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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Des bactéries génétiquement modifiées chez Hoechst !

9 Juillet 2024 Publié dans #Biotechnologies, #Allemagne, #Activisme

Des bactéries génétiquement modifiées chez Hoechst !

 

Ludger Weß chez Willi l'agriculteur

 

 

 

 

Autrefois, Joschka Fischer s'y opposait, aujourd'hui le gouvernement veut à nouveau l'attirer en Hesse : une usine de production d'insuline humaine, produite bien sûr par génie génétique. Ludger Wess a suivi l'évolution des perceptions. Voici son constat.

 

 

Le génie génétique – oui, s'il vous plaît ?

 

Cette semaine, plusieurs médias ont rapporté que le gouvernement du Land de Hesse s'efforçait d'attirer à Francfort une usine de production d'insuline à l'aide de bactéries génétiquement modifiées. L'entreprise Sanofi prévoit la construction d'une nouvelle unité de production et pourrait installer cette usine d'un coût de 1,3 à 1,5 milliard d'euros sur le site de Hoechst. Le gouvernement fédéral dirigé par la coalition des feux tricolores, et notamment le ministre de l'économie vert Habeck, qui souhaite promouvoir le site pharmaceutique allemand, s'efforcerait également d'attirer cette installation en Allemagne. Le co-chef du parti des Verts et député Omid Nouripour, qui a grandi à Francfort et y a sa circonscription électorale, a même déclaré au Handelsblatt : « C'est bien sûr une nouvelle très réjouissante pour ma ville. »

 

On se frotte alors les yeux avec étonnement. En effet, une entreprise pharmaceutique avait déjà tenté une fois de construire une installation de production d'insuline par des bactéries sur le site de Hoechst de Francfort : il s'agissait de Hoechst AG, qui a ensuite été absorbée par Aventis, qui appartient aujourd'hui à Sanofi.

 

C'était en 1984 et le gouvernement du Land de Hesse s'y est opposé par tous les moyens politiques et juridiques, si bien que l'autorisation a traîné jusqu'en 1990. Les Verts de la coalition de l'époque ont joué un rôle moteur, notamment le futur ministre des Affaires étrangères Joschka Fischer. Le parti s'est opposé bec et ongles à toute forme de génie génétique.

 

Ils avaient présenté des rapports et des expertises d'ONG comme l'Öko-Institut de Fribourg et de « scientifiques critiques », selon lesquels une installation de production contenant des bactéries génétiquement modifiées ne pouvait par principe pas être sûre. Aucune installation industrielle n'est absolument étanche, disaient-ils, et il est impossible de traiter les eaux usées de manière à ce que toutes les bactéries y soient effectivement tuées et que tout le matériel génétique soit détruit. En d'autres termes, malgré toutes les mesures de sécurité, les bactéries, ou du moins les gènes de résistance à l'insuline et à des antibiotiques, s'échapperaient inévitablement dans l'environnement à plus ou moins long terme.

 

Des études scientifiques (« The long term survival of Escherichia coli in river water ») ont montré, toujours selon leurs dires, que les bactéries génétiquement modifiées survivraient dans l'environnement. Il ne serait pas exclu qu'elles puissent y transmettre le gène de l'insuline à d'autres bactéries, avec des conséquences inconnues pour l'environnement. Et comme il s'agit de souches génétiquement modifiées de la bactérie intestinale E. coli, ces bactéries trouveraient également le chemin de l'intestin humain, où elles pourraient alors commencer à produire de l'insuline. La conséquence possible serait des dérapages métaboliques mettant la vie en danger. Pire encore, des gènes de résistance aux antibiotiques sont utilisés comme marqueurs dans les organismes de production. S'ils se retrouvaient dans l'environnement, ils seraient inévitablement absorbés par des agents pathogènes et rendraient les antibiotiques inefficaces. La députée écologiste Marina Steindor avait évoqué le fait que l'usine déverserait de l'« ADN nu » dans le Main via la station d'épuration de l'entreprise, une « pollution génétique de l'environnement ».

