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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Écophyto : qui peut faire pire, peut faire plus pire !

3 Juillet 2024 Publié dans #Écophyto, #Pesticides, #Politique

Écophyto : qui peut faire pire, peut faire plus pire !

 

 

(Source)

 

Le gouvernement a remis une pièce dans le distributeur de baffes le 6 mai 2024 avec « Écophyto 2030 ». Et il n'a rien trouvé de mieux que d'en fabriquer un nouveau : « envisager, après une étude de faisabilité... » un fonds d'indemnisation des riverains atteints d'une maladie « en lien avec l’exposition prolongée et répétée aux produits phytopharmaceutiques [...] ». La formulation n'est pas anodine.

 

 

La saga en (pas très) bref

 

Les remous autour de la mise à jour du plan Écophyto se sont calmés dans les médias et sur les réseaux sociaux plus ou moins furieusement anti-pesticides – et inconscients ou dédaigneux de l'apport des produits phytosanitaires (ou « pesticides ») à la production agricole et alimentaire, et ce, en quantité comme en qualité. Que voulez-vous : quand on est bien nourri, on peut se permettre de cracher dans la soupe...

 

Un des derniers épisodes remarquables a été une chronique de M. Stéphane Foucart dans le Monde du 12 mai 2024 (date sur la toile), « Le nouveau plan Ecophyto constitue une authentique fraude démocratique » (c'est une citation tirée de l'article). Rien que ça !

 

Reprenons brièvement les divers épisodes de cette saga que nous avons exposée dans un article précédent, « Écophyto : press delete ! ».

 

« Écophyto 2018 », est un des produits du Grenelle de l'Environnement (septembre et décembre 2007), sous la mandature Sarkozy. Son objectif phare était la réduction des usages des pesticides. En quelque sorte sur un coin de nappe – c'est à dire notamment sans étude de faisabilité et d'impact – les enchères se sont arrêtées à -50 % pour les usages et 10 ans pour l'objectif temporel. Un participant plus avisé que les autres avait fait ajouter « si possible ». On m'a fait remarquer récemment que ce n'était pas M. Bruno Le Maire, alors ministre de l'agriculture, mais feu Xavier Beulin, alors président de la FNSEA.

 

Mais 50 % de quoi ? Le choix a finalement porté sur le NODU, le nombre de doses unités (la quantité de matière active vendue, divisée par la dose d'emploi à l'hectare recommandée).

 

L'objectif était bien sûr inatteignable : on ne commande pas aux mauvaises herbes, parasites et maladies des plantes ! Il y eut donc, sous la mandature Hollande, en octobre 2015, un « Écophyto 2 » (ou « II ») avec un objectif intermédiaire à -25 % en 2020 et un objectif final – sans doute avant une relance – repoussé à l'horizon 2025.

 

Sous la présidence Macron, en novembre 2018, le plan devint Écophyto 2+ (ou II+) par adjonction du plan d’actions du 25 avril 2018 sur « les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides » et du « plan de sortie du glyphosate » du 22 juin 2018.

 

Nous arrivons donc à fin 2023, avec un nouveau constat d'échec inéluctable.

 

Une commission d'enquête parlementaire sur « Les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale » a rendu son rapport le 21 décembre 2023. Elle y a notamment recommandé d'utiliser un autre indicateur, le HRI-1 (indicateurs de risques harmonisé 1) européen. Celui-ci estime le risque associé aux produits phytosanitaires vendus grâce à un système de pondération. Et il devait être utilisé dans le cadre d'un projet de règlement européen ambitieux qui est entre-temps tombé à l'eau.

 

Problème : alors que le NODU ne faisait ressortir aucune diminution, le HR-1 enregistrait selon la Commission Européenne une réduction des risques de 38 % entre la moyenne de 2011-2013 et 2021 en France. La nébuleuse anti-pesticide, soucieuse de l'intégrité de ses fonds de commerce, ne pouvait évidemment pas tolérer un tel constat de progrès – essentiellement obtenu grâce au retrait des matières actives les plus préoccupantes (sur la base des dangers et pas nécessairement des risques, mais c'est un autre débat).

