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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

En partant ! (Dernier édito)

31 Décembre 2023 Publié dans #Divers

En partant ! (Dernier édito)

 

Jean-Paul Pelras*

 

 

 

 

Lorsque l’écrivain Gilbert Cesbron terminait ses livres, il écrivait toujours : « Adieu donc, enfants de mon cœur ». L’auteur injustement oublié de « Chiens perdus sans collier » ou de « Il est minuit Docteur Schweitzer » devait certainement s’adresser à tous ces héros, passantes et passants de papier, créés le temps d’un roman et dont les auteurs ont bien du mal à se dépêtrer une fois la dernière page rédigée.

 

Je n’irai pas jusque-là pour clore, au bout de plus de 600 éditos, le chapitre où nous nous sommes retrouvés chaque semaine ici, en page  , dans ce journal [l'Agri] qui me permit, pourquoi le nier, de poursuivre le combat débuté voilà plus de 30 ans en tant que syndicaliste agricole pour la défense du monde paysan. Personne n’est dupe et chacun a très bien compris que le journalisme servait le prolongement de la cause, n’était qu’une part consubstantielle de l’alibi. Depuis presque 15 ans, ici et dans toutes les publications où il me fut permis d’écrire, j’ai fait ce que j’ai pu et j’ai, d’une certaine façon, dit ce que j’ai voulu. À ce titre, que l’on ne vienne pas m’emmerder comme le font, tapis dans l’ombre, ceux qui ne seront jamais « les enfants de mon cœur », en me parlant de déontologie, d’objectivité et de toutes ces conneries qui enrobent le discours ambiant pour mieux travestir la réalité.

 

J’ai été agriculteur, ce fut un métier. J’ai été journaliste, ce fut un malentendu. Souvenez-vous, à ce titre, de ce que j’écrivais dans « Le journaliste et le paysan » : « Paysans et journalistes : les premiers savent, les seconds disent. J’ai été l’un et l’autre. Sans jamais être l’un ou l’autre. Finalement, je crois que ni les uns ni les autres ne me l’ont pardonné… »

 

600 éditos donc, des centaines de correspondances, des tribunes ici ou là. Pourquoi ? À vrai dire, je ne le sais plus très bien. Et c’est bien ce qui doit nous inquiéter. Que reste-t-il de ces textes jonglés dans la tourmente d’une actualité de plus en plus préjudiciable à notre ruralité ? Qu’il fut difficile de faire passer certains messages que tant de responsables syndicaux, consulaires, professionnels, politiques, médiatiques ne voulaient ni voir, ni écouter, là où l’indifférence, insidieusement, prenait le pas sur la conscience et la lucidité. Ceux-là peuvent désormais dormir tranquille : je m’en vais !

 

Yann Kerveno, qui va me succéder à partir du 1er janvier au poste de rédacteur en chef, va s’atteler, à son tour, à cette tâche compliquée qui consiste à faire vivre un titre, créé voilà 77 ans, désormais tributaire d’un secteur géographique et d’activités en difficulté. Un titre connu et reconnu, grâce notamment à son site internet et aux réseaux sociaux, bien au-delà de nos départements, pour sa liberté d’expression.

 

Nouvelle ligne éditoriale oblige, nouvelle équipe et, d’ici quelques temps, nouvelle maquette… À partir du 4 janvier je ne rédigerai donc plus l’éditorial hebdomadaire, ni la « Lettre à… » Ma date de départ en retraite, carrière longue mais réforme oblige, étant repoussée jusqu’à fin juin 2024, je rédigerai encore deux rubriques par semaine qui seront plus « édulcorées », comme le souhaitent, de toute évidence, quelques responsables professionnels et autres disciplinés visiteurs du soir. Ceux qui préfèrent au panache de la rébellion la prudence des institutions.

 

Au cours des 3 derniers numéros, « avant de partir », j’ai souhaité revenir sur les difficultés que rencontre le monde agricole, sur le dogme écologiste de plus en plus prégnant et menaçant, sur la déprise rurale, sur l’usurpation du métier.

