Overblog Tous les blogs Top blogs Technologie & Science Tous les blogs Technologie & Science
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
MENU
Publicité
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Encore une hydrologue toutologue sur un France Inter agribasheur  !

16 Août 2024 Publié dans #critique de l'information, #Activisme

Encore une hydrologue toutologue sur un France Inter agribasheur  !

 

 

(Source)

 

 

À la réflexion, le fait que Mme Charlène Descollonges soit hydrologue – à l'instar d'une certaine habituée des plateaux – est accessoire. Le scandale, c'est l'instrumentalisation d'un propos inepte, mais salonfähig dans la bobosphère, et l'invisibilisation de deux agriculteurs par France Inter.

 

 

C'était dans le « 7/9 », dans « L'invité de 8 heures 20 : le grand entretien » de France Inter, le mercredi 14 août 2024.

 

 

Une invitée... et deux autres intervenants...

 

Si nous avons bien compris, l'invitée était Mme Charlène Descollonges, présentée comme ingénieure hydrologue. Cela ressort en particulier du compte rendu sur internet, « Le modèle agricole français "est en retard", face au changement climatique, estime Charlène Descollonges ».

 

Dans cette séquence de 21 minutes, intervenaient également – et longuement – un céréalier de l'Indre et un viticulteur de la Gironde. Il faut bien écouter, et vérifier sur Internet, pour savoir qu'il s'agissait de M. Nicolas Pailloux, également président de la Chambre d'Agriculture, et de M. Stéphane Gabard, également président du Syndicat des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieurs.

 

C'est à cette occasion que nous avons découvert sur la liste des résultats de la recherche un renvoi vers Radio France plus explicite. Mais on aboutit au même texte que sur France Inter...

 

 

 

 

... invisibilisés !

 

Un texte qui fait l'impasse – osons le barbarisme : totale – sur les réponses précises, pédagogiques et pertinentes de ces deux messieurs dans une séquence bien menée avec des questions judicieuses !

 

Le problème ne se situe donc pas au niveau de l'émission elle-même – répétons : de bonne facture – mais de ce qui en a été fait sur les sites du service public, ainsi que sur X (ex-Twitter) où on n'a retenu que ce qui a suscité notre ire et incité à écrire cet article.

 

Soyons donc clairs : c'est une insulte faite à ces deux agriculteurs et à la profession agricole toute entière.

 

 

France Inter n'a produit que deux posts sur X. Voici le deuxième. (Source)

 

 

Le « morceau de bravoure »

 

Notre service public national n'aura donc retenu que les déclarations de Mme Charlène Decollonges et, pour sa titraille, le « morceau de bravoure » en réponse à la question de savoir si on n'était pas en retard par rapport au changement dlimatique.

 

À bien regarder la vidéo – les coups d'oeil régulièrement jetés sur le côté par Mme Charlène Descollonges –, les questions lui ont sans doute été communiquées au préalable. Voici ce qui a été retenu dans l'article sur Internet :

 

« Elle déplore un modèle agricole français "en retard", face au changement climatique. "Il n’est pas du tout adapté au futur du climat. On n’a jamais pris en considération des sols. Ils sont morts. Nos sols ne sont plus capables d'absorber toute cette pluie qui va s'abattre en un temps record. Et ces sols ne sont plus capables non plus de retenir l'eau en temps de sécheresse.»

 

Dans le détail, c'est :

 

« Évidemment, on est en retard. Le modèle agricole que l'on a n'est pas du tout adapté au futur du climat.

 

Là, ce dont on n'a absolument pas parlé au cours de cet entretien, c'est les sols. On n'a jamais pris en considération les sols. Aujourd'hui, on les considère comme des supports. Et aujourd'hui, ils sont morts. Nos sols, ils ne sont plus capables d'absorber toute cette pluie qui va s'abattre en un temps record. Et ces sols ne sont plus capables non plus de retenir l'eau en temps de sécheresse.

 

Donc, revenir à des pratiques qui vont permettre de diversifier les assolements, diversifier les cultures, ne plus compter que sur trois ou quatre cultures, mais diversifier jusqu'à dix cultures sur une parcelle, allonger les périodes de rotation, mettre des légumineuses pour capter l'azote et ensuite l'injecter dans les sols. Tout ça, des couverts végétaux, remettre de la matière organique dans les sols, tout ça permettra de s'adapter face à des extrêmes hydrologiques.

 

Donc ça, c'est un panel de solutions techniques, remettre des haies, des arbres, etc., évidemment.

 

On a le panel de solutions économiques, recalibrer nos exploitations par rapport à ce qu'elles sont capables de produire. On est parti sur un objectif de 110 quintaux à l'hectare. Est-ce que c'est bien raisonnable face aux extrêmes climatiques que l'on va avoir ? Revenir peut-être à des rendements plutôt autour de 50 quintaux à l'hectare, ce qu'on peut retrouver en bio.

 

 

(Source)

 

 

Et enfin, on a un panel de solutions politiques et là c'est plus à l'échelle nationale et européen, mais priorisé vers l'alimentation humaine. Vous avez parlé du blé. Est-ce que ça va augmenter le prix du pain ? Non, puisque 31 % de la transformation du blé tendre, c'est pour l'alimentation animale. Donc revoir aussi notre alimentation. »

 

Publicité

 

 

Le discours de la bien-pensance

 

Il serait bien fastidieux de relever toutes les âneries et autres lieux communs d'un discours stéréotypé, fondamentalement décroissantiste et yakafokon. Des agriculteurs et d'autres s'y sont collés sur X (voir par exemple Olivier – Ferme du pré ou Alexandre Baumann, qui aborde aussi les énormités, devenues standard, sur les « mégabassines » (vers 15:45 de la vidéo).

