Pinocchio serait fier : la vague croissante des mythes sur les vaccins et autres escroqueries scientifiques
Barbara Pfeffer Billauer et Henry Miller, ACSH*
Les réseaux sociaux sont d'importants pourvoyeurs de désinformation sur la santé (y compris des mensonges purs et simples), alimentés et fertilisés par des célébrités qui savent tout et par une poignée de médecins anticonformistes, et soutenus par des organisations peu recommandables dont les noms paraissent légitimes. Une escroquerie récente fait état d'une étude de l'American Heart Association (AHA), affirmant à tort que le vaccin contre la Covid est lié à des malformations cardiaques. Cependant, les dangers de la désinformation ne se limitent pas aux vaccins et n'ont pas cessé avec la diminution de l'utilisation des vaccins.
Certaines allégations de « science fictive » sont tout simplement absurdes – par exemple, un tweet du 31 mai sur X par le « Big Idea Speakers Bureau » (avec plus de 9.000 adeptes) proclamait :
« Si seulement les gens faisaient des recherches sur la théorie des germes. Ce n'est pas difficile. Il existe des dizaines de livres, de vidéos, d'articles, qui prouvent tous que les virus pathogènes n'existent pas. »
Pas de virus pathogènes ? Voilà qui devrait surprendre les innombrables personnes qui ont souffert d'infections virales telles que la grippe, la varicelle, la rougeole, l'hépatite, l'herpès, le zona, la Covid-19, etc. (sans parler de l'histoire de la polio et de la variole).
L'étendue de l'imposture scientifique propagée au sujet des vaccins contre la Covid, en particulier, est stupéfiante. Cette campagne (qui n'est rien d'autre qu'un effort concerté et organisé) est sophistiquée et insidieuse, le message variant en fonction du public visé. Pour l'immigrant clandestin, la rhétorique prétend que le vaccin implante une puce de localisation ; les communautés qui révèrent la procréation sont informées que le vaccin provoque la stérilité, et PolitiFact a rapporté des affirmations selon lesquelles « les protéines spiculaires des vaccins remplacent les spermatozoïdes chez les mâles vaccinés ». Un site affirme que les personnes vaccinées sont « magnétisées ». Selon Kaiser Permanente et l'American Heart Association, ces fabrications persistent :
« [En fait] ...les fausses informations sur la vaccination contre la Covid et les malformations cardiaques attribuées à l'association peuvent se répandre... »
Les réseaux sociaux amplifient le problème. Des études montrent que plus de 60 % des personnes s'appuient sur les réseaux sociaux pour s'informer sur la santé, et que la plupart d'entre elles ne prennent pas la peine de vérifier les faits [1]. Les influenceurs disposent ainsi d'une vaste plate-forme pour colporter leurs illusions sans être contrôlés. Une partie de la science fictive est populaire, mais une grande partie est dirigée par des anarchistes organisés, dont la Russie est le noyau. Comme le rapporte la revue Nature, « des organisations multimillionnaires, constituées principalement aux États-Unis et employant jusqu'à 60 personnes chacune », dynamisent les initiatives anti-vax.
Par exemple, des empreintes étrangères ont été trouvées sur une caricature publiée sur un forum de discussion d'extrême droite montrant des policiers portant des gilets pare-balles avec les logos de la campagne Biden-Harris enfonçant une porte à l'aide d'une grosse seringue. Une légende disait notamment : « Dans l'Amérique de Biden », suggérant que l'administration Biden était sur le point d'ordonner des vaccinations obligatoires pour tous.
Cette caricature incendiaire et d'autres campagnes similaires ont été attribuées à une ferme de trolls russes dont la mission est de semer le trouble politique aux États-Unis. Ce groupe cultive et exploite les anti-vax étrangers en tant qu'« idiots utiles » dans le cadre de sa mission visant à nuire aux Américains et aux citoyens d'autres pays occidentaux.
