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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

La guerre cruelle de Greenpeace contre les plantes génétiquement modifiées se poursuit

2 Septembre 2024 Publié dans #Riz Doré, #Greenpeace, #Philppines, #Activisme

La guerre cruelle de Greenpeace contre les plantes génétiquement modifiées se poursuit

 

Henry I. Miller et Kathleen Hefferon, ACSH*

 

 

Riz Doré et riz conventionnel

 

 

Greenpeace s'est peut-être engagée à « sauver les baleines », mais elle est heureuse de laisser des enfants pauvres devenir aveugles et mourir.

 

 

« Leurs yeux racontent leurs tristes histoires, leurs iris blancs fantomatiques laissant place à des regards vides. Nous pouvons les regarder, mais ils ne peuvent pas nous regarder en retour. Ils sont devenus aveugles à cause de la malnutrition », déplore V. Ravichandran, un agriculteur qui décrit des enfants souffrant d'une carence en vitamine A. « Je vois ces gens dans toute l'Inde. »

 

Le fléau de la cécité et de la mort est une double tragédie : d'une part, parce que la cécité due à une carence en vitamine A (CVA) est un signe précoce d'une débilitation potentiellement mortelle, et que les deux tiers des personnes atteintes mourront dans l'année ; d'autre part, parce que la CVA pourrait être évitée grâce à une technologie agricole moderne et accessible.

 

Au fil des ans, en partie sous l'égide des Nations Unies, divers efforts palliatifs ont été déployés pour tenter de ralentir le fléau, notamment en distribuant des suppléments de vitamine A et en essayant d'éduquer les villageois désespérément pauvres sur les changements de régime alimentaire. Tous ont échoué.

 

Il existe une solution, et une seule, qui pourrait fonctionner à l'échelle mondiale : le riz enrichi en vitamine A, connu sous le nom de « Riz Doré ». La seule chose qui bloque ce traitement mondial est une coalition de groupes de pression, menée par Greenpeace International, qui a intimidé le public et manipulé certains régulateurs et tribunaux pour leur faire croire que l'obstruction à la révolution du génie génétique est une cause plus importante que la préservation de la vie d'enfants vulnérables.

 

En avril, un tribunal philippin, agissant sur la base d'une plainte déposée par Greenpeace, a annulé l'autorisation de commercialisation du Riz Doré dans le pays – une décision que même le très libéral [ma note : au sens américain, de gauche] The Guardian (Royaume-Uni), opposant de longue date aux plantes génétiquement modifiées et ancien allié de Greenpeace sur cette question, a qualifiée de honteuse.

 

 

 

 

Cette décision soudaine, prise alors que le premier lot de riz était prêt à être récolté, a eu des répercussions dans le monde entier. Les scientifiques de pays souffrant d'insécurité alimentaire, tels que l'Inde et le Bangladesh, craignent que la voie vers l'autorisation commerciale d'importantes plantes génétiquement modifiées dans leur propre pays ne soit plus difficile que jamais depuis ce dernier revers. Les conséquences seront ressenties de la manière la plus aiguë par les pauvres, ce qui pourrait entraîner 100.000 nouveaux décès d'enfants chaque année.

 

Les variétés de Riz Doré tirent leur nom de leur couleur, due à la présence de bêta-carotène, précurseur de la vitamine A. Le riz est un aliment de base pour des centaines de millions de personnes, en particulier en Asie. Mais s'il est une excellente source de calories, il manque de certains micronutriments nécessaires à une alimentation complète. Dans les pays en développement, 200 à 300 millions d'enfants en âge préscolaire risquent de souffrir d'une carence en vitamine A. Cette carence accroît leur vulnérabilité aux infections telles que la rougeole et les maladies diarrhéiques. Chaque année, environ un demi-million d'enfants deviennent aveugles à cause de la carence en vitamine A, et 70 % d'entre eux meurent dans l'année qui suit la perte de la vue.

 

 

 

 

Dans les années 1980 et 1990, les scientifiques allemands Ingo Potrykus et Peter Beyer ont mis au point les variétés de « Riz Doré » qui sont biofortifiées, ou enrichies, par l'introduction de gènes qui permettent à l'endosperme comestible du riz de produire du bêta-carotène, le précurseur de la vitamine A. Les plantes de riz produisent du bêta-carotène dans les feuilles mais pas dans les grains. Potrykus et Beyer ont donc inséré deux gènes – l'un provenant d'une bactérie, l'autre du maïs – qui permettent de synthétiser le bêta-carotène dans la partie comestible de la plante également. Compte tenu de sa capacité à prévenir la CVA, le Riz Doré pourrait contribuer à la santé humaine au même titre que le vaccin Salk contre la polio.

