« Dialogue stratégique » européen : unanimité pour la fin de la prime à la surface pour les agriculteurs
Norbert Lehmann, AGRARHEUTE*
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Le soutien à l'agriculture européenne doit être mieux ciblé, recommande le rapport final du dialogue stratégique sur la PAC.
Les recommandations du dialogue stratégique sur la PAC pourraient révolutionner la politique agricole européenne. Le groupe d'experts recommande la fin de la prime à la surface et un soutien au revenu ciblé pour les exploitations qui en ont besoin.
La présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, a reçu aujourd'hui (4 septembre) le rapport final du dialogue stratégique sur l'avenir de l'agriculture dans l'UE qu'elle a mis en place.
Sous la présidence du professeur Peter Strohschneider, qui dirigeait déjà la Commission allemande pour l'Avenir de l'Agriculture (ZKL), le groupe de 29 experts [ma note : j'enrage en voyant ce mot !] a élaboré une série de recommandations pour la politique agricole commune (PAC).
Le rapport final, adopté à l'unanimité, équivaut à une révolution de la politique agricole de l'UE : le soutien au revenu des agriculteurs devrait à l'avenir être attribué de manière ciblée selon des critères socio-économiques qui tiennent compte des besoins des exploitations.
Cela signifierait la fin de la prime à la surface, telle qu'elle est aujourd'hui au cœur de la PAC.
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Le professeur Peter Strohschneider remet le rapport final du dialogue stratégique sur la PAC à la présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen.
Le rapport final fait des recommandations dans 14 domaines thématiques. Ce qui est remarquable, c'est que M. Strohschneider a réussi à amener les représentants des groupes d'intérêts les plus divers, de Greenpeace aux associations d'agriculteurs de l'UE, à un consensus conceptuel sur l'avenir de l'agriculture européenne.
Les perspectives communes « constituent une approche globale et sociétale pour atteindre les objectifs environnementaux, climatiques, économiques et sociopolitiques de l'UE », a déclaré M. Strohschneider lors de la présentation du rapport à Bruxelles.
Mme von der Leyen a annoncé qu'elle tiendrait compte de ces recommandations dans sa vision de la politique agricole et alimentaire, que la nouvelle et ancienne présidente de la Commission entend présenter au cours des 100 premiers jours de son second mandat.
Le rapport final du dialogue stratégique recommande de renforcer la position des agriculteurs dans la chaîne de valeur.
Le soutien au revenu doit être orienté vers les exploitations qui en ont particulièrement besoin. Sont concrètement cités les jeunes agriculteurs, les nouveaux venus, les petites exploitations, les exploitations mixtes et celles situées dans des régions naturellement défavorisées.
Un groupe de travail indépendant doit à cet effet développer des mécanismes de répartition et des critères mesurables. Le concept de réorientation du soutien aux revenus devrait être disponible à temps pour la prochaine réforme agricole de l'UE, à partir de 2028.
Un système de référence à l'échelle de l'UE doit être développé pour une agriculture plus durable. Les paiements environnementaux et climatiques doivent créer des incitations pour atteindre des objectifs environnementaux ambitieux.
Un fonds de transition (« Temporary Just Transition Fund ») doit être créé en dehors du budget agricole de l'UE afin de soutenir la transition vers la durabilité.
La Banque Européenne d'Investissement (BEI) devrait mettre à disposition un paquet de crédits spécial pour le secteur agricole.
En outre, la Commission européenne devrait à l'avenir veiller davantage à ce que la politique du commerce extérieur et la politique de durabilité soient compatibles.
M. Strohschneider a déclaré que l'agriculture européenne était prisonnière d'une « situation perdant-perdant ». Une politique qui ignore la rentabilité de l'agriculture ne peut pas plus fonctionner qu'une politique qui ignore les exigences de la protection de l'environnement et du climat.
Le rapport final du dialogue stratégique recommande donc, pour une réduction des émissions de gaz à effet de serre de l'agriculture, de développer un système global de mesure des émissions. Des stratégies d'action concrètes doivent être élaborées pour l'élevage et le bien-être animal. Le groupe d'experts renonce à fixer des objectifs quantitatifs pour la réduction du nombre d'animaux ou de la densité d'occupation. Il recommande également une réduction de l'utilisation de produits phytosanitaires et d'engrais chimiques.
D'autres recommandations concernent l'alimentation. Selon le panel d'experts, la part des protéines végétales dans l'alimentation humaine devrait augmenter.
M. Strohschneider a exprimé l'espoir que « l'énergie, l'originalité et la collégialité du dialogue stratégique puissent être maintenues à l'avenir à des fins similaires ». Pour ce faire, le rapport final recommande la création d'un European Agrifood Board (EBAF) pour renforcer la culture de coopération du secteur. Mme von der Leyen a salué cette idée.
Dans un premier commentaire sur le rapport final, le ministre fédéral de l'Agriculture, Cem Özdemir, a salué l'approche consistant à récompenser à l'avenir les prestations sociales de l'agriculture en fonction des revenus. Les agriculteurs attendent à juste titre des aides appropriées pour que leur engagement en faveur de l'environnement, de la biodiversité, du climat et du bien-être animal soit également récompensé financièrement, a souligné M. Özdemir.