 

Il y eut une autre levée de boucliers bien plus importante en janvier 2024 : les manifestations des agriculteurs. Le gouvernement trouva judicieux d'annoncer une « mise en pause » (ou « à l'arrêt » selon certains médias) du plan Écophyto, « le temps de mettre en place un nouvel indicateur et de reparler des zonages ».

 

Cela ajouta évidemment du grain à moudre pour la galaxie activiste, médiatique et politicienne anti-pesticides, laquelle s'empressa de présenter la chose comme une reculade ou une concession à la très honnie FNSEA.

 

 

Et voici Écophyto 2030

 

Le nouveau plan, « Écophyto 2030 », a été présenté à la presse le 6 mai 2024. Dans le bla-bla d'autosatisfaction on trouve :

 

« La stratégie Écophyto 2030 traduit la triple ambition de la France en matière agricole :

 

  • Préserver la santé publique et celle de l’environnement dans une logique "Une seule santé" ;

  • Soutenir les performances économique et environnementale des exploitations ;

  • Maintenir un haut niveau de protection des cultures par une adaptation des techniques utilisées.

 

Avec cette stratégie, la France poursuit son objectif d’une réduction de 50% de l’utilisation et des risques globaux des produits phytosanitaires, tout en se plaçant dans le respect d’un principe : "pas d’interdiction sans solution". »

 

Le NODU a été remplacé par le HRI-1, ce qui a notamment suscité la très grave accusation de « fraude démocratique » évoquée ci-dessus.

 

L'objectif de -50 % pourrait être atteint grâce au retrait du marché, en totalité ou pour des usages déterminés, de matières actives à coefficient élevé. Mais ce sera -50 % de l'indicateur, pas forcément des usages ! M. Stéphane Foucart a présenté une « expérience de pensée » qui illustre ce fait. C'est à juste titre, même s'il a choisi son exemple pour illustrer sa cause et son parti pris.

 

Le plan vient évidemment aussi avec un double péché mignon (enfin...) de tous les gouvernements et en particulier de celui qui vit maintenant ses dernières heures : l'interventionnisme et la dilapidation des deniers publics.

 

Il s'agit notamment, selon la France Agricole, d'« [a]ccélérer la recherche d’alternatives pour se préparer à la réduction du nombre de substances actives autorisées » et d'« [a]ccélérer le déploiement dans toutes les exploitations des solutions agroécologiques ».

 

L'État stratège lève sa baguette magique, comme Merlin l'Enchanteur, et tout se met en place ! Oups ! Il ne s'agit pas de trouver des alternatives – on les attend toujours, par exemple, pour la betterave à sucre, les pucerons et les jaunisses – mais simplement d'« accélérer la recherche »...

 

Et, à cet effet, on annonce les millions. Cela donne le tournis. Si nous avons bien compris, c'est :

 

  • 71 millions d’euros issus du programme Écophyto ;

     

  • 250 millions d'euros au titre de la planification écologique, dont 146 millions affectés à la recherche d’alternatives, 50 millions au guichet des agroéquipements et 20 millions alloués aux collectivités territoriales pour le traitement de l’eau polluée par des produits phytosanitaires.

     

  • 300 millions d’euros au titre de France 2030.

 

Il n'est pas sûr que tous ces fonds pourront être déployés, compte tenu de l'état des finances de la Nation. Ni que les fonds déployés le seront judicieusement. L'essentiel n'est-il pas d'afficher une mâle détermination dans la poursuite d'objectifs parfaitement définis sur le papier et fumeux sur le terrain ?

 

« Des moyens extrêmement importants sont mis pour la première fois sur la stratégie Écophyto 2030 », avait indiqué le ministère de l’Agriculture. L'obsédé textuel ne peut que s'esclaffer devant cette déclaration, relative à un plan qui était en cours de présentation.

 

 

Un fonds d'indemnisation des riverains ?

 

Le vaste catalogue des actions programmées, prévues ou envisagées comprend l'élément suivant :

 

« envisager, après une étude de faisabilité pilotée par le ministère chargé de la santé, la possibilité de mettre en œuvre et de financer un dispositif d’indemnisation des riverains voire d’autres catégories de personnes ayant contracté une maladie d’origine non professionnelle, en lien avec l’exposition prolongée et répétée aux produits phytopharmaceutiques [...] »

 

La formulation n'est pas anodine. C'est une quasi-promesse de mise en place d'un fonds. Si on avait été plus prudent, on n'aurait évoqué que la conduite d'une étude de faisabilité.