 

 

Ingo Potrykus (g) et Peter Beyer, les inventeurs du Riz Doré, lors des premiers essais sur le terrain en 2004 à l'Université d'État de Louisiane à Baton Rouge (Golden Rice Humanitarian Board).

 

Mais l'opposition irrationnelle, intéressée et acharnée aux essais et à la disponibilité à grande échelle du Riz Doré a été une priorité pour les activistes. Le plus important d'entre eux est Greenpeace, un mastodonte riche et malfaisant qui possède des bureaux dans plus de 40 pays et dont la machine de relations publiques vise à priver des millions d'enfants des pays les plus pauvres des nutriments alimentaires essentiels dont ils ont besoin pour éviter la cécité et la mort.

 

 

Pourquoi le Riz Doré n'est-il pas encore disponible dans le monde entier ?

 

Peu après l'annonce du prototype du Riz Doré, Michael Pollan, auteur influent dans le domaine de l'alimentation, a écrit un article dans le New York Times Magazine critiquant le Riz Doré comme une sorte de cheval de Troie, un moyen pour les entreprises de biotechnologie agricole de « marquer un point plutôt que de résoudre un problème de santé publique ». Lui et d'autres détracteurs malavisés de la biotechnologie ont fait une promotion agressive de bon nombre des critiques formulées par les groupes militants contre le génie génétique, en créant des mèmes et slogans simplistes et fallacieux qui ont fait des ricochets sur l'internet. En voici un exemple :

 

Greenpeace est devenu l'opposant le plus important et le plus bruyant au Riz Doré. En collaboration avec des alliés de la communauté des opposants aux biotechnologies, elle a intimidé des fonctionnaires et fomenté une opposition populaire aux approbations réglementaires des variétés de plantes génétiquement modifiées. Trop souvent, les autorités réglementaires ont traîné les pieds ou ont capitulé.

 

Greenpeace s'est farouchement opposée au génie génétique appliqué à l'agriculture dès les premiers jours du génie génétique moléculaire – la technologie de l'ADN recombinant – pour produire ce que l'on appelle des « OGM », ou « organismes génétiquement modifiés ». Son opposition remonte à 1995, lorsque l'organisation a annoncé qu'elle avait « intercepté un colis contenant des semences de riz génétiquement manipulées pour produire un insecticide toxique, alors qu'il était en cours d'exportation [et] échangé les semences génétiquement manipulées avec du riz normal ». [I. Meister, « Uncontrolled Trade in Genetically Manipulated Products », communiqué de presse, 7 avril 1995].

 

Les semences de riz génétiquement améliorées pour résister aux insectes qui ont été volées par Greenpeace étaient en route de l'Institut Fédéral Suisse de Technologie de Zurich vers l'Institut International de Recherche sur le Riz aux Philippines. Les semences modifiées devaient être testées pour confirmer qu'elles pousseraient et produiraient des rendements élevés avec beaucoup moins d'applications de pesticides chimiques.

 

Greenpeace a ignoré le large consensus scientifique de longue date sur la sécurité des plantes génétiquement modifiées, qui résulte de milliers d'expériences d'évaluation des risques et d'une vaste expérience du monde réel. Rien qu'aux États-Unis, plus de 90 % du maïs, du soja et de la betterave à sucre sont génétiquement modifiés et, après des décennies de consommation de milliers de milliards de portions d'aliments issus de plantes génétiquement modifiées dans le monde entier, aucun problème de santé ou d'environnement n'a été documenté.

 

 

L'opposition de Greenpeace est fondée sur la pseudo-science et l'idéologie

 

L'opposition de Greenpeace repose sur de fausses représentations scientifiques. Elle affirme depuis longtemps que les plantes génétiquement modifiées sont intrinsèquement dangereuses et imprévisibles parce que le processus utilise des gènes « étrangers » – obtenus à partir d'une bactérie inoffensive d'une autre espèce – pour faciliter la modification.