 

En bref, l'installation de production mènerait inévitablement à un SuperGAU biotechnologique [größter anzunehmender Unfall – accident maximal hypothétique], un Tchernobyl biologique, à la différence près qu'aucun confinement n'interviendrait ici, car personne ne pourrait jamais récupérer les bactéries qui se seraient échappées.

 

Mais ce n'est pas tout. L'initiative citoyenne « Höchster Schnüffler un' Maagucker » [les gens qui fouinnent et observent les activités de Hoechst de près] a mis en garde contre « les risques considérables pour la santé liés au passage des diabétiques de l'insuline porcine à l'insuline humaine », une thèse que le Spiegel a illustrée par une grande histoire (« Avec l'introduction de méthodes de production génétiquement modifiées, des millions de diabétiques sont passés de l'insuline animale à l'insuline humaine. Pour beaucoup, le changement s'est mal passé »).

 

Hans Christoph Boppel, porte-parole du groupe parlementaire des Verts de Hesse pour la politique environnementale, avait fait savoir que l'insuline servait à l'industrie chimique allemande de « drogue d'entrée dans l'exploitation à grande échelle du génie génétique ».

 

Lorsqu'en 1987, les Verts sont passés dans l'opposition en Hesse et que le gouvernement noir-jaune [une coalition CDU-FDP] de la Hesse a fait avancer l'autorisation, l'ancien ministre Fischer s'est emporté au parlement régional en déclarant que le gouvernement avait ainsi « installé en Hesse l'une des technologies les plus inexplorées et probablement les plus dangereuses existant dans le monde ». Le parti a immédiatement formé une « alliance d'action contre le génie génétique Hoechst » avec les Maagucker ainsi que l'Union Allemande pour la Paix, le Parti Communiste Allemand (DKP) et le Bund für Umwelt und Naturschutz (BUND), qui a déposé une plainte contre l'autorisation. Cette plainte a été couronnée de succès et a entraîné de nouveaux retards [ma note : voir ici].

 

Tout cela n'a apparemment plus d'importance aujourd'hui, ni les Maagucker (qui ont retiré de leur site web toutes les références à leur lutte contre le génie génétique), ni les Verts, ni l'Öko-Institut, ni le BUND ne s'émeuvent aujourd'hui d'une usine d'insuline, bien que des bactéries génétiquement modifiées y soient toujours utilisées et qu'aucune installation de production génétique au monde ne soit censée être sûre.

 

On peut alors se demander si les expertises de l'époque étaient toutes fausses. Et si c'est le cas, pourquoi le public, les politiques et les médias continuent-ils aujourd'hui à faire confiance aux mêmes « experts » et à leurs rapports de mise en garde lorsqu'il s'agit des prétendus dangers du génie génétique appliqué aux plantes ? Après tout, ils suivent le même schéma : personne ne peut exclure que..., les risques concevables sont..., il existe des indices d'effets irrémédiables..., c'est inutile..., il existe des alternatives..., cela ne profite qu'aux multinationales..., le principe de précaution... Mais si ces expertises étaient de la vraie science – pourquoi n'y a-t-il pas aujourd'hui de tollé au sein du parti vert et des ONG environnementales, qui luttent pourtant si violemment contre les OGM ?

 

Les articles invités représentent l'opinion de l'auteur.

 

______________

 

 

Ludger Weß écrit sur la science depuis les années 1980, principalement le génie génétique et la biotechnologie. Avant cela, il a fait des recherches en tant que biologiste moléculaire à l'Université de Brême. En 2006, il a été un des fondateurs d'akampion, qui conseille les entreprises innovantes dans leur communication. En 2017, il a publié ses polars scientifiques « Oligo » et « Vironymous » chez Piper Fahrenheit et, en 2020, un ouvrage sérieux « Winzig, zäh und zahlreich - ein Bakterienatlas » (petits, robustes et nombreux – un atlas des bactéries) chez Matthes & Seitz. Cet article a été écrit par Ludger Weß à titre privé.

 

Source : Jetzt doch "genmanipulierte Bakterien in Hoechst" - Bauer Willi

 

 

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