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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Qu'en est-il du maïs GM et des herbicides à la suite des dernières élections présidentielles au Mexique ?

17 Juillet 2024 Publié dans #Mexique, #OGM, #Pesticides, #Glyphosate (Roundup), #Politique

Qu'en est-il du maïs GM et des herbicides à la suite des dernières élections présidentielles au Mexique ?

 

Val Giddings*

 

 

 

 

Thomas Jefferson a fait remarquer que « le plus grand service que l'on puisse rendre à un pays est d'ajouter une plante utile à sa culture... ». Le président mexicain sortant, Andrés Manuel López Obrador (AMLO), n'a pas compris cet aphorisme.

 

Sur ordre d'AMLO, le 13 février 2023, le gouvernement mexicain a publié un décret prétendument destiné à renforcer la sécurité et la souveraineté alimentaires du Mexique. Ce décret « interdit l'utilisation de maïs génétiquement modifié pour les pâtes et les tortillas » et demande aux autorités sanitaires de « mener des recherches scientifiques sur les impacts possibles du maïs génétiquement modifié sur la santé de la population ». Ces mesures ont été prises prétendument pour sauvegarder l'intégrité des variétés indigènes de maïs et pour évaluer si le maïs « génétiquement modifié » menace ou non la santé humaine. Le décret réaffirme également la responsabilité du gouvernement mexicain de veiller à ce que « les décisions phytosanitaires soient fondées sur des preuves scientifiques ».

 

Compte tenu des multiples erreurs factuelles contenues dans le décret, les États-Unis ont, à juste titre, émis des objections et demandé des consultations à Genève afin de discuter du conflit entre le décret et les obligations du Mexique en vertu des règles de l'OMC. Mais dans l'intervalle, la réalité s'est invitée, ce qui a conduit AMLO à suspendre son projet d'interdiction du maïs « OGM ».

 

Le 2 juin, le Mexique a élu Mme Claudia Sheinbaum pour succéder à AMLO. Ancienne maire de Mexico et choisie par AMLO, Mme Sheinbaum est une physicienne et une spécialiste des sciences de l'atmosphère qui a promis de poursuivre les politiques populistes du parti Morena d'AMLO. Malgré un bilan mitigé en tant que maire, sa réputation de pragmatique a fait naître dans certains milieux l'espoir que certaines des politiques anti-scientifiques d'AMLO pourraient être réparées.

 

 

Claudia Sheinbaum. Crédit : Wikimedia Commons

 

 

Mme Sheinbaum aura-t-elle le courage et la force exécutive nécessaires pour prendre les mesures qui s'imposent ?

 

 

Victoire(s) commerciale(s)

 

Examinons de plus près les forces qui sous-tendent le différend entre le Mexique et les États-Unis sur les OGM et le glyphosate. Qu'est-ce qui, dans le maïs amélioré par les biotechnologies, a poussé AMLO à tenter de le bloquer ?

 

D'un point de vue culinaire et culturel, le maïs est sans doute plus important au Mexique que partout ailleurs dans le monde. Le Mexique est son centre d'origine, et son rôle en tant qu'aliment de base et pilier de l'alimentation est central depuis des millénaires. Le premier cri de ralliement lancé par les opposants au maïs « OGM » est donc, sans surprise, la « souveraineté alimentaire ». Ce terme, tel qu'il est utilisé ici, fait référence à la liberté des petits exploitants de cultiver leur propre maïs, traditionnellement à partir de semences qu'ils ont conservées. Les militants anti-OGM dépeignent le maïs importé comme une menace pour les petits exploitants, affirmant à tort que le maïs génétiquement modifié importé n'est pas sûr et qu'il menace l'intégrité des variétés indigènes, bien que le vrai problème semble être qu'il est souvent disponible à un prix avec lequel les petits producteurs locaux ne peuvent pas rivaliser. Les militants affirment qu'ils se battent « pour soutenir le droit du peuple mexicain à déterminer sa relation avec le maïs », mais, semble-t-il, seulement tant que le peuple évite le maïs « OGM ». Ils affirment également qu'une interdiction est nécessaire « pour protéger le maïs indigène de la contamination par les OGM », une affirmation amusante pour quiconque connaît l'origine du maïs.

