Théo et le glyphosate : la dérive médiatique vers l'indignité
(Source)
Dans « Le malheur de Théo fait le bonheur des activistes anti-glyphosate », nous avions relaté un Blitz médiatique, soigneusement orchestré il va sans dire, car l'activisme excelle dans cet art et dispose de relais efficaces dans les médias.
On a fait vibrer la corde de l'émotion... et comment.
À quatre jours d'un premier vote décisif, France Info publiait « Glyphosate : un lien entre malformations et exposition prénatale à ce désherbant est reconnu par le Fonds d'indemnisation des victimes de pesticides, une première mondiale ». Le titre est explicite pour le lecteur peu ou même moyennement averti. Le texte, comme le résume le chapô, est tout à fait explicite :
« La commission d'indemnisation des enfants victimes d'une exposition prénatale aux pesticides a établi un lien de causalité entre l'exposition au glyphosate de Sabine Grataloup, alors qu'elle était enceinte, et la maladie de son fils. »
Cet article conçu essentiellement pour faire pleurer dans les chaumières était suivi le lendemain par un article du Monde – évidemment de M. Stéphane Foucart – qui déployait la même argumentation dès le titre : « Glyphosate : Théo Grataloup, porteur de graves malformations après une exposition prénatale, sera indemnisé ».
Nous avions cependant relevé que cela ne collait pas avec les précisions apportées dans le texte (c'est nous qui graissons et soulignons) :
« Près de seize ans plus tard, le 10 mars 2022, les experts du Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) ont reconnu "la possibilité du lien de causalité entre la pathologie de l’enfant et l’exposition aux pesticides durant la période prénatale du fait de l’activité professionnelle de l’un ou des deux parents", ouvrant ainsi droit à l’indemnisation de la famille […] C’est la première fois en France que l’herbicide est officiellement considéré comme une cause potentielle de malformations congénitales. »
Ajoutons ici incidemment que M. Stéphane Foucart a aussi ressorti les « Monsanto papers » et des interprétations audacieuses pour nous convaincre que Monsanto « savait » dès le début des années 2000 que le Roundup était tératogène... ce qui, curieusement (ironie), a échappé aux agents d'une bonne dizaine d'agences d'évaluation ainsi que, jusqu'à récemment, à l'armée d'activistes qui rêvent de se faire la peau du glyphosate et, pour les avocats prédateurs, les poches de Bayer-Monsanto.
Nous avions fait une fixette sur l'absence de certitude du lien de cause à effet. Mme Géraldine Woessner a insisté dans un premier temps sur l'absence de référence spécifique au glyphosate. Elle s'est mise en chasse de l'avis de la Commission d'Indemnisation des Enfants Victimes d'une Exposition Prénatale aux Pesticides (CIEVEP). Et cela a donné « Exposition prénatale au glyphosate : l’avis mal compris du Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides » (en accès libre).
En chapô :
« "Le Point" s’est procuré l’avis accordant une indemnisation au jeune Théo Grataloup, atteint d’une atrésie de l’œsophage que sa mère attribue à une exposition prénatale au glyphosate. Le lien avec l’herbicide n’est pas établi. »
Rien de bien neuf, me direz-vous. Pas du tout ! Elle écrit, partant d'une échelle de notation de la plausibilité :
« Selon ce score, le mot "possible" suggère un niveau de preuve légèrement supérieur au niveau "peu probable", mais très inférieur à celui d'une causalité "probable" ou "hautement probable". Bref : absolument rien de conclusif, confirme l'un des meilleurs spécialistes de cette maladie rare, qu'aucun journaliste, curieusement, n'a jamais interrogé sur ce sujet hautement corrosif. »
Le spécialiste – qui ne semble pas non plus avoir été consulté par la Commission – est le
« professeur Frédéric Gottrand, responsable du centre de référence des malformations œsophagiennes, cordonne, depuis le CHU de Lille, la base de données la plus importante au monde sur la maladie dont souffre Théo Grataloup. »
Ce qui ressort en filigrane – après nos propres interrogations sur la pertinence du recours à l'expertise collective de l'INSERM « Pesticides et santé – nouvelles données » – c'est une certaine légèreté, sinon une légèreté certaine, de l'examen du dossier.
