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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

L'argent des agriculteurs : subventions et paiements directs – légendes et faits

10 Avril 2024 Publié dans #Economie, #Politique agricole

L'argent des agriculteurs : subventions et paiements directs – légendes et faits

 

Olaf Zinke, AGRARHEUTE*

 

 

© Olaf Zinke

Près de la moitié des revenus des exploitations agricoles à titre principal en Allemagne provient de paiements directs (appelés familièrement subventions) et d'autres aides.

 

 

Une étude critique le fait que 80 % des subventions agricoles vont à l'élevage. Les bases et les conséquences pour la production agricole sont complètement occultées. Et aussi les conséquences sur les prix à la consommation.

 

 

Environ 82 % des subventions agricoles de l'Union Européenne (UE) sont consacrées à la production de denrées alimentaires d'origine animale. C'est la conclusion d'une étude parue dans la revue spécialisée « Nature Food », qui a examiné pour la première fois de plus près les flux de denrées alimentaires dans l'UE et leur soutien financier.

 

Dans son article, le groupe de recherche indique que le fait de soutenir l'élevage de manière aussi disproportionnée via la politique agricole commune (PAC) des pays de l'UE constitue une incitation économique erronée. Focus écrit à ce sujet : « Ce chiffre montre toute l'absurdité des subventions à l'agriculture ».

 

Dans ce calcul, toutes sortes de détails importants ont toutefois été « oubliés » ou n'ont tout simplement pas été discutés. Le fait est en tout cas que près de la moitié du revenu des exploitations agricoles à titre principal en Allemagne provient de paiements directs (appelés familièrement subventions) et d'autres aides.

 

Pour les agriculteurs à temps partiel – qui représentent tout de même la moitié des exploitations agricoles – ce sont même plus de 90 % des revenus qui proviennent de subventions. Et même les exploitations biologiques, favorisées par la politique et les médias, ne pourraient absolument pas exister sans subventions. Elles tirent tout de même 70 % de leurs revenus des subventions et ne pourraient probablement pas survivre sans ces paiements.

 

En outre, ces paiements ne sont plus versés depuis longtemps par le biais de produits ou de branches de production (comme c'était le cas auparavant), mais par le biais de la surface (paiements directs, premier pilier) ou, dans une mesure toujours plus grande, par le biais de mesures agro-environnementales (deuxième pilier).

 

 

Paiements découplés via la surface

 

© Olaf Zinke

Toutefois, depuis longtemps, ces paiements ne sont plus versés par le biais de produits ou de filières (comme c'était le cas auparavant), mais par le biais de la surface (paiements directs, premier pilier) ou, de plus en plus, par le biais de mesures agro-environnementales (deuxième pilier).

 

L'objectif des paiements ainsi découplés (via les surfaces) est le suivant : d'une part, ils doivent permettre de compenser les fluctuations extrêmes des prix agricoles et, d'autre part, ces fonds sont des subventions pour les prestations sociétales des agriculteurs qui ne sont pas payées par le marché. Voilà pour la théorie.

 

Dans la pratique, de nombreuses exploitations dépendent de ces fonds pour joindre les deux bouts. Le fait est également que l'histoire des subventions agricoles est aussi longue que les débats sur la répartition des fonds.

 

Il y a plus de dix ans, un agriculteur anglais opposé aux subventions a écrit au ministre britannique de l'environnement et de l'agriculture de l'époque, David Miliband : « Mon voisin, en tant qu'agriculteur, reçoit plusieurs milliers de livres pour ne pas élever de porcs. » Selon lui, c'est plus que ce que l'agriculteur a jamais gagné en élevant des porcs. « J'aimerais maintenant me lancer moi aussi dans le business de l'élevage non porcin », a-t-il ajouté.

 

Le problème était clair : les paiements directs liés à la surface ne font aucune différence entre l'agriculteur actif et le propriétaire de la surface. C'est même le contraire qui est vrai.

 

C'est en tout cas ce que montre la répartition des subventions en Allemagne : depuis des années, aucun agriculteur ou entreprise agricole ne figure parmi les bénéficiaires les plus importants de ces subventions.

 

En revanche, beaucoup d'argent va aux ministères, aux entreprises régionales, aux offices régionaux, aux entreprises laitières et, dans le meilleur des cas, à quelques très grandes associations de producteurs dans le secteur des fruits et légumes. Ce n'est qu'à une distance très nette que suivent quelques grandes entreprises agricoles est-allemandes.

 

 

La plupart de l'argent ne va pas du tout aux agriculteurs

 

© Olaf Zinke

Même les exploitations biologiques favorisées par la politique et les médias ne pourraient pas exister sans subventions. Elles tirent tout de même 70 % de leurs revenus des subventions et pourraient difficilement survivre sans ces paiements.

 

Il est en outre difficile d'imaginer que la suppression de cette énorme part de revenu ne modifierait pas durablement la structure agricole en Allemagne (et en Europe). Mais la rupture structurelle ne s'est certainement pas déroulée comme l'exigent de nombreux politiciens et certains économistes dans leurs discours du dimanche et leurs recherches.

 

Car ce sont justement les petites exploitations, les agriculteurs à temps partiel et les agriculteurs bio – qui bénéficient de subventions particulièrement élevées – qui resteraient sur le carreau. La suppression des subventions se ferait également sentir sur le marché des terres et des baux – c'est en tout cas ce dont sont convaincus des économistes agricoles comme M. Harald Grethe de l'Université Humboldt et M. Achim Spiller de celle de Göttingen.

 

Et enfin, la rupture structurelle qui en résulterait aurait probablement des conséquences sur les prix des denrées alimentaires.

Un autre secteur profite également beaucoup des paiements : les grandes holdings agricoles d'investisseurs non agricoles. Selon une information du gouvernement fédéral, les cinq plus grandes holdings agricoles ont reçu en 2020 un total de 16,8 millions d'euros de primes à la surface et de paiements pour des mesures agricoles et environnementales.

 

 

Deuxième pilier avec contraintes environnementales et bureaucratie

 

© Olaf Zinke

C'est en Bavière et dans le Bade-Wurtemberg que l'on trouve les subventions les plus élevées pour les mesures agro-environnementales, avec une part de près de 20 % de tous les paiements. Cette part est plus de deux fois plus élevée qu'en Basse-Saxe, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie et dans le Schleswig-Holstein, où elle atteint tout juste 5 à 10 %.

 

Il n'est pas du tout certain qu'une autre répartition des subventions serait plus équitable. C'est notamment le cas pour le drainage toujours plus important des fonds vers le deuxième pilier, ce qui est pourtant réclamé avec insistance par les associations environnementales et écologiques.

 

La raison en est que ces paiements sont liés à des obligations élevées pour les agriculteurs – et ces obligations peuvent tout à fait changer en fonction des objectifs politiques et sans doute aussi de l'esprit du temps. C'est pourquoi l'agriculteur bavarois et président de district Anton Stürzer ne pense pas qu'il faille modifier fondamentalement le système. Des exigences environnementales toujours plus importantes et une bureaucratie toujours plus grande signifient pour lui une « expropriation rampante ».

 

« Je ne suis plus un homme libre si je ne peux pas produire comme je le souhaite. » De son point de vue, les exigences sont certes de plus en plus élevées, mais l'argent est de moins en moins disponible. M. Stürzer fait observer que c'est la raison pour laquelle de nombreux agriculteurs se constituent une deuxième source de revenus – car il devient de plus en plus difficile de vivre uniquement de l'agriculture.

 

C'est d'ailleurs ce que confirment les chiffres du réseau d'exploitations pilotes du ministère fédéral de l'alimentation et de l'agriculture (BMEL) : de plus en plus d'agriculteurs dépendent de revenus complémentaires provenant d'activités non agricoles.

 

 

Perte de compétitivité et hausse des prix à la consommation

 

© Olaf Zinke

Il existe des différences considérables entre les Länder. Cela s'explique notamment par les autres subventions dont bénéficient les agriculteurs à des niveaux différents. Il s'agit des bonifications d'intérêts et des aides à l'investissement accordées par l'État, du remboursement du gazole agricole, de l'indemnité compensatoire dans les zones défavorisées – sans oublier les aides aux mesures agro-environnementales.

 

Mais il y a aussi des partisans parmi les agriculteurs pour, du moins, la suppression des paiements directs du premier pilier. « Une aide forfaitaire à la surface n'aide en fin de compte que les bailleurs, mais pas les agriculteurs », estime M. Hubertus Paetow, président de la Société Allemande d'Agriculture (DLG). Jusqu'à présent, les grandes exploitations reçoivent beaucoup d'argent, car le montant des subventions est fonction de la surface travaillée, dit-il.

 

L'économiste Claus Laaser de l'Institut d'Économie Mondiale (IfW) de Kiel affirme : « En principe, toute subvention est une distorsion de l'allocation. Concrètement, cela signifie que "l'intervention de l'État fausse les marchés et empêche une utilisation optimale des ressources" ». Mais même l'IfW ne plaide pas pour la suppression totale de toutes les subventions.

 

L'une des raisons est la suivante : la suppression des paiements devrait entraîner à moyen terme une perte de compétitivité internationale. Compte tenu des prix nettement plus bas sur les marchés agricoles internationaux, cela devrait être particulièrement vrai pour l'agriculture européenne. L'une des idées d'origine de la politique agricole commune était en effet de garantir la production alimentaire européenne et les revenus agricoles par le biais des prix.

 

Mais la politique agricole et les subventions se sont progressivement éloignées de cette idée, de réforme en réforme.

 

L'agriculteur bavarois Anton Stürzer a donc une autre proposition : les consommateurs devraient être prêts à payer plus pour les produits alimentaires. On pourrait alors également renoncer aux fonds européens : « Je ne veux pas dépendre de l'aide sociale. Ainsi, je me sens presque comme un bénéficiaire de la charité ». Un travail décent doit rapporter un rendement décent, et tant que ce n'est pas le cas, il faut justement l'argent de l'Etat, dit l'agriculteur.

 

__________________

 

Olaf Zinke travaille pour AGRARHEUTE en tant que rédacteur cross-média pour les opérations et les marchés. Il analyse les marchés agricoles et des produits de base nationaux et internationaux depuis trois décennies et a travaillé à ce titre pour diverses institutions.

 

Source : Das Geld der Bauern: Subventionen und Direktzahlungen - Legenden und Fakten | agrarheute.com

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