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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Petit retour sur les salades de 60 millions de Consommateurs

15 Mai 2024 Publié dans #60 Millions

Petit retour sur les salades de 60 millions de Consommateurs

 

 

(Source)

 

Dans « 60 Millions de Consommateurs n'a pas apprécié la critique de ses salades », nous avons abordé assez brièvement sa « mise au point » publiée sur son site Internet, « Pesticides : 60 Millions ne raconte pas de salades ». Il semble utile de creuser un autre point.

 

60 Millions s'est beaucoup épanché sur le cas des produits phytosanitaires suspectés d'être CMR (cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques).

 

Voici un long extrait :

 

« Notre alimentation présente bien des traces de produits phytosanitaires

 

Notre consœur [Mme Géraldine Woessner] tacle aussi 60 Millions sur le fait que toutes les molécules retrouvées dans les salades en sachet respectent les seuils réglementaires. Et que pour l’une des molécules, la métaflumizone (un antiparasitaire vétérinaire interdit), "il faudrait manger plusieurs centaines, voire milliers de kilos de salade 'contaminée' par 0,18 mg par jour, tous les jours pendant un an, pour ressentir un début d’effet".

 

Les molécules ayant une action phytosanitaire font l’objet d’un classement établi par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), qui reçoit et évalue les substances utilisées par les entreprises au regard de la législation européenne (règlement Reach) et de la littérature scientifique. Ces données sont harmonisées et un avis est émis sur la base de leurs solidités.

 

Ces substances sont restreintes à des usages précis et doivent respecter des limites maximales de résidus (LMR) définies par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour chaque catégorie d’aliments. Les molécules suspectées cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) font l’objet de limites très basses, voire d’une interdiction de quantification (< 0,01 mg/kg).

 

Bien sûr, nous pouvons citer les molécules ayant des propriétés suspectées CMR par l’ECHA et retrouvées dans notre étude :

 

Spirotétramate – insecticide – suspecté reprotoxique

Acétamipride – insecticide (néonicotinoïde) – suspecté reprotoxique

Diméthomorphe – fongicide – suspecté reprotoxique

Métobromuron – herbicide – suspecté cancérogène (données à consolider)

Métaflumizone – insecticide – suspecté reprotoxique

Amisulbrom – fongicide – suspecté cancérogène

Propyzamide – herbicide – suspecté cancérogène

Dichlorobenzamide – métabolite d’un herbicide interdit depuis 2010 – suspecté cancérogène

 

Pour exemple, nous avons une fréquence a minima de détection (présence égale ou inférieure à 0,01 mg/kg de produit) élevée pour le spirotetramate et l’azoxystrobine (dix occurrences chacune). La première molécule est suspectée de nuire à la reproduction (H361fd) par l’ECHA, la seconde non. Le barème de notation prend ce point en compte. Ce sont des substances que nous retrouvons fréquemment lors de nos différentes études. Dans le cas des salades, elles sont majoritaires. »

 

Ce n'est pas un monument de clarté. Nous devons admettre que les huit substances énumérées ont toutes été détectées à un niveau inférieur ou égal à 0,01 mg/kg de produit. C'est ce qu'indique explicitement un texte qui ne suit pas la logique habituelle des explications de ce type, lesquelles donnent la limite de détection effective. La valeur de 0,01 mg/kg correspond à une limite maximale de résidus fixée administrativement, par défaut, quand la substance en cause n'est pas autorisée sur le produit en cause.

 

Selon l'article publié dans le numéro d'avril de la revue, on aurait utilisé la « chromatographie en phase gazeuse et liquide, couplée à un spectromètre de masse en tandem ».

 

Il nous est impossible de savoir quelle a été la limite de détection (forcément inférieure à 0,01 mg/kg, une valeur qui est déjà dans le domaine de la quantification.

 

Une petite recherche nous a mis sur la voie d'une étude de 2012 dans laquelle les limites de détection se situaient entre 0,0013 et 0,0041 mg/kg. On fait sans doute beaucoup mieux aujourd'hui. Dans cette étude sur des fruits et légumes de 2001, la LOD la plus basse est de 0,01 ppb (0,01 µg/kg ou 0,00001 mg/kg).

 

60 Millions a – nous pensons : sciemment – omis de préciser les niveaux de détection.

 

Voici un tableau qui produit un aperçu de la situation si les niveaux relevés étaient de 0,01 mg/kg.

 

 

Substance

(A)

Suspicion

(B)

LMR

(C)

DJA

(D)

% LMR

(E)

% DJA

(F)

Spirotétramate

Reprotoxique

7

0,05

0,14

0,67

Acétamipride

Reprotoxique

1,5 / 3

0,03

0,67 / 0,33

1,11

Diméthomorphe

Reprotoxique

15 / 10

0,05

0,07 / 0,10

0,67

Métobromuron

Cancérogène

0,02 / 0,04

0,01

50 / 25

3,33

Métaflumizone

Reprotoxique

6 / 20

0,01

0,17 / 0,05

3,33

Amisulbrom

Cancérogène

0,01 / 4

0,1

100 / 0,25

0,33

Propyzamide

Cancérogène

0,6

0,05

1,67

0,67

Dichlorobenzamide

Cancérogène

 

0,05

 

0,67

 

(B) Selon les indications de 60 Millions.

(C) LMR : Limite maximale de résidus (mg/kg), le cas échéant laitues/mâche.

(D) DJA : Dose journalière admissible (mg/kg de poids corporel).

(E) % LMR : Fraction de la LMR pour un produit contenant 0,01 mg de résidus/kg, le cas échéant laitue/mâche.

(F) % DJA : Fraction de la DJA absorbée par une personne de 60 kg consommant 200 g de salade ou de mâche en une journée.

 

Lecture : Une personne de 60 kg qui mangerait un paquet de salade de 200 grammes dans une journée absorberait 0,67 % de la dose journalière admissible de spirotétramate.

 

Rappelons que la LMR n'est pas une valeur sanitaire mais une limite agronomique : c'est la quantité maximale de résidus que l'on devrait trouver si la matière active a été utilisée conformément aux préconisations (0,75 L/ha au moins sept jours avant la récolte dans le cas du Movento (spirotétramate) sur laitue contre les pucerons).

 

La DJA est, quant à elle, une valeur sanitaire fixée de manière très protectrice (en général un centième de la dernière dose – établie à la louche, en ce sens que l'on ne cherche pas à trouver la dose maximale avec précision – qui, dans un test sur animaux de laboratoire (les plus sensibles) n'a pas produit d'effet (n'importe lequel) sur les animaux dans un essai de toxicité subchronique de 90 jours.

 

Comme on peut le voir, les risques sont très faibles pour une DJA déjà très sécuritaire, les risques étant mesurés ici de manière « généreuse » (0,01 mg/kg de résidus alors que tout laisse à croire que les « contaminations » alléguées par 60 Millions sont très inférieures, et une petite personne très plantophage).

 

Notre tableau illustre aussi un besoin de pédagogie sur les risques des pesticides, en particulier s'agissant des médias, au mieux ignares et au pire cyniques et sans scrupules, adeptes de titre comme : « Surtout ne consommez pas le produit Untel » dans le cas des dépassements de LMR qui ne seraient pas « extravagants ». Allô ! L'ANSES !

 

60 Millions et les colporteurs de peur peuvent, certes, nous bassiner avec l'absence alléguée de seuil dans le cas, notamment, des perturbateurs endocriniens, ou encore avec cet « effet cocktail » qui ressemble fort à l'Arlésienne. C'est irrationnel.

 

Ce genre de rhétorique devrait les amener à émettre une recommandation drastique compte tenu de toutes les substances nocives, avérées ou supposées, contenues dans les aliments « naturels » : « Ne mangeons plus ! »

 

 

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Selon ledernier rapport de l'EFSA, 51,4 % des échantillons se sont révélés exempts de résidus quantifiables, tandis que 47 % contenaient des résidus dans ou en dessous des limites spécifiées. Seulement 1,6 % des échantillons dépassaient les seuils de sécurité. Ces données reflètent une tendance positive par rapport à l’analyse précédente réalisée en 2019, où le taux de dépassement était de 2 %. <br /> Que dire de plus ...
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