 

L'ampleur de la manipulation humaine historique de la génétique du maïs est telle que la moitié des gènes du maïs moderne proviennent de lignées non-maïs, pour la plupart d'origine virale. Ces séquences ont été les moteurs de l'évolution du maïs, et un prix Nobel a été décerné à Barbara McClintock pour avoir commencé à comprendre ce qui se passait. Les gènes nous montrent que le maïs est loin d'être une plante « naturelle » (la signification du mot « naturel » est un sujet pour un autre jour). Il s'agit en fait d'un artefact purement humain, le résultat escompté de milliers d'années de manipulation génétique par les petits exploitants de l'actuel Mexique, qui comptent parmi les innovateurs informels les plus performants de l'histoire de l'humanité.

 

L'ancêtre du maïs moderne est une espèce de graminée qui est en fait une sorte de mauvaise herbe dans le sud du Mexique et en Amérique centrale : la téosinte. Les généticiens des plantes ont longtemps débattu avec vigueur de la relation exacte entre la téosinte et le maïs, et une image claire commence maintenant à émerger grâce aux techniques moléculaires modernes. Les faits essentiels sont clairs : les gardiens indigènes des variétés patrimoniales de maïs les ont activement hybridées entre elles, en conservant les résultats qui leur plaisaient et en rejetant ceux qui ne leur convenaient pas. Il y a cinquante ans, des chercheurs ont collecté au moins 59 variétés de pays [landraces] distinctes dans un État mexicain. Le nombre réel pour l'ensemble du pays n'est pas connu, mais il est sans doute beaucoup plus important. La conclusion la plus importante de toutes ces recherches est que la gestion de ces myriades de variétés a toujours été très dynamique. Les innovateurs informels qui ont cultivé ces variétés en constante évolution au cours des 9.000 dernières années ont échangé leurs gènes de toutes les manières imaginables. Sans les campagnes de propagande des opposants professionnels se présentant comme « verts », leur réaction certaine à l'annonce d'une variété de maïs résistante à des ravageurs serait d'en planter, de la croiser avec leurs variétés préférées et de travailler avec les résultats pour développer de nouvelles variétés plus désirables, comme ils l'ont fait depuis toujours. D'ailleurs, certains éléments indiquent que ce processus est peut-être déjà en cours.

 

Le maïs particulier cultivé aux États-Unis, auquel AMLO a cherché à refuser l'accès à ses compatriotes, a été amélioré par la biotechnologie grâce à l'ajout d'un gène qui code pour la production d'une protéine toxique pour la pyrale du maïs, un ravageur majeur. Cette protéine, découverte à l'origine dans une bactérie, Bacillus thuringiensis, est approuvée et largement utilisée par les agriculteurs biologiques en raison de sa sécurité et de son efficacité.

 

La sécurité et l'efficacité des cultures améliorées par la biotechnologie sont désormais bien établies. Il est tout à fait clair qu'elles permettent également de réaliser des progrès majeurs en matière de durabilité. Les agriculteurs du monde entier éliminent les obstacles qui les empêchent d'accéder à ces semences améliorées et se réjouissent des résultats obtenus. Il est désormais évident que le plus grand service que Mme Claudia Sheinbaum pourrait rendre aux petits agriculteurs qui constituent une part importante de la base de son parti politique serait de renverser les politiques inconsidérées d'AMLO en matière d'innovation biotechnologique agricole et de leur permettre d'accéder aux semences améliorées grâce aux biotechnologies le plus rapidement possible. L'histoire jugera.

 

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Val Giddings est titulaire d'un doctorat en génétique et en biologie évolutive de l'Université d'Hawaï. Il est également président-directeur général de PrometheusAB, Inc. et chercheur principal à la Fondation pour les Technologies de l'Information et l'Innovation. Vous pouvez suivre Val sur X @prometheusgreen

 

Une version de cet article a été publiée sur le site de la Fondation pour les Technologies de l'Information et l'Innovation. Suivez la Fondation sur X @ITIFdc

 

Source : What's next for GMO corn and herbicides in the wake of Mexico's latest presidential election? - Genetic Literacy Project

 

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