Il est bon que le dialogue stratégique se prononce en faveur d'une PAC qui récompense avant tout ces prestations d'intérêt général et utilise davantage les paiements directs à cet effet. Ce n'est pas un rejet du soutien au revenu, bien au contraire.
M. Özdemir a déclaré que la présidente de la Commission et son futur collège seraient jugés sur le sérieux avec lequel les propositions esquissées seront mises en œuvre.
Dans une première réaction, l'Union Allemande des Agriculteurs (DBV) salue le fait que la Commission Européenne accorde plus d'importance au principe d'un dialogue plus approfondi sur l'avenir de la politique agricole.
Pour le président de la DBV, Joachim Rukwied, il y a cependant un net potentiel d'amélioration des résultats : « Le rapport final présenté aujourd'hui est, en tant que document de travail, une base pour de futures discussions, mais il faut maintenant encore y travailler intensivement. »
M. Rukwied a rappelé que les agriculteurs avaient protesté pour moins de bureaucratie et un meilleur revenu. La sécurité alimentaire et la compétitivité ont été considérablement négligées dans les priorités de la Commission jusqu'à présent. Le résultat du dialogue stratégique n'est pas, du point de vue de l'agriculture, le changement de cap politique nécessaire « pour lequel nous sommes descendus dans la rue au début de l'année ».
Les organisations faîtières des associations et coopératives d'agriculteurs de l'UE (Copa/Cogeca) ont salué la reconnaissance de l'agriculture et de l'industrie agroalimentaire comme des secteurs stratégiques pour l'Europe. Parmi les principaux résultats, le Copa/Cogeca a souligné l'importance d'un financement adéquat des transitions nécessaires.
La présidente du Copa, Christiane Lambert, a déclaré : « Ce rapport doit être considéré comme le début d'un processus constructif qui conduira à une vision plus équilibrée et stratégique de l'agriculture sous Ursula von der Leyen ». Nous devons poursuivre le dialogue et impliquer le Parlement Européen et le Conseil, a demandé Mme Lambert.
M. Jan Plagge, le président de la Fédération des Mouvements d'Agriculture Biologique en Europe (IFOAM Europe), a déclaré que le dialogue stratégique n'avait pas été une promenade de santé, mais qu'il s'était avéré être une initiative précieuse pour surmonter la polarisation actuelle sur les questions agricoles.
M. Plagge a participé au dialogue stratégique au nom du secteur de l'agriculture biologique. Dans le cadre du dialogue, il a été possible de trouver une voie commune pour l'agriculture de l'UE qui se situe dans les limites de la planète et qui concilie la durabilité écologique avec un revenu équitable pour les agriculteurs, a déclaré M. Plagge.
Il y a un large consensus sur le fait que la transition vers des systèmes d'exploitation durables est nécessaire et devrait être rentable pour les agriculteurs. Cela impliquera une réforme en profondeur de la politique agricole de l'UE.
La présidente de la Commission Européenne, Mme von der Leyen, avait annoncé le dialogue stratégique dans son discours sur l'état de l'Union (« State of the Union – SOTEU ») le 13 septembre 2023 au Parlement Européen à Strasbourg. À cette occasion, elle avait laissé entendre qu'elle souhaitait un changement de cap dans la politique agricole de l'UE.
« Nous avons besoin de plus de dialogue et de moins de polarisation », avait constaté Mme von der Leyen, après que le Green Deal, en particulier, a été de plus en plus rejeté par les agriculteurs.
Le dialogue stratégique a réuni des parties prenantes de toute la chaîne alimentaire, notamment des agriculteurs, des coopératives, des entreprises agroalimentaires et des communautés rurales, ainsi que des organisations non gouvernementales (ONG), des représentants de la société civile, des institutions financières et des universités.
Le professeur Peter Strohschneider a été nommé président en raison de sa longue expérience, notamment en tant que président de la « Zukunftskommission Landwirtschaft » allemande. Le document stratégique présenté aujourd'hui a été élaboré par les participants au dialogue au cours de sept réunions organisées entre janvier et août 2024 et a été adopté à l'unanimité la semaine dernière.
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* Norbert Lehmann travaille depuis plus de 25 ans comme journaliste spécialisé. Après des études d'économie agricole à Bonn, le service de presse et d'information Agra-Europe a été sa première étape professionnelle. Il a fait de fréquents séjours à Bruxelles en tant que correspondant. Ensuite, activités au sein du groupe d'édition Handelsblatt, dans les relations publiques scientifiques ainsi qu'en tant qu'indépendant. Depuis 2012, il travaille au dlv, en dernier lieu en tant que chef de la rubrique Management & Markt à la rédaction d'AGRARHEUTE.
Source : Agrarexperten einstimmig für Ende der Flächenprämie für Landwirte | agrarheute.com
Ma note : Le titre d'origine est : « Les experts agricoles unanimes pour la fin de la prime à la surface pour les agriculteurs ».