 

Représentation du maïs transgénique par Greenpeace

 

Lorsque les scientifiques ont trouvé un moyen de modifier les semences sans utiliser de gènes hétérologues (non natifs) – un processus connu sous le nom d'édition de gènes, dont CRISPR, introduit en 2013, est l'exemple le plus marquant – Greenpeace a changé de cap. Elle affirme désormais que tout le génie génétique est dangereux car il transforme la production alimentaire en une « expérience de génie génétique aux résultats inconnus et potentiellement irrévocables ». Selon son récent manifeste, CRISPR « exacerbera les effets négatifs de l'agriculture industrielle sur la nature » – une affirmation absurde et insoutenable. (L'auteur du récent manifeste de Greenpeace et le chef de son unité scientifique ? Un étudiant en philosophie à l'université.)

 

Greenpeace a également attaqué l'efficacité du produit, alléguant que les niveaux de bêta-carotène dans le Riz Doré sont trop faibles pour être efficaces ou si élevés qu'ils seraient toxiques. Or, les essais d'alimentation ont montré que le riz était très efficace pour prévenir la carence en vitamine A, et la toxicité est pratiquement impossible car la conversion du bêta-carotène en vitamine A dans l'organisme est régulée et cesse lorsque les niveaux de vitamine A dans le sang dépassent les valeurs normales.

 

Sans fondement rationnel pour son antagonisme, l'organisation a été contrainte d'adopter une stratégie cynique de « fake news » pour tenter d'effrayer les pays en développement qui envisagent d'adopter ces produits qui sauvent des vies. Dans un article de 2012, par exemple, Greenpeace a affirmé à tort que « s'il est introduit à grande échelle, le Riz Doré peut exacerber la malnutrition et, en fin de compte, compromettre la sécurité alimentaire ». Les psychiatres appellent cela une projection : la véritable menace pour les pauvres et les personnes vulnérables n'est pas le génie génétique, mais Greenpeace et ses semblables.

 

En 2014, les économistes agricoles Justus Wesseler et David Zilberman ont calculé l'impact des retards dans l'approbation réglementaire du Riz Doré. Ils ont indiqué que l'absence de Riz Doré avait entraîné la perte d'environ 1,4 million d'années de vie au cours de la décennie précédente, rien qu'en Inde. Dix ans plus tard, le bilan ne cesse de s'alourdir.

 

L'histoire du Riz Doré, qui est potentiellement devenu disponible pour la première fois en 2000, est une histoire longue et tortueuse, qui a nécessité près de deux décennies d'épreuves et de tribulations. Mais au milieu des années 2000, après de nombreuses années d'essais sur le terrain (qui ont parfois été vandalisés ou détruits par des militants anti-ingénierie génétique, dont Greenpeace), le riz était prêt pour un déploiement à grande échelle. Seuls Greenpeace et ses compagnons de route activistes s'y opposaient.

 

En 2016, plus de 150 lauréats du prix Nobel ont envoyé une lettre ouverte à Greenpeace, à l'ONU et à d'autres organismes, citant le potentiel du Riz Doré pour améliorer la santé des pauvres et l'importance générale des plantes génétiquement modifiées pour améliorer le rendement des cultures, renforcer les moyens de subsistance des agriculteurs et réduire l'impact sur l'environnement grâce à une moindre utilisation d'intrants chimiques.

 

Progressivement, l'impasse a fini par se débloquer. En 2021, les Philippines sont devenues le premier pays à autoriser officiellement la culture commerciale du Riz Doré. La culture s'est ensuite arrêtée en avril de cette année, lorsqu'un tribunal a fait droit à une requête de Greenpeace visant à bloquer la commercialisation du Riz Doré dans ce pays. Cette décision de justice a eu des répercussions dans le monde entier. Les scientifiques de pays souffrant d'insécurité alimentaire, tels que l'Inde et le Bangladesh, craignent que la voie vers l'autorisation commerciale d'importantes plantes génétiquement modifiées dans leur propre pays ne soit plus difficile que jamais depuis ce dernier revers. Les conséquences seront ressenties de la manière la plus aiguë par les pauvres, ce qui pourrait entraîner 100.000 nouveaux décès d'enfants chaque année.

 

 

Les dangers de la « science de précaution »

 

La décision du mois d'avril de révoquer cette approbation était basée sur le « principe de précaution », un principe douteux et souvent utilisé comme outil ou arme. Il n'existe pas de définition généralement acceptée de ce « principe », mais dans sa formulation la plus courante, les gouvernements devraient mettre en œuvre des mesures réglementaires pour prévenir ou restreindre les actions qui soulèvent des risques, même conjecturaux, d'atteinte à la santé humaine ou à l'environnement, même si les preuves scientifiques de l'importance potentielle de ces dangers sont incomplètes. Il ne dit rien sur la quantité de preuves nécessaires pour prouver un résultat négatif, c'est-à-dire l'absence de risque.

