Overblog Tous les blogs Top blogs Technologie & Science Tous les blogs Technologie & Science
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
MENU
Publicité
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

« Sa majesté le maïs » de Mme Sylvie Brunel

20 Septembre 2024 Publié dans #Recension

« Sa majesté le maïs » de Mme Sylvie Brunel

 

 

Mme Sylvie Brunel – géographe, ancienne présidente d'Action contre la Faim, longtemps professeur de géographie à la Sorbonne, auteur de nombreux ouvrages sur la sécurité alimentaire et le développement durable – a un amour particulier pour le maïs, « La plante que nous adorons détester mais qui sauve pourtant le monde ».

 

Elle lui avait consacré un ouvrage, « Géographie amoureuse du maïs » (Lattès) en 2012.

 

Douze ans après, c'est « Sa majesté le maïs » (éditions du Rocher).

 

C'est en quelque sorte un pot pourri de choses très sérieuses – accessibles à tout le monde (ou presque) – et de choses plutôt anecdotiques. Bref, on se régale. Ce serait aussi un message politique important, essentiel même, s'il pouvait être entendu par les décideurs. Mais je mets ici un conditionnel au vu de l'indigence assez généralisée de ce petit monde.

 

De l'histoire de la plante, des peuples précolombiens, de la nation américaine, à la conquête du monde et d'un nombre considérables de secteurs que nous appellerons « économiques », on passe à la situation actuelle que nous pouvons décrire par trois têtes de chapitre : « Géopolitique du maïs : la denrée stratégique », « L'Europe, ou l'art de marquer contre son camp » et « Le meilleur ami de l'humanité ».

 

Autrement dit, un livre qui est aussi d'une grande actualité.

 

Voici, pour en dire un peu plus, le prologue :

 

« Le merveilleux mal-aimé

« La pluie aux pieds danseurs, aux longs cheveux

Les chevilles mordues par la foudre,

La pluie descend, accompagnée par les tambours ;

Le maïs ouvre les yeux et croît. »

Octavio Paz, Reliefs

 

Sa Majesté le Maïs nourrit le monde. Les Bulgares le désignent comme la plante des Tsars. Les Aztèques l’appelaient Son Altesse. Il a créé la nation américaine. La gastronomie du maïs, céréale sans gluten, a de plus en plus d’adeptes. C’est la seule des grandes céréales nourricières du monde que les pauvres, tenaillés par la faim en période de soudure, peuvent consommer verte, sans attendre sa maturité. Le maïs sauve le monde de la famine.

 

Et, comme il nourrit les bêtes qui nourrissent les nouvelles classes moyennes du monde, en quête de précieuses protéines animales, tout en apportant des réponses à la nécessaire transition écologique et énergétique, l’Europe et la Chine s’affrontent sur les marchés internationaux, car ils en sont tous deux les premiers importateurs mondiaux.

 

Mais, si la Chine mise sur sa production interne, l’Europe maltraite au contraire ses producteurs en leur imposant des contraintes de plus en plus lourdes. Non seulement l’Europe, mais plus encore la France, alors qu’elle est la première exportatrice mondiale de semences de maïs, ce nerf de la guerre alimentaire ! Comment une telle faute est-elle possible ?

 

Pourtant, rien de plus nécessaire, de plus utile que le maïs. C’est simple : il sert à tout.

 

Il façonne des paysages d’exception, des forteresses végétales qu’affectionne toute une biodiversité commensale et sauvage. De telles murailles vertes, jaillies si rapidement de terre et si denses, qu’on en fait des labyrinthes festifs l’été !

 

Et il s’inscrit pleinement dans la transition écologique. Mais oui !

 

Avec le maïs, pas besoin de carburants fossiles : il peut servir de source d’énergie sans polluer. Il est aussi à la pointe de la chimie verte, celle du biosourcé.

 

Très peu traité, il produit beaucoup sans épuiser les sols et en optimisant l’eau qu’il reçoit. Aucune autre plante alimentaire ne capte autant de dioxyde de carbone en poussant. Un hectare de maïs produit deux fois plus d’oxygène qu’une forêt ! Petite usine à valoriser la lumière du soleil pour donner beaucoup de matière végétale, il s’inscrit parfaitement dans nos plans climat et nos objectifs de neutralité carbone. En poussant, non seulement le maïs nourrit l’humanité, mais il préserve la planète.