Mais cela nous éloigne du propos. Mme Géraldine Woessner a publié un extrait de l'avis :
Et là, surprise ! On découvre avec stupéfaction un texte :
« Devant la profession exercée par la maman, la commission considère que l'exposition professionnelle aux pesticides, bien que limitée, est plausible, et retient la possibilité de lien de causalité entre la pathologie de l'enfant et l'exposition aux pesticides durant la période prénatale. »
qui n'est pas celui du Monde de M. Stéphane Foucart ! Pour rappel :
[...ont reconnu] « la possibilité du lien de causalité entre la pathologie de l’enfant et l’exposition aux pesticides durant la période prénatale du fait de l’activité professionnelle de l’un ou des deux parents ».
Ce texte est peut-être tiré d'une autre source... mais il est attribué explicitement aux experts du Fonds. Les mots « ont reconnu » – certes hors guillemets – n'ont pas la même valeur sémantique que « retient ». Et il manque la référence au caractère incertain, non démontré mais seulement « plausible », de l'exposition aux pesticides de la « maman » (curieux vocabulaire pour un avis d'experts, mais on vous jure qu'on n'a pas succombé à la compassion).
Notons incidemment que, comme nous l'a fait remarquer une fidèle lectrice, on est exposé à bien des substances dans le milieu équestre :
« Pourtant dans un club hippique, l'arsenal des produits chimiques est large et couramment utilisé, on protège les chevaux contre les insectes (entre autres), on désinfecte les écuries régulièrement (et pas à l'eau claire), on protège les cuirs de la sellerie. On n'a pas ciblé un produit X peu connu des médias et qui aurait fait flop à un procès, on a ciblé un produit connu et déjà diffamé. »
Revenons à la citation du Monde : où est la déontologie ?
(Source)
Le 11 octobre 2023 – donc à deux jours du vote à Bruxelles –, M. Hugo Clément a pu délivrer une « chronique » digne des célèbres propagandistes historiques. Il est vrai que cela s'appelle « En toute subjectivité »... ce qui permet à France Inter de diffuser les messages les plus délirants.
Ici, le jeune Théo est instrumentalisé pour un « appel » au Président de la République... sur la base d'un enregistrement sur Vakita... le média privé appartenant à un certain Hugo Clément.
Où est la déontologie ?
...Visitez X (ex-Twitter) en cherchant les « magnifiques » séquences de Vakita sur le glyphosate.
Ce « micro tendu » à l'Assemblée Nationale, par exemple, pour piéger des députés, bien sûr médiatiquement du « bon » bord, c'est-à-dire politiquement du « mauvais » pour ces gens.
Avec, encore, l'instrumentalisation de Théo...
(Source)
Notez toutefois qu'ici, le message a un peu évolué : c'est un « lien possible ».
Voici un extrait de la prose de Médias Citoyens sur X :
« L'empressement du journaliste du Monde à interpréter, selon son filtre idéologique, l'avis partiel et non motivé d'une instance qui ne dispose pas de suffisamment d'éléments scientifiques, pose question. Le journaliste aurait dû, au minimum, relayer cette information avec des pincettes, de très grandes précautions. Au contraire, Le Monde a préféré "sortir" cette affaire et en faire un argument massif en vue du vote qui devait se tenir vendredi 13 octobre à Bruxelles pour décider de réhomologuer, ou non, l'herbicide.
On peut considérer, à l'orée de ces différents éléments, qu'il s'agit d'un cas de désinformation à caractère militant aux lourdes conséquences vis à vis de l'opinion publique. Elle confirme la confusion, de plus en plus fréquente au sein des rédactions du Monde, entre journalisme et parti-pris idéologique. Nous transmettons ces éléments au Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) et à l'AFP. »
Quelle suite à l'article de Mme Géraldine Woessner dans le Point ? Les médias qui se sont précipités à la suite de l'article du Monde ou en réponse aux sollicitations des activistes pour annoncer la « bonne nouvelle » du lien (prétendument) reconnu entre le glyphosate et la maformation congénitale de Théo ont manifesté un silence assourdissant.
Où est la déontologie ?
Nous attendons avec impatience l'avis du CDJM autoproclamé, si prompt à chercher querelle à Mme Géraldine Woessner...
Et voici que l'agent orange est l'ancêtre du glyphosate. Décidément, on ne se refuse rien. (Source et source)