 

Une manœuvre récente – à laquelle ce régime du « en même temps » a peut-être répondu – illustre le problème : une avocate, ancienne ministre de l'environnement, a lancé une opération d'actions individuelles collectivisées à l'image de ce qu'avait été celle des « pisseurs de glyphosate ».

 

Vous pouvez y participer si vous êtes riverain d'une zone traitée – à moins de 150 mètres, excusez du peu – et que vous avez contracté une maladie comme un cancer de la prostate, un lymphome non hodgkinien ou une maladie de Parkinson – voire aucune pathologie particulière mais un « préjudice d'anxiété ». Et l'ex-ministre espère arracher une « présomption d'imputabilité » bien éloignée de la preuve d'un lien ou d'une présomption de causalité.

 

Imaginez maintenant la position des instances gouvernementales si l'opération aboutit – le nombre de plaintes minimum ayant été réuni – et qu'un tribunal de base décide en faveur de plaignants...

 

La position est évidemment très inconfortable. Et la décision judiciaire pourrait même avoir été influencée par cet élément d'Écophyto 2030.

 

Pourtant, la littérature académique sur les liens entre pathologies et voisinage de champs traités n'est pas très convaincante. Elle est du reste affligée d'un biais de publication (les résultats négatifs – l'absence, de lien – n'ont guère de chances d'être publiés). Correctement interprétée, une récente étude de l'INSERM sur les liens entre vignes et leucémies infantiles présente des résultats rassurants, à condition évidemment de la lire correctement. Il en est de même pour une étude sur les tumeurs embryonnaires.

 

Et la grande étude PestiRiv – « pour mieux connaître l’exposition aux pesticides des personnes vivant en zones viticoles et non-viticoles » – n'a pas encore livré ses résultats.

 

Mais nos administrations envisagent déjà une véritable boîte de Pandore... L'indicible besoin des fonctionnaires de fonctionner, de justifier leurs emplois dans les ministères « quoi qu'il en coûte » pour l'État et les citoyens. Et aussi de fournir à des ministres soucieux de leur image de quoi plastronner.

 

 

Écophyto dans les programmes électoraux du premier tour

 

Terminons sur l'actualité.

 

Le programme du Rassemblement National n'évoque pas la question des produits phytosanitaires. Ébaubissons-nous d'admiration devant la mise en route d'un programme en quatre points :

 

« L’agriculture a toujours occupé une place particulière dans le cœur des Français. Garants de notre souveraineté alimentaire, dépositaires de nos savoir-faire, gardiens de nos paysages, les agriculteurs ont un rôle indispensable pour l’indépendance de la France et le quotidien des Français. »

 

Ensemble pour la République (la minorité majoritaire sortante) propose :

 

« • Nous continuerons à réduire l’usage des pesticides de 50 % d’ici 2030, après avoir réduit l’usage des plus dangereux de 98 % depuis 2017.

 

• Nous mettrons en place des prix rémunérateurs pour les agriculteurs. Cela favorisera une alimentation de qualité payée au juste prix grâce à des prix planchers par filière. Ils entreront en vigueur à partir de 2025. »

 

Pourquoi avoir cité deux points ? Cela illustre l'ordre des priorités... L'agriculture n'est pas davantage évoquée, sauf pour les retraites.

 

Et ces deux points sont dans le chapitre « Protéger l'environnement ».

 

Chez le Nouveau Front Populaire (NFP), le volet agricole – « Pour une agriculture écologique et paysanne » – se décline en cinq points dont voici les deux derniers :

 

« • Soutenir la filière du bio et l’agroécologie, encourager la conversion en bio des exploitations en reprenant leur dette dans une caisse nationale et garantir un débouché aux produits bio dans la restauration collective

 

• Rétablir le plan Ecophyto, interdire le glyphosate et les néonicotinoïdes avec accompagnement financier des paysans concernés »

 

Nous ne savions pas que le plan Écophyto avait disparu, ni que les néonicotinoïdes étaient encore autorisés...

 

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