 

Non, « le modèle agricole », ça n'existe pas. Non, les sols n'ont jamais été considérés comme des « supports », ni hier ni aujourd'hui, et ils ne sont pas « morts » dans les milieux agricoles.

 

Diversifier les assolements jusqu'à dix espèces sur chaque parcelle sur la France entière (si nous avons bien compris), ou peut-être dans le cadre d'une rotation ? Lesquelles ? Pour quels débouchés et usages ? Avec quelles contraintes et quelle rentabilité pour les agriculteurs et l'économie en général ? Etc.

 

En bref, diviser les rendements par deux par un choix délibéré d'autolimitation – revenir aux rendements du début des années 1970 en blé et en maïs – n'est aucunement une réponse aux défis climatiques (météorologiques). Ah oui, le maïs est species non grata...

 

Et, bien sûr, imposons un changement de l'alimentation, avec sans doute une police de l'assiette. On aimerait savoir comment les prescripteurs entendent s'y prendre pour la transition et, même comment ils imaginent le nouveau paysage agricole. Il faut manger moins de viande... mais cultiver plus de légumineuses fixatrices d'azote, donc... fourragères. Il faut manger moins de viande... donc avoir moins d'animaux... mais augmenter les apports de matière organique sur les champs.

 

 

(Source)

 

(Source)

 

 

(Source)

 

 

Qu'on ne prenne pas cela pour du conservatisme, un refus d'évoluer. L'évolution se fera – par les agriculteurs – en fonction de facteurs multiples, certains contradictoires –, mais pas sur la base d'injonctions ou de préconisations irréfléchies et irresponsables.

 

“Toutes les idéologies politiques qui ont voulu modifier le monde paysan ont échoué parce que le monde agricole ne peut être géré par des théories, il est régi par la réalité.”

Olivier de Kersauson, Homme libre…

Publicité

 

Et les « panels de solutions » ne sont pas des solutions aux évolutions climatiques et météorologiques.

 

 

Le choix éditorial de France Inter (et plus largement du service public)

 

En dernière analyse, le problème réside dans le choix éditorial, ici sur Internet et X. Et c'est l'agribashing.

 

Quand on affirme : « Aussi, on n’a jamais pris en considération les sols. Ils sont morts. », le « on » se réfère au premier chef aux agriculteurs, puisqu'ils sont les gestionnaires des sols.

 

C'est infâme, mais hélas dans l'air du temps.

 

 

Une « invitée » bien particulière

 

Sur X, France Inter a pris une note de la communauté :

 

« L'invitée est une "chercheuse indépendante" ne publiant pas dans des revues scientifiques et qui fait la promotion de fausses sciences ou allant à l'encontre du consensus scientifique (mémoire quantique de l'eau, sols morts, etc.). »

 

Il est vrai que son entretien sur Aquagir, « Charlène Descollonges : “L’hydrologie régénérative s’inscrit pleinement dans les solutions fondées sur la nature », a de quoi faire réagir :

 

« Un nouveau paradigme émerge autour des propriétés quantiques de l’eau. La recherche scientifique est encore très balbutiante sur ce sujet, mais je suis assez sensible à l’idée que l’eau porte une mémoire et une certaine énergie. Cette question est à la croisée des savoirs scientifiques et des savoirs ancestraux qui sont préservés au sein des peuples autochtones. Un programme de recherche interdisciplinaire est d’ailleurs en cours entre des scientifiques de l’eau et les Kogis de Colombie pour croiser ces deux grilles de lecture – scientifiques et sensibles – autour d’un même bassin hydrographique. »

 

On y trouve aussi :

 

« Je ne suis pas une experte agricole, mais... »

 

 

France, où va ta rationalité ?

 

Mais élargissons la cible de notre indignation :

 

« Cet article [d'Aquagir] vous est proposé par Banque des Territoires

 

Créée en 2018, la Banque des Territoires est un des cinq métiers de la Caisse des Dépôts. [...]

 

Allô ! La Banque des Territoires ? Faites-vous la promotion de la mémoire de l'eau, celle qui a rendu célèbre Jacques Benveniste ? Du chamanisme ? Quel intérêt avez-vous trouvé dans cet article pour la concrétisation et l'accélération de la transformation des territoires ?

 

Et que pensez-vous de ceci :

 

« J’ai aussi bon espoir que l’on fasse avancer la question des droits des rivières et des fleuves en France. »

 

 

Errare humanum est...

 

Mais revenons à France Inter.

 

L'erreur est humaine... et on peut se planter pour un casting. Quoique...

 

La dame se présente sur Linkedin comme auteure et conférencière « engagée ». C'est là, en principe, un signal d'alarme. Sauf, bien sûr, si on prend cela comme une indication de conformité à la ligne éditoriale de la station. Ce n'est pas impossible, mais le choix des deux autres intervenants ne plaide pas en faveur de cette thèse. À moins de pencher pour le machiavélisme : deux agriculteurs parlant avec compétence et bon sens – et faisant preuve d'urbanité – font deux faire-valoir...

 

Quoi qu'il en soit, la question qui se pose est de savoir si France Inter – et les instances de régulation de l'audiovisuel – comptent réagir au shitstorm.

 

Corriger et compléter l'article sur Internet serait la moindre des choses. Non ?

 

 

M. Vincent Guyot montre un « sol mort » (Source)

 

Ajout du 17 août 2024 :

 

Mme Charlène Descollonges est revenue sur le sujet sur Linkedin. Un peu, beaucoup Tartuffe.

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article