuite dans les fruits et légumes importés ».

 

En chapô, sans surprise :

 

« Une faille dans la loi interdisant l’exportation de certains pesticides permet aux fabricants de continuer à en produire des milliers de tonnes en France. Des enquêtes montrent qu’en retour des fruits et légumes importés en contiennent des traces. »

 

Une législation, incidemment, inepte. Mais que ne ferions-nous pas en France et dans l'Union Européenne – sur l'insistance de la France, meilleure élève de la classe, et en réponse aux « plaidoyers » de certains lobbies – au nom de la bien-pensance ?

 

D'autres pays veulent utiliser des produits phytosanitaires que nous n'autorisons pas, ou souvent plus ? Qu'ils soient fabriqués – avec tous les bénéfices économiques y afférents et éventuellement les risques issus de processus de fabrication sub-optimaux – dans des pays tiers...

 

 

Le cas du fipronil

 

Panurgisme journalistique oblige, on cite souvent le fipronil, autre insecticides dont une certaine union d'apiculteurs a eu la peau en France, du temps de M. Stéphane Le Foll, puis dans l'Union Européenne grâce à l'activisme de ce dernier. « Tueur d'abeilles », il a été dédouané... mais il reste interdit.

 

Et il est toujours autorisé en usage vétérinaire, y compris dans les colliers anti-puces... Vous antipucez Médor avec une pipette, en vous en mettant plein les doigts, et une heure après, vous caressez Médor en oubliant qu'il a une belle quantité de fipronil sur son dos...

 

Mais au cas où le fipronil serait présent dans un aliment, alors là, nos défenseurs de la virginité environnementale se déchaînent... La LMR a été fixée pour toutes les denrées alimentaires à 0,005 mg/kg.

 

Et prenons-le de FranceTVInfo :

 

« Les analyses montrent "une pollution de l'environnement en lien avec la production passée ou encore présente", même si les teneurs ne dépassent pas toujours les normes. Les deux groupes concernés assurent ne pas être en infraction et informer régulièrement les autorités de la situation. »

 

« ...les teneurs ne dépassent pas toujours les normes » ? Le texte aurait été bien différent si nos fins limiers avaient pu mettre la main sur un dépassement... ce qui est aussi facile puisque les analyses de l'eau sont publiques.

 

Toutefois, selon le « Pesticides : la France exporte des substances interdites qui reviennent dans nos assiettes » de Reporterre »,

 

« […] Les échantillons prélevés autour de BFAS révélent quant à eux un taux de fipronil qui s’élève jusqu’à 0,259 microgrammes par litre, soit 336 fois supérieur au seuil de risque environnemental. »

 

Curieusement, ou peut-être pas, cela n'a pas donné lieu à une éruption de protestations.

 

 

Quand fera-t-on le ménage dans l'audiovisuel public

 

Oui quand ? Ça commence à bien faire.

 

 

 

 

 

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J
Les échantillons prélevés autour de BFAS révélent quant à eux un taux de fipronil qui s’élève jusqu’à 0,259 microgrammes par litre, soit 336 fois supérieur au seuil de risque environnemental.<br /> => c'est quoi BFAS?<br /> => c'est quoi le seuil du risque environnemental?
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Bonjour,<br /> <br /> Meilleure réponse, à mon avis: BFAS = BASF.