 

Le recours au principe de précaution est parfois présenté comme « se mettre du côté de la sécurité » ou un « mieux vaut prévenir que guérir », l'idée étant que l'absence de réglementation suffisante des activités à risque pourrait entraîner de graves dommages pour la santé humaine ou l'environnement, et que la « surréglementation » n'entraîne que peu ou pas de dommages. En brandissant ce faux « principe », les groupes de défense de l'environnement ont obtenu des gouvernements, au cours des dernières décennies, qu'ils s'attaquent aux industries chimique, alimentaire, agricole, nucléaire et autres.

 

Les risques potentiels doivent, bien entendu, être pris en considération avant d'entreprendre toute nouvelle activité ou d'introduire tout nouveau produit, qu'il s'agisse de l'implantation d'une centrale électrique ou de l'introduction d'un nouveau médicament dans la pratique médicale. Cependant, le principe de précaution se concentre uniquement sur la possibilité que des technologies présentent des risques uniques, extrêmes ou ingérables, même après que des essais considérables ont déjà été effectués.

 

Ce qui manque à l'abaque de la précaution, c'est la reconnaissance du fait que même lorsque les technologies introduisent de nouveaux risques, nombre d'entre elles confèrent des avantages nets bien supérieurs, c'est-à-dire que leur utilisation réduit de nombreux autres dangers, souvent bien plus graves. Les transfusions sanguines, les greffes d'organes et les airbags automobiles en sont des exemples, qui offrent tous d'immenses avantages pour un risque minime.

 

Comme à son habitude, Greenpeace a induit le tribunal en erreur en présentant des préoccupations de précaution non étayées par des faits au sujet du Riz Doré. Les scientifiques ont défendu cette céréale salvatrice, mais en tant qu'universitaires indépendants – aucune entreprise n'a été impliquée dans le financement ou le développement du Riz Doré – ils ne disposaient pas des ressources de lobbying et de l'exposition publique de Greenpeace.

 

La récente décision de justice rendue aux Philippines est un double coup dur pour les populations les plus pauvres du monde, qui n'ont pas de pouvoir politique et ne peuvent pas se défendre contre les élucubrations mensongères de Greenpeace. Cette décision a eu des répercussions au Bangladesh, en Inde et dans d'autres pays souffrant d'insécurité alimentaire. Ces pays considéraient sérieusement le Riz Doré comme une prochaine étape pour améliorer leurs programmes alimentaires et agricoles, mais ils risquent maintenant de subir un contrecoup similaire à celui qui s'est produit aux Philippines.

 

Le « succès » cynique de Greenpeace montre à quel point les systèmes de réglementation des technologies du génie génétique sont fragiles et ténus, et à quel point ils peuvent être facilement attaqués et corrompus. La diabolisation des plantes génétiquement modifiées se poursuit, et ce sont les plus pauvres des pauvres qui en souffrent le plus.

 

______________

 

Kathleen L. Hefferon est professeur de microbiologie à l'Université de Cornell. Retrouvez Kathleen sur X @Khefferon.

 

Henry I. Miller, médecin et biologiste moléculaire, est le Glenn Swogger distinguished fellow de l'American Council on Science and Health (consel américain pour la science et la santé). Il a été le directeur fondateur du Bureau des Biotechnologies de la FDA. Retrouvez Henry sur X @HenryIMiller.

 

Source : Greenpeace's Cruel War on Genetically Engineered Crops Grinds On | American Council on Science and Health (acsh.org)

 

Ma note : Le 15 août 2024, un ciur d'appel a maintenu l'essentiel de l'arrêt du 17 avril, en particulier concernant le Riz Doré et l'aubergine Bt.

 

Les turpitudes de Greenpeace et de ses alliés n'exonèrent pas les juges de leur responsabilité (ou irresponsabilité) dans une mise en œuvre de règles de droit relevant fondamentalement du « principe de précaution » qui ne laisse aucune chance aux nouvelles technologies et aux innovations en exigeant un niveau de preuve de l'absence de risque matériellement et juridiquement inatteignable.

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F
Combien de temps durera encore le pouvoir de nuisance de Greenpeace? Chaque fois que j’évoque ce genre de scandale on le regarde avec incrédulité…
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