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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

L'histoire de la misère lorsque les agriculteurs sont contraints de passer à l'agriculture biologique

22 Septembre 2024 Publié dans #Agriculture biologique, #Sri Lanka

L'histoire de la misère lorsque les agriculteurs sont contraints de passer à l'agriculture biologique

 

Jack DeWitt, AGDAILY*

 

 

Image : SHEE HENG CHONG, Shutterstock

 

 

Que se passe-t-il lorsqu'un État ou un pays impose la production biologique à tous ses agriculteurs ? Il y a quelques exemples.

 

En 2018, un petit État indien, le Sikkim, a été reconnu par l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture comme le premier État 100 % biologique au monde et s'est vu décerner le UN Future Gold Policy Award, parfois appelé l'Oscar des Meilleures Politiques.

 

Le Sikkim se trouve dans le nord-est de l'Inde, blotti dans les montagnes de l'Himalaya et bordé par le Tibet, le Bhoutan, le Népal et le Bengale occidental. Le riz est la culture la plus importante, mais le blé, l'orge, les orangers, le thé et la cardamome sont également très répandus.

 

Le chemin vers le 100 % biologique a commencé en 2003 avec une politique gouvernementale visant à convertir les 76.000 hectares et les 66.000 agriculteurs de l'État à la production biologique. C'est ainsi qu'une période de dix ans d'éducation aux pratiques biologiques a été lancée, ponctuée par l'interdiction des pesticides et des engrais de synthèse, assortie d'amendes ou de courtes peines de prison en cas d'utilisation de ces produits.

 

 

 

 

La presse internationale considère la transformation du Sikkim comme une grande réussite et un exemple de la manière dont le monde peut être nourri avec des produits biologiques. Mais il y a des problèmes. Les agriculteurs ne prospèrent pas et beaucoup d'entre eux ont abandonné et sont partis s'installer dans les villes. L'offre d'engrais et de pesticides biologiques est insuffisante et coûteuse, et les subventions publiques sont trop faibles.

 

Les exploitations agricoles du Sikkim ne peuvent pas produire suffisamment de nourriture pour nourrir la population de l'État, et bien que les importations soient censées être uniquement biologiques, des produits non biologiques moins chers provenant des États limitrophes trouvent le moyen d'entrer et de concurrencer les agriculteurs du Sikkim. Certains agriculteurs du Sikkim, situés le long de la frontière, importent des produits de synthèse malgré la menace d'une peine de prison ou d'une amende.

 

L'autre exemple est une catastrophe. Le Sri Lanka, une île de 22 millions d'habitants située dans l'océan Indien, a entrepris en avril 2021, juste avant la saison des semailles, de forcer les agriculteurs à pratiquer l'agriculture biologique en interdisant l'importation d'engrais et de pesticides de synthèse. (Certains affirment que cette décision a été davantage motivée par la nécessité de conserver des réserves de dollars que par des préoccupations concernant les effets des pesticides et des engrais de synthèse sur l'environnement.) Quatre-vingt-dix pour cent des agriculteurs sri-lankais cultivaient leurs produits à l'aide de pesticides et d'engrais modernes. Ils n'avaient aucune expérience de l'agriculture biologique et les rendements ont chuté.

 

Les prix des denrées alimentaires sont devenus hors de portée de nombreux Sri Lankais. Le prix du riz a augmenté d'un tiers et celui de certains légumes a été multiplié par cinq. En août 2021, le gouvernement a déclaré l'état d'urgence alimentaire. Les produits agricoles ont été confisqués et les prix ont été contrôlés pour protéger les consommateurs, ce qui n'a fait qu'exacerber le problème d'approvisionnement. En novembre 2021, l'interdiction d'importation a été levée, mais cela n'a pas aidé la récolte de 2021.

 

 

Plantation de thé au Sri Lanka (Image : Anton Gvozdikov)

 

 

Au printemps 2022, le pays était en faillite, non seulement à cause d'une mauvaise politique agricole, mais aussi d'une mauvaise politique fiscale. Il n'y avait plus d'argent pour importer les produits phytosanitaires et les engrais dont les agriculteurs avaient besoin. Les denrées alimentaires étaient rares et chères. Le pays était dans la tourmente. En juillet, le président a été chassé de la ville et s'est réfugié aux Maldives, tandis que des manifestants incendiaient sa résidence.

 

Le monde doit prendre note de ces exemples. Lorsque les pays se lancent dans l'agriculture biologique, les rendements diminuent et les importations de denrées alimentaires en provenance d'autres pays doivent augmenter, ce qui sollicite davantage les sols des pays exportateurs.

 

L'Europe va dans cette direction. Dans le cadre de sa politique « De la ferme à la table », l'UE s'engage à réduire de 50 % l'utilisation des pesticides de synthèse et de 20 % celle des engrais d'ici à 2030. Les importations et les exportations de denrées alimentaires de l'UE sont actuellement à peu près égales. Les importations sont appelées à augmenter à mesure que les rendements diminuent et que de plus en plus de terres deviennent non rentables et sont abandonnées.

 

En moyenne, l'Europe importe aujourd'hui 55 millions de tonnes de fruits et légumes frais par an, soit 40 % du volume annuel mondial des échanges. L'Afrique est l'un des principaux exportateurs de fruits et légumes vers l'Europe. Or, l'Afrique est déjà un continent en déficit alimentaire.

 

______________

 

Jack DeWitt est un agriculteur-agronome dont l'expérience s'étend sur plusieurs décennies, depuis la fin de l'élevage de chevaux jusqu'à l'ère du GPS et de l'agriculture de précision. Dans son livre « World Food Unlimited », il raconte tout cela et prédit comment nous pourrons avoir à l'avenir un monde où la nourriture sera abondante. Une version de cet article a été republiée à partir d'Agri-Times Northwest.

 

Source : History of misery when farmers are forced to go organic | AGDAILY

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