Nouvelle présidente du Mexique : nouveaux défis ou opportunités pour l'agriculture ?
Georgina Gutierrez, Réseau Mondial d'Agriculteurs*
Il faut espérer le meilleur et prévoir le pire.
C'est une bonne approche pour relever de nombreux défis, et c'est aussi ce que nous ressentons après l'élection présidentielle mexicaine du 2 juin, lorsque les électeurs ont porté Mme Claudia Sheinbaum à la présidence et donné à son parti Morena une large majorité législative.
En tant que couple de producteurs laitiers mexicains, nous avons un message simple à adresser à la présidente élue Sheinbaum et à ses alliés politiques : nous vous demandons d'arrêter la guerre contre les technologies agricoles.
Pendant sa campagne, Mme Sheinbaum a promis de soutenir et de renforcer bon nombre des politiques néfastes du président sortant Andrés Manuel López Obrador, surnommé « AMLO ».
Pourtant, chaque transition du pouvoir politique est l'occasion d'un nouveau départ, et la présidente élue Sheinbaum a peut-être fait preuve d'un certain pragmatisme immédiatement après sa victoire. Alors que le marché boursier chutait et que les taux de change se dégradaient, signe que les investisseurs s'inquiétaient de son programme, elle a demandé au secrétaire de l'IRS de confirmer qu'il resterait dans son équipe et a donné des garanties que la Banque Centrale (Trésor) resterait autonome.
Cette déclaration a permis aux marchés de se stabiliser quelque peu, du moins pour l'instant.
Lorsqu'elle prendra ses fonctions le 1er octobre, peut-être jettera-t-elle un nouveau regard sur l'agriculture.
Elle peut faire beaucoup mieux qu'AMLO.
Au cours des six dernières années, il a tant promis, mais pour les agriculteurs, il a été un désastre. Il a promu la « souveraineté alimentaire », ce qui semble être une bonne chose dans l'abstrait mais qui, dans la pratique, signifie un rejet des outils et des technologies qui ont aidé les agriculteurs d'autres pays à produire des récoltes abondantes.
Au lieu d'adopter les cultures biotechnologiques qui ont permis des récoltes record aux États-Unis et au Canada, AMLO a encouragé l'utilisation de variétés de maïs exclusivement mexicaines. Son administration n'a que récemment suspendu sa menace d'interdire le glyphosate, l'outil de protection des cultures le plus efficace et le plus populaire au monde.
Le résultat est à l'opposé de la souveraineté alimentaire : le Mexique importe plus de nourriture que jamais.
Bien entendu, nous devrions nous réjouir de la possibilité d'échanger des biens et des services dans le monde entier. L'année dernière, le Mexique a dépassé la Chine en tant que premier partenaire commercial des États-Unis, même si cela est davantage dû au déclin de la Chine qu'à l'amélioration du Mexique.
Les agriculteurs ont beaucoup à gagner du commerce international. Notre climat est idéal pour les fruits et légumes qui ne poussent pas bien aux États-Unis, au Canada et ailleurs. Il s'agit là d'un avantage concurrentiel majeur. Nous devons en tirer le meilleur parti.
Il s'agit également de la meilleure forme de souveraineté alimentaire : la possibilité pour les agriculteurs mexicains de se concentrer sur ce qu'ils savent faire, en utilisant les meilleurs outils et méthodes disponibles et en vendant ce qu'ils produisent à des clients dans leur pays et à l'étranger.
Cela nous rappelle la vieille boutade : « Mexicain » est une autre façon de dire « Mex-I-Can ».
Mais pour prospérer, nous avons besoin des meilleures technologies, qu'il s'agisse des cultures biotechnologiques qui ont fait leurs preuves depuis près de trente ans ou des semences génétiquement modifiées qui se profilent à l'horizon. Nous devons également avoir accès aux produits de protection des cultures qui nous aident à vaincre les ravageurs, les mauvaises herbes et les maladies qui constituent une menace constante.
Le Mexique dispose d'un formidable héritage en matière d'innovation agricole. Nous devrions nous appuyer sur cet héritage plutôt que de le rejeter.
C'est ainsi que nous pourrons promouvoir l'objectif d'une agriculture durable : exploitons les technologies qui nous permettront de produire plus de nourriture sur moins de terres que jamais auparavant, d'une manière qui préserve l'environnement et aide les agriculteurs à gagner leur vie.
AMLO s'est concentré sur l'assistanat – des paiements directs aux agriculteurs et à d'autres personnes qui n'ont guère de sens économique et qui ressemblent davantage à des pots-de-vin pour obtenir des votes.
Les agriculteurs n'ont pas besoin d'aumônes. Nous avons besoin de coups de pouce, de politiques qui récompensent le travail et nous permettent de prospérer. La présidente élue Sheinbaum pourrait commencer par restaurer (voire créer de toutes pièces) les programmes consacrés à la productivité, à l'efficacité et à la compétitivité. Si l'assurance, le financement et la vulgarisation étaient rétablis, l'agriculture serait réactivée d'elle-même.
Elle pourrait peut-être aussi cesser les attaques contre le glyphosate et admettre qu'il est là pour rester. Elle a le pouvoir de mettre fin à l'incertitude qui entoure ce produit sûr. La politique ne changera rien, mais les politiques publiques, si.
Le Mexique et la présidente élue Sheinbaum sont confrontés à une multitude de problèmes redoutables : dette, criminalité, violence, corruption, chômage, etc. L'ensemble de ces problèmes constitue une crise nationale.
Pour les agriculteurs et pour tout le monde, les choses risquent d'empirer avant de s'améliorer.
Nous espérons que la présidente élue Sheinbaum se rendra compte de l'importance de l'agriculture, de la valeur créée et de la façon dont le fait d'aider les agriculteurs à prospérer peut contribuer à améliorer la situation du Mexique.
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* Georgina Gutierrez
Gina Gutierrez est Agvocate de proximité pour le Réseau Mondial d'Agriculteurs. Elle est une éleveuse de vaches laitières de cinquième génération de la région centrale du Mexique. En 2015, Gina a lancé une page Facebook pour défendre la filière laitière. La Vida Lactea compte aujourd'hui près de 60.000 followers. Elle a obtenu une maîtrise en droit des sociétés. Elle écrit régulièrement pour les magazines Ganadero et Holstein de Mexico. En 2018, Gina a remporté le prix Kleckner du Global Farmer Network.
Source : New Mexican President: New Challenges or Opportunities for Agriculture? – Global Farmer Network