 

Avec cet édito et, pour ainsi dire, « en partant » je voudrais adresser, à tous ceux qui m’ont fait confiance et qui m’ont soutenu, mes plus sincères remerciements. À commencer par Manu Ruperez, président de L’Agri et les membres du conseil d’administration du journal qui n’ont jamais cherché, et il est important de le dire, à influencer mon propos, à tenir le stylo. Après avoir résisté (et Dieu sait si ce fut compliqué) suite à l’affaire du milicien, c’est avec cette équipe renouvelée, cette nouvelle présidence, ces amis, ces fantassins, que nous avons redonné à L’Agri le souffle qu’il méritait.

 

Cette liberté de ton, dans un contexte qui va évoluer avec de nouveaux actionnaires, je la souhaite à Yann et à son équipe. Car elle permet d’avancer sans trembler, sans se demander si la censure va frapper, si le mot est au bon endroit, si la virgule est bien placée.

 

Ensuite, bien sûr, je tiens à remercier Julie, qui quitte L’Agri fin décembre. Infatigable Julie, interlocutrice de nos lecteurs, de nos abonnés, de nos annonceurs qui ne comptait ni le temps, ni les heures pour décrocher les nouveaux abonnements, tenir la comptabilité, participer à la construction du journal, prospecter pour les publicités… Bonne route, Julie et bonne route également à Sandy qui vient d’arriver à L’Agri pour la remplacer. Concernant la maquette, Éric, qui fut la cheville ouvrière de la création et du développement du site, continuera de monter les pages, tel un puzzle qu’il faut inlassablement reconstituer chaque mardi, d’un bouclage à l’autre. Saluer également le travail de Thierry qui va continuer avec les rubriques chasse et artisanat. Thierry, compagnon de route qui, avant de me rejoindre à L’Agri, consigna tant d’images au cours de nos rocambolesques et syndicales péripéties. Yann, enfin, journaliste auprès de nombreux médias, qui couvre l’actu agricole pour notre titre depuis bientôt 5 ans, que beaucoup d’entre vous connaissent désormais et qui va donner une nouvelle impulsion au journal, en tenant compte de l’évolution du métier d’agriculteur, mais également de celle de nos sociétés.

 

Et puis, comment clore ce propos sans remercier les chroniqueurs et les chroniqueuses qui vont cesser leur contribution au journal. À vous, Jean-Marc, Jacqueline, Robert, Liliane, Dorothée, Carole, Didier, Gilles, Claire, je ne vous ai jamais vraiment remerciés pour ce que vous avez fait, pour cette confiance que vous m’avez témoignée. Mais je crois que nous n’avons pas besoin de longs discours pour nous dire les choses, pour savoir où nous en sommes. La qualité, la pertinence et parfois l’impertinence de vos textes sont venus étayer et jalonner le quotidien du journal, conforter celui d’un lectorat qui trouvait, avec vos mots, une réponse à leurs préoccupations, un exutoire à leur indignation.

 

Voilà, chères lectrices, chers lecteurs, amis d’un texte ou d’une vie, je vous dis à bientôt, ailleurs peut-être pour d’autres péripéties. Libre, incontrôlable, encore et toujours, que vive L’Agri !

 

Jean-Paul Pelras

 

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 Source : En partant ! (Dernier édito) Par Jean-Paul Pelras - L'agri (lagri.fr)

 

Ma note : L'épopée Jean-Paul Pelras à l'Agri n'est pas tout à fait terminée. « ...je vous dis à bientôt, ailleurs peut-être pour d’autres péripéties » écrit-il ? On aimerais que le « peut-être » soit une simple clause de style. L'agriculture – la production alimentaire et, plus généralement, notre société tout entière, a besoin d'un regard acéré sur les enjeux et d'une parole libre, à la hauteur de ces enjeux.

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