Investir dans les agriculteurs, c'est soutenir tous les maillons de la chaîne de valeur
Lucy Wangari Wanjiku, Réseau Mondial d'Agriculteurs*
L'idée m'est venue pendant que je dormais – appelez cela un light-bulb moment, un moment d'illumination, à propos des bulbes d'oignon.
Je m'appellerai le « Docteur Oignon ».
Ce nom implique que je suis une conseillère de confiance et une source de solutions innovantes. Il s'agit de diagnostiquer les défis auxquels les agriculteurs sont confrontés et de prescrire des pratiques efficaces et durables qui conduisent à de meilleures récoltes et à une augmentation des revenus. En tant que femme d'affaires, cela signifie mon engagement profond à révolutionner la culture de l'oignon au Kenya et au-delà, en ayant un impact significatif sur la vie de ceux qui dépendent de cette culture essentielle, un bulbe d'oignon à la fois.
En tant qu'agricultrice et agronome au Kenya – et en tant que Docteur Oignon – j'ai travaillé avec plus de 8.000 producteurs d'oignons pour leur fournir des plants résistants à la sécheresse, des systèmes d'irrigation au goutte-à-goutte, des analyses de sol, un système IoT [Internet des Objets] solaire de surveillance des parasites et des maladies, et l'accès au marché. Mon objectif est de les aider à produire plus de nourriture que jamais auparavant.
Les résultats sont éloquents : en travaillant avec ces agriculteurs, nous avons vu leurs rendements presque quadrupler, passant de quatre tonnes d'oignons par acre à 15 tonnes par acre [de 10 tonnes/hectare à 37 tonnes/hectare], avec une augmentation des revenus de 67 %.
Au cœur de mon activité se trouve la conviction que les agriculteurs sont à la base de la chaîne de valeur. Le passage d'un produit de la ferme à l'assiette implique des efforts considérables de la part de nombreux acteurs qui travaillent dans tous les domaines, de la production au transport en passant par la vente au détail.
Les agriculteurs sont le cœur et l'âme de la chaîne de valeur – le sang qui la fait battre. Sans eux, il n'y a pas de nourriture. Lorsqu'ils prospèrent, tout le monde en profite.
Pourtant, ils sont souvent négligés ou considérés comme acquis.
Je ne suis pas née dans une famille d'agriculteurs et je n'ai donc pas grandi en sachant beaucoup de choses sur l'origine des aliments. Pourtant, dès mon plus jeune âge, j'ai voulu devenir chef d'entreprise. Ma mère m'a fait découvrir le monde des affaires et j'ai commencé à lire beaucoup sur la richesse.
Je ne cessais de me poser des questions : que puis-je faire pour gagner un shilling kenyan par jour obtenu d'un million de Kényans ?
Pour ceux que cela intéresse : il faut environ 130 shillings kényans pour avoir un dollar américain et environ 140 pour un euro.
Si c'est le fait de gagner ma vie qui m'a poussée à faire carrière dans l'agriculture, c'est la passion que j'ai développée qui m'a retenue. Là où de nombreuses personnes voyaient un travail difficile et peu récompensé, je n'ai vu que des opportunités et un parcours professionnel qui est devenu plus qu'une profession. L'agriculture est ma vocation.
Le ménage kenyan type mange environ deux oignons par jour. Dans un pays qui compte environ 12 millions de foyers (et plus de 50 millions d'habitants), cela fait beaucoup d'oignons.
Malgré cette forte demande, les agriculteurs kenyans ne produisent qu'environ 30 % des oignons consommés par les Kenyans.
Je suis tout à fait favorable au commerce international. La circulation transfrontalière des biens et des services est un élément fondamental de la prospérité économique. Partout, les agriculteurs dépendent des exportations.
Toutefois, il est également judicieux, dans la mesure du possible, de produire les aliments à proximité des lieux de consommation. Je sais que le Kenya peut produire davantage d'oignons, en particulier grâce à l'amélioration des technologies et à l'échange d'informations.
J'ai pu constater de visu les avantages du transfert de connaissances entre agriculteurs lorsque j'ai étudié en Israël. J'ai eu la chance de passer près d'un an au Centre International de Formation Agricole d'Arava, où j'ai appris l'agriculture en classe et sur le terrain.
J'ai été impressionnée par la sécheresse du sud d'Israël et par la façon dont les agriculteurs israéliens ont réussi à tirer des aliments de cette région aride. Cela a changé mon point de vue et m'a renvoyée au Kenya, déterminée à transformer les régions arides du Kenya en panier alimentaire pour le pays.
Nous le faisons avec des oignons, en initiant les agriculteurs aux merveilles de l'agriculture de précision, qui nous permet de produire plus de nourriture avec moins d'eau, et en développant des technologies adaptées aux petits exploitants.
La technologie change la donne, mais son coût peut être élevé. Les agriculteurs ont besoin d'un meilleur accès aux options de financement pour rendre les équipements de pointe plus abordables. Nous avons également besoin de plus de programmes éducatifs qui améliorent les connaissances et les compétences des agriculteurs, ainsi que d'un soutien à la recherche et au développement d'adaptations locales.
Mais le jeu en vaut la chandelle, car lorsqu'on investit dans les agriculteurs qui sont à la base de la chaîne de valeur, on aide tous les autres maillons de la chaîne, jusqu'au consommateur.
La possibilité de faire une différence tangible dans la vie des Kenyans ordinaires me motive chaque jour. Je veux contribuer à la durabilité et à la prospérité de nos communautés. Je vois au-delà des barrières traditionnelles et je relève les défis. Je m'efforce d'aider les agriculteurs à obtenir de meilleurs résultats et à jouir d'une stabilité financière.
Ma grande ambition est d'améliorer la santé de la culture de l'oignon au Kenya, et c'est pourquoi je suis le Docteur Oignon.
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* Lucy Wangari Wanjiku
Lucy Wangari Wanjiku, The Onion Doctor, est agronome de formation et produit des oignons et des plants d'oignons dans sa ferme de 2 acres [80 ares] dans le comté de Kajiado, au Kenya. Sa ferme d'oignons spécialisée utilise des technologies modernes pour la lutte contre les ravageurs et l'irrigation.
Source : When You Invest In Farmers You Support Every Link in the Value Chain – Global Farmer Network