 

 

Et, pourtant, nous le détestons. Trop d’eau ! Trop de phytos1 ! Des OGM ! L’agriculture industrielle ! Productiviste ! Les méchants capitalistes ! Des semences de multinationales ! Trop de viande ! Aucune biodiversité ! Ce merveilleux maïs est devenu le bouc émissaire de nos peurs.

 

En un curieux racisme végétal, notre civilisation du blé n’aime pas cet étranger, tardivement venu d’ailleurs, ce « blé de Turquie » dont les longues soies et la pousse vigoureuse semblaient l’œuvre du diable.

 

Pas de plante plus belle pourtant, avec ses longs épis délicatement servis préemballés ! Déifié par les Mayas, dont le nom signifie peuple du maïs, il reste la céréale phare de l’Amérique latine, mais aussi de l’Afrique. Leurs populations s’en nourrissent, donnent ses feuilles à leurs bêtes, utilisent sa tige et ses rafles comme matériaux et comme combustibles.

 

 

Rendons justice à cet accusé sans preuves !

 

Dans le maïs, tout est bon. Rien ne se perd. Tout fait richesse. Pour les pauvres, comme pour les riches. Polyvalent, ubiquiste, généreux, adaptable, peu exigeant, le maïs pousse partout dans le monde, du Danemark à l’Afrique du Sud, de la Colombie à l’Éthiopie, mais aussi en Ukraine, en Chine, en Corée… Plus de 150 pays le cultivent. C’est une des plantes phares de la mondialisation et du changement climatique.

 

Celle qui reste célébrée par les Amérindiens : la plante des Dieux.

 

Celle de la sécurité alimentaire des plus pauvres : la plante des gueux2.

 

Celle des pauvres qui deviennent enfin riches : la plante des bœufs.

 

Celle de la chimie du biosourcé et de l’énergie renouvelable : la plante des pneus.

 

Celle qui capte et stocke une quantité record de CO2 : la plante des cieux.

 

 

« Oui, mais il consomme trop d’eau. » Ce réflexe de Pavlov, les contempteurs du maïs ont réussi à l’implanter dans toutes les têtes. Justifiant les actions les plus violentes et les plus stupides contre ceux qui n’ont qu’un seul tort : nous nourrir.

 

Quelle aberration ! Contre celui qui l’a semé. Contre celui qui espérait manger. Mais aussi contre la nature.

 

Trop d’eau ? Au contraire ! Loin de gaspiller l’eau, le maïs l’économise.

 

Je pousse le bouchon trop loin ? Pas du tout ! Le maïs fait tomber la pluie. Comme l’Amazonie. Plante dite en C4, il capte une quantité record de CO2 et rend avec prodigalité à l’atmosphère, au cultivateur et à la terre ce dont il a bénéficié.

 

À condition bien sûr que l’eau soit au rendez-vous, mais cette eau, qu’il s’agisse de la pluie ou de l’irrigation – un quart seulement du maïs cultivé en France est irrigué – est utilisée au mieux. Et la recherche ne cesse d’inventer de nouvelles variétés, de plus en plus économes, mais toujours prolifiques. De bonnes semences sont un miracle d’intelligence et d’agronomie.

 

Vous en doutez ? Je le prouve à la fin de ce livre !

 

Cessons de faire subir à la plus majestueuse des céréales le si honni délit de faciès.

 

Je vous emmène au cœur de l’univers du maïs, notre planète, nos cultures, notre futur. Nature et nurture, terme qui signifie nourrir, mais aussi élever, la céréale des Dieux est d’abord une plante de civilisation, celle de l’humanité. Et de la planète.

 

_________

 

1. Je sais, vous dites « pesticides », mais je déteste ce mot. Traiter les plantes et les animaux, c’est exactement comme nous traiter, nous. Si on ne se traite pas, on meurt. En plus, le maïs est très peu traité, justement, j’en reparlerai. Sans utiliser ce mot si négatif. Produits phytosanitaires, phytos donc, oui. Pesticides, non. Ou alors, quand vous avez mal à la tête, des frissons, des boutons, une tumeur, un virus, un cancer, dites : je viens de prendre un pesticide, pour me soigner.

 

2. J’emprunte la formule à Christophe Labarde dans La civilisation du maïs (Hachette, 2002) : « La plante des Dieux devient la plante des gueux », quand elle arrive en Europe et sauve les paysans de la famine, comme elle est aujourd’hui providentielle dans les campagnes africaines.

 

 

Publicité
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article