« Sans exagération, des dommages importants pour la société et les individus découlent de la diffusion gratuite d'informations médicales erronées. »
Le dernier scandale en date, la dénaturation d'une étude scientifique sur le syndrome cardiovasculaire, rénal et métabolique pour étayer faussement l'affirmation selon laquelle les vaccins contra la Covid provoquent un excès de malformations cardiaques, ne décourage pas seulement l'adoption des vaccins, mais aussi l'utilisation de médicaments et d'appareils cardiaques. L'American Heart Association a été sans équivoque :
« La déclaration scientifique 2023 de l'American Heart Association sur la santé cardiovasculaire et rénale ne contient aucune référence à la vaccination contre la Covid-19 ou à des vaccins de quelque nature que ce soit. » (C'est nous qui graissons.)
Un autre mythe anti-vaccin est que les vaccins contre la Covid-19 sont liés à la mort soudaine et inexpliquée de jeunes gens. Ce mythe a attiré l'attention des théoriciens du complot sur les réseaux sociaux avec le hashtag #diedsuddenly. Certains événements réels, comme l'arrêt cardiaque du joueur des Buffalo Bills Damar Hamlin, ont alimenté des spéculations sans preuves. Le fait est qu'un petit nombre de personnes de tous âges meurent soudainement d'arythmies cardiaques, d'accidents vasculaires cérébraux, de crises d'épilepsie et d'autres causes, indépendamment de leur statut vaccinal.
La décision d'accepter ou non un traitement particulier implique des considérations complexes de mise en balance. Toutes les interventions comportent des risques. Une personne, comme un médecin, disposant d'une expertise, d'une expérience pertinente et de connaissances spécialisées, peut aider à faire le tri entre ces influences concurrentes. Si un faible risque de myocardite peut être associé aux vaccins contre la Covid, ce n'est pas le seul facteur à prendre en compte. Les risques de Covid-19 aiguë et de Covid longue doivent être mis en balance avec le risque de la vaccination. Selon le CDC, les risques liés à l'infection par le SARS-Cov-2 dépassent de loin les risques connus liés aux vaccins, qu'ils soient cardiaques ou autres. La « mafia de la désinformation » voudrait vous faire croire le contraire.
Si de nombreux mythes concernent des produits ou des dispositifs affectant la santé des individus, les affirmations inexactes sur la sécurité des vaccins affectent également la santé publique : les segments de la population trop âgés, trop jeunes, trop infirmes ou trop immunodéprimés pour bénéficier au maximum des vaccins eux-mêmes sont obligés de compter sur l'adhésion et la solidarité de la société pour ralentir la propagation des infections. Un autre objectif de la désinformation diffusée sur les sites de science fictive est de graisser la patte des escrocs qui vendent de fausses « alternatives naturelles » aux interventions médicalement prouvées.
« L'exposition à long terme à l'acide borique peut potentiellement causer des dommages aux testicules, au système endocrinien et au fœtus en développement. »
Si la désinformation liée aux vaccins retient le plus l'attention, il existe d'autres cibles. Une récente campagne lancée sur TikTok recommandait d'ajouter quotidiennement une « pincée de borax » à un verre d'eau pour « aider à prévenir l'ostéoporose, soulager les douleurs articulaires, briser les calculs rénaux, combattre la fatigue chronique et augmenter les niveaux de testostérone pour les hommes souffrant de dysfonctionnement érectile », etc. Foutaises ! Le borax peut être toxique et, bien qu'il s'agisse d'un excellent produit de nettoyage, il a été interdit dans les denrées alimentaires aux États-Unis. Selon Mme Kelly Johnson-Arbor, médecin toxicologue et co-directrice médicale du National Capital Poison Center :
« Le borax peut [...] provoquer des vomissements ou des diarrhées bleu-vert en cas d'ingestion. Avec le temps, il peut provoquer une anémie et des crises d'épilepsie et [...] se tremper dans le borax peut provoquer des éruptions cutanées qui font apparaître la peau en rose vif comme un homard bouilli et peut commencer à la faire tomber ».
Ces avertissements n'ont toutefois pas empêché la consommation et les conséquences fâcheuses.
Il y a de nombreux autres exemples. Une autre tendance popularisée sur TikTok par une entreprise, Nose Slap, consiste à inhaler des sels odorants, qui peuvent être toxiques lorsqu'ils sont mal utilisés ou utilisés sur de longues périodes. TikTok affirme avoir mis en place des règles pour lutter contre la désinformation, mais nombreux sont ceux qui s'en moquent.
