Glyphosate urinaire et mortalité : encore une étude pourrie
Les balades dans l'écosystème des contestataires de certains aspects de nos sociétés modernes – dont ils peuvent du reste apprécier les bénéfices dans leur vie – peuvent nous mener vers des choses surprenantes.
Ici, c'est « Urinary Glyphosate levels and association with mortality in the 2013-2016 National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) » (niveaux de glyphosate urinaire et association avec la mortalité dans l'enquête nationale sur la santé et la nutrition (NHANES) 2013-2016) de Matthew Untalan, Tara Ivic-Pavlicic et Emanuela Taioli.
C'est publié dans Carcinogenesis (manuscrit reçu le 23 octobre 2023, article publié le 2 décembre 2023... article repéré par Gary Ruskin, directeur exécutif de U.S. Right to Know (ou à lui signalé), au plus tard le lendemain).
En voici le résumé :
Introduction
Le glyphosate est l'herbicide le plus couramment utilisé aux États-Unis, mais son innocuité fait toujours l'objet de débats. Nous avons évalué les niveaux de glyphosate et leur association avec la mortalité globale dans un échantillon représentatif de la population adulte américaine à partir de l'enquête nationale sur la santé et la nutrition (National Health and Nutrition Examination Survey) 2013-2016.
Méthodes
Nous avons extrait les données sur le glyphosate urinaire (N = 2.910) mesuré par spectrométrie de masse en tandem à dilution isotopique par chromatographie ionique. Les associations entre les concentrations de glyphosate et les expositions démographiques, de mode de vie et autres ont été analysées. Les données ont été reliées aux fichiers de mortalité à usage public pour 2019.
Résultats
Le niveau moyen (SE) de glyphosate était de 0,53 (0,59) ng/mL, avec 25,7 % des sujets ayant des niveaux de glyphosate inférieurs ou égaux à la limite de détection. Lors de l'analyse multivariée, l'âge et la créatinine ont été associés aux niveaux urinaires de glyphosate (p<0,0001 dans les deux cas). L'association entre les niveaux de glyphosate et la mortalité était limitée (HRadj 1,33 ; CI à 95 % 0,99-1,77 ; p = 0,06). Lorsque le 3,5,6-trichloropyridinol a été exclu du modèle de Cox, le glyphosate présente une association significative avec la mortalité (HRadj 1,33 ; CI à 95 % 1,00-1,77 ; p = 0,0532).
Conclusions
Ces données représentatives au niveau national suggèrent qu'une exposition récente au glyphosate pourrait être associée à une augmentation de la mortalité. D'autres études sont nécessaires pour comprendre le risque au niveau de la population associé au produit, étant donné son utilisation répandue dans l'agriculture.
L'article est derrière un péage. Il vient avec deux résumés graphiques, l'un trivial (le processus d'identification de la population étudiée), l'autre... peu compréhensible.
L'information – si information il y a – se rapporte à une probabilité de survie (c'est ce qu'indique l'ordonnée) se situant entre 0,9 (ou plus) et 1,0. Pourquoi alors produire un graphique qui part de 0 et laisse 90 % de la surface (ou plus) en blanc ?
Pour l'abscisse, nous avons un doute. « Personnes-mois » ou tout simplement « mois » ? Et pourquoi ne pas avoir indiqué la valeur de la limite de détection ?
On peut aussi ergoter sur le résumé. Ainsi, que signifie « 0,53 (0,59) ng/mL » ? Pour les « 25,7 % des sujets ayant des niveaux de glyphosate inférieurs ou égaux à la limite de détection », on est... en-dessous de la limite de détection, et il est donc impossible de savoir si les sujets n'ont pas (eu lors de l'analyse) du glyphosate dans leur urine ou s'ils en avaient, mais en-dessous de la LOD. C'est à ce genre de prose que l'on peut détecter une recherche militante et un biais de conflit d'intérêts intellectuels.
Pourquoi s'être arrêté aussi à une seule comparaison fondée sur la limite de détection ? Ma suggestion : picorage (cherry picking) – il ne devait y avoir rien à tirer des comparaisons entre groupes (par exemple des tertiles ou quartiels) ayant eu pas ou peu de glyphosate, ou en ayant eu beaucoup.
Ce travail pourrait s'interpréter comme suit (toujours si nous avons bien compris et en estimant les valeurs « au pifomètre ») : on a procédé à une unique analyse d'urine à l'instant 0 ; 80 mois après, il restait 93 % de sujets dans l'urine desquels on n'avait pas détecté de glyphosate, et 90 % de sujets ayant eu du glyphosate dans leur urine à un niveau supérieur à la LOD, et ce, quel que soit ce niveau.
Il ne faut pas avoir fait maternelle supérieure pour comprendre que nous avons vraisemblablement affaire à une corrélation fortuite.
(Source)
Selon les conclusions du résumé, « Ces données représentatives au niveau national suggèrent qu'une exposition récente au glyphosate pourrait être associée à une augmentation de la mortalité ». Outre qu'il n'est pas sûr que les données soient représentatives – les 2.910 sujets étant simplement ceux pour qui on a obtenu des données de base... outre que l'exposition n'a pas été récente... ce qui a été trouvé ne « suggère[...] » pas ce qui est affirmé.
C'est écrit dans le résumé-même : « L'association entre les niveaux de glyphosate et la mortalité était limitée (HRadj 1,33 ; CI à 95 % 0,99-1,77 ; p = 0,06) », c'est-à-dire non statistiquement significative. Notez aussi la double voire triple précaution : « suggèrent » et « pourrait ».
C'est, évidemment, en sus du constat que l'on est en présence d'une association purement fortuite.
Mais cela fait le bonheur des activistes anti-glyphosates...