« Des chercheurs ont constaté que l'outil de recherche de TikTok semble conçu pour orienter les utilisateurs vers de fausses affirmations dans certains cas. Lorsque les chercheurs ont tapé les mots "vaccin Covid" dans l'outil de recherche, par exemple, l'outil a suggéré des recherches sur des mots clés tels que "vaccin Covid accusé" et "vaccin Covid malade". »
Grâce au trafic d'influence sur YouTube, nous avons la boisson énergisante PRIME dont la teneur en caféine équivaut à environ six canettes de Coca-Cola et qui est potentiellement dangereuse pour les enfants. La société affirme qu'elle n'est pas destinée aux enfants, mais, selon le sénateur Charles Schumer, il n'y avait guère de différence notable dans le marketing en ligne entre les boissons hyper-caféinées et les boissons sans caféine de la société. Et, selon NBC News :
« Soutenu par deux des stars les plus connues de YouTube, PRIME a immédiatement fait sensation lors de son lancement l'année dernière, provoquant de longues files d'attente dans les épiceries et des rapports sur les marchés de revente dans les cours d'école. »
Alors que les défenseurs du premier amendement, les avocats et les laïcs vantent la liberté d'expression, il est difficile de mettre un frein à ce comportement dangereux, intéressé et générateur d'argent (pour les arnaqueurs).
Certains préconisent de poursuivre en justice les auteurs de ces dangereux mensonges, ce qui soulève divers obstacles juridiques et pratiques.
Même si l'on pouvait s'affranchir de l'obligation de prouver l'existence d'un lien de causalité direct entre l'acteur et l'acte (pour intenter une action en responsabilité civile), il faudrait également établir l'existence d'un préjudice ou d'un dommage. Si nous voulons bloquer le torrent de boue avant qu'un dommage ne se produise, le droit de la responsabilité civile arrive trop tard.
Une autre possibilité serait d'exiger des avertissements sur les messages incriminés des réseaux sociaux, indiquant clairement les affirmations inexactes et médicalement erronées – mais si le gouvernement est impliqué, cela soulève des questions relatives au premier amendement sur la question de savoir qui a le droit de prendre cette décision. (Il existe une jurisprudence qui soutiendrait cette approche – en particulier pour les messages commercialement avantageux.)
Certains demandent instamment que les conseils médicaux suspendent ou révoquent les licences des médecins qui se livrent au trafic de pseudo-science. Cela s'est produit dans certaines juridictions, mais la barre est haute, et il y a eu peu d'appétit pour cela.
Et puis il y a le gouvernement, qui a essayé d'influencer les réseaux sociaux pour qu'ils s'autocontrôlent. Nous verrons bientôt si nos juristes suprêmes comprennent à quel point ces messages sont dangereux.
Une approche relativement nouvelle pourrait être employée contre ceux qui se livrent au commerce de « science fictive » pour de l'argent. Selon le professeur Max Helveston de l'Université de Houston, expert en commerce de consommation, des poursuites au titre de la loi sur la Commission Fédérale du Commerce (Federal Trade Commission Act) pourraient constituer un recours. Espérons-le.
Bien qu'il soit difficile de concevoir un contrôle juridiquement acceptable des informations délirantes et dangereuses qui circulent sur les réseaux sociaux, nous devons trouver un moyen d'empêcher les escrocs, les marchands de peur et les fous de nuire à leurs concitoyens américains.
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[1] Ce phénomène ne se limite pas aux États-Unis.
* Barbara Pfeffer Billauer, JD MA (Occ. Health) Ph.D., est professeur de droit et de bioéthique au sein du programme international de bioéthique de l'Université de Porto et professeur de recherche en science de l'État à l'Institute of World Politics à Washington DC.
Henry I. Miller, médecin et biologiste moléculaire, est Glenn Swogger Distinguished Fellow à l'American Council on Science and Health. Il a été le directeur fondateur du Bureau des Biotechnologies de la FDA. Retrouvez Henry sur X @HenryIMiller.
Source : Pinocchio Would Be Proud: The Growing Tide of Vaccine Myths and Other Scam Science | American Council on Science